Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
Chef d'orchestre Daniele Rustioni
Metteur en scène Christophe Honoré
Décors Alban Ho Van
Costumes Pascaline Chavanne
Lumières Dominique Bruguière
Chorégraphie Ashley Wright
~
Philippe II Michele Pertusi
Don Carlos Sergey Romanovsky
Rodrigue Stéphane Degout
Le Grand Inquisiteur Roberto Scandiuzzi
Un Moine Patrick Bolleire
Elisabeth de Valois Sally Matthews
La Princesse Eboli Eve-Maud Hubeaux
Nouvelle production
Lyon, le 28 mars 2018
Les Hauts murs ou l'apparat du malheur
Christophe Honoré articule sa production autour de trois axes majeurs : la Passion, au sens christique du terme, des protagonistes, la théâtralité exacerbée du drame, ici "emphatisée" par la mise en branle de tout ce qui fait théâtre depuis Shakespeare, et la thématique du Pouvoir conçu comme « le plus froid de tous les monstres froids », dans une vision très noire de cet « opéra du malheur » comme il le qualifie lui-même et selon une approche foucaldienne (et « panoptique » puisque nul ne se retrouve jamais seul dans cet univers dévoré par les regards).
A l’instar de Robert Carsen avec ses sublimes Dialogues des Carmélites, la scénographie, très épurée, dérive de la grande peinture religieuse du temps et sert son propos admirablement dans une verticalité architecturale au diapason de la verticalité politique de la royauté et de l’Inquisition. On sent l’influence d’Adolphe Appia (les escaliers monumentaux), de Richard Peduzzi (Lulu et Lucio Silla), du Parsifal de G. Friedrich (Bayreuth, 1987) pour les alvéoles cellulaires, du Vième Acte de l’Armide selon Patrice Caurier et Moshe Leiser (pour les flammes de l’Autodafé), notamment.
Il renouvelle avec beaucoup de force et d'éloquence le personnage d’Eboli et le groupe des condamnés de l’autodafé devenus ici des convulsionnaires. La scène finale identifie Elisabeth à la Vierge, après des postures de Pieta baroque, tandis qu’un Angelot de lumière joue le rôle d’un Deus ex-machina. C’est une immense réussite : le tout est absolument maîtrisé et chauffé à blanc par une direction d’acteur d’une rare acuité.
Hélas Daniele Rustioni ne se hisse pas sur les mêmes cimes. Après un début assez terne (Acte de Fontainebleau), il fait montre d’un métier très sûr pour son âge, en particulier dans l’équilibre scène-fosse, et déploie une énergie immense mais peine à imprimer sa marque sur un chef d’œuvre servi par les plus grands.
Le plateau de solistes réuni ici est superlatif. A l’exact inverse des Infants trop mûrs, Sergey Romanovsky dessine le plus juvénile, le plus torturé et le plus exalté des Carlos, d’une crédibilité absolue, dont le format vocal reflète la fêlure de l’âme, dans un français de haut lignage.
Sally Matthews propage autour d’elle un champ magnétique de haut voltage. Altière et intense, avec un registre grave chtonien et rocailleux, des élans de forte houle, elle manque de nuance, de clarté dans la diction et de féminité mais impose un personnage à la Stéphane Audran.
Eve-Maud Hubeaux confirme ici (et à quel degré d’excellence !) qu’elle est la plus douée, la plus étonnante et la plus charismatique des mezzos de sa génération, avec une palette de dons d’une large richesse. Elle brûle les planches, à l’instar du Posa de Stéphane Degout qui insuffle chez Verdi l’art du lied et de la mélodie qu’il sert à un degré suprême sans rien amollir d’un personnage auquel il confère une bouleversante humanité et des phrasés de Grand d’Espagne.
Michele Pertusi, dans une forme vocale éblouissante qu’on n’espérait plus de lui à ce stade de sa carrière et après des moments difficiles, campe un Philippe II à la projection insolente, à l’autorité fracassante et au français très net. Son affrontement avec le Grand Inquisiteur est magistral même si Roberto Scandiuzzi n’a pas renoué, quant à lui, avec son zénith et triture sa ligne vocale comme un adepte du sado-masochisme.
Au total, on vit une soirée exaltante et qui frise l’exhaustivité n’était un ballet légèrement amputé de sa conclusion.
Jérôme Pesqué
Metteur en scène Christophe Honoré
Décors Alban Ho Van
Costumes Pascaline Chavanne
Lumières Dominique Bruguière
Chorégraphie Ashley Wright
~
Philippe II Michele Pertusi
Don Carlos Sergey Romanovsky
Rodrigue Stéphane Degout
Le Grand Inquisiteur Roberto Scandiuzzi
Un Moine Patrick Bolleire
Elisabeth de Valois Sally Matthews
La Princesse Eboli Eve-Maud Hubeaux
Nouvelle production
Lyon, le 28 mars 2018
Les Hauts murs ou l'apparat du malheur
Christophe Honoré articule sa production autour de trois axes majeurs : la Passion, au sens christique du terme, des protagonistes, la théâtralité exacerbée du drame, ici "emphatisée" par la mise en branle de tout ce qui fait théâtre depuis Shakespeare, et la thématique du Pouvoir conçu comme « le plus froid de tous les monstres froids », dans une vision très noire de cet « opéra du malheur » comme il le qualifie lui-même et selon une approche foucaldienne (et « panoptique » puisque nul ne se retrouve jamais seul dans cet univers dévoré par les regards).
A l’instar de Robert Carsen avec ses sublimes Dialogues des Carmélites, la scénographie, très épurée, dérive de la grande peinture religieuse du temps et sert son propos admirablement dans une verticalité architecturale au diapason de la verticalité politique de la royauté et de l’Inquisition. On sent l’influence d’Adolphe Appia (les escaliers monumentaux), de Richard Peduzzi (Lulu et Lucio Silla), du Parsifal de G. Friedrich (Bayreuth, 1987) pour les alvéoles cellulaires, du Vième Acte de l’Armide selon Patrice Caurier et Moshe Leiser (pour les flammes de l’Autodafé), notamment.
Il renouvelle avec beaucoup de force et d'éloquence le personnage d’Eboli et le groupe des condamnés de l’autodafé devenus ici des convulsionnaires. La scène finale identifie Elisabeth à la Vierge, après des postures de Pieta baroque, tandis qu’un Angelot de lumière joue le rôle d’un Deus ex-machina. C’est une immense réussite : le tout est absolument maîtrisé et chauffé à blanc par une direction d’acteur d’une rare acuité.
Hélas Daniele Rustioni ne se hisse pas sur les mêmes cimes. Après un début assez terne (Acte de Fontainebleau), il fait montre d’un métier très sûr pour son âge, en particulier dans l’équilibre scène-fosse, et déploie une énergie immense mais peine à imprimer sa marque sur un chef d’œuvre servi par les plus grands.
Le plateau de solistes réuni ici est superlatif. A l’exact inverse des Infants trop mûrs, Sergey Romanovsky dessine le plus juvénile, le plus torturé et le plus exalté des Carlos, d’une crédibilité absolue, dont le format vocal reflète la fêlure de l’âme, dans un français de haut lignage.
Sally Matthews propage autour d’elle un champ magnétique de haut voltage. Altière et intense, avec un registre grave chtonien et rocailleux, des élans de forte houle, elle manque de nuance, de clarté dans la diction et de féminité mais impose un personnage à la Stéphane Audran.
Eve-Maud Hubeaux confirme ici (et à quel degré d’excellence !) qu’elle est la plus douée, la plus étonnante et la plus charismatique des mezzos de sa génération, avec une palette de dons d’une large richesse. Elle brûle les planches, à l’instar du Posa de Stéphane Degout qui insuffle chez Verdi l’art du lied et de la mélodie qu’il sert à un degré suprême sans rien amollir d’un personnage auquel il confère une bouleversante humanité et des phrasés de Grand d’Espagne.
Michele Pertusi, dans une forme vocale éblouissante qu’on n’espérait plus de lui à ce stade de sa carrière et après des moments difficiles, campe un Philippe II à la projection insolente, à l’autorité fracassante et au français très net. Son affrontement avec le Grand Inquisiteur est magistral même si Roberto Scandiuzzi n’a pas renoué, quant à lui, avec son zénith et triture sa ligne vocale comme un adepte du sado-masochisme.
Au total, on vit une soirée exaltante et qui frise l’exhaustivité n’était un ballet légèrement amputé de sa conclusion.
Jérôme Pesqué
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
Beaucoup de noms très attendus pour ce Don Carlos : le Rodrigue de Stéphane Degout, l'Eboli de Eve-Maud Hubeaux, ... sans compter la direction de Rustioni.
Curieux de savoir ce que donnera le Carlos de Sergey Romanowsky, ténor très à l'aise dans le Rossini virtuose mais que j'ai vu plus à la peine dans des emplois plus lourds comme Rodolfo par exemple.
Curieux de savoir ce que donnera le Carlos de Sergey Romanowsky, ténor très à l'aise dans le Rossini virtuose mais que j'ai vu plus à la peine dans des emplois plus lourds comme Rodolfo par exemple.
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
Dans Opéra Magazine de ce mois-ci, Christophe Honoré indique que la version choisie est celle des répétitions parisiennes de 1866, c'est à dire celle que l'on a entendu à Bastille en octobre, à laquelle est ajoutée une partie du ballet composé par Verdi pour la création parisienne de 1867.
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
Ils craignent une vague de suicide dans le public s'ils jouaient le ballet en entier ou des crises d'inanition?David-Opera a écrit : ↑15 mars 2018, 14:07Dans Opéra Magazine de ce mois-ci, Christophe Honoré indique que la version choisie est celle des répétitions parisiennes de 1866, c'est à dire celle que l'on a entendu à Bastille en octobre, à laquelle est ajoutée une partie du ballet composé par Verdi pour la création parisienne de 1867.
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
Il dit qu'il a retenu la partie du ballet qui servira à anticiper le déroulement final de l'action.
http://fomalhaut.over-blog.org/
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
durée annoncée 5h avec 1 entracte
un seul ?
un seul ?
Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
La distribution parait inégale et en deça de la distribution parisienne.
Cela n'implique évidemment pas que les représentations lyonnaises seront d'une qualité inférieure aux représentations parisiennes.
Le ballet ?
La solution retenue ne me semble pas pertinente : ou on le donne intégralement ou on s'en dispense, ce qui serait pertinent si on entend donner la version primitive de cet opéra, telle que conçue par Verdi.
A suivre...
fomalhaut
Cela n'implique évidemment pas que les représentations lyonnaises seront d'une qualité inférieure aux représentations parisiennes.
Le ballet ?
La solution retenue ne me semble pas pertinente : ou on le donne intégralement ou on s'en dispense, ce qui serait pertinent si on entend donner la version primitive de cet opéra, telle que conçue par Verdi.
A suivre...
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
C'est difficilement gérable pour les chanteurs, et pas utile pour le public. Richard Martet en faisait son édito récemment dans Opéra magazine.
Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018
tu fais allusion à quoi ? le ballet ? l'entracte unique ?Markossipovitch a écrit : ↑15 mars 2018, 22:09C'est difficilement gérable pour les chanteurs, et pas utile pour le public. Richard Martet en faisait son édito récemment dans Opéra magazine.