Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Chef d'orchestre Patrick Davin
Metteur en scène Christian Hecq, Valérie Lesort
Décors Laurent Peduzzi
Costumes Vanessa Sannino
Lumières Christian Pinaud
Chorégraphie Glyslein Lefever
Chef de choeur Pierre Iodice
~
Angèle Anne-Catherine Gillet
Horace Cyrille Dubois
Brigitte Antoinette Dennefeld
Juliano François Rougier
Jacinthe Marie Lenormand
Gil Perez Laurent Kubla
Ursule Sylvia Bergé
Liège, le 27 février 2018
Depuis une quinzaine d’années, les opéras d’Auber connaissent un véritable regain d’intérêt : Fra Diavolo a été applaudi à Compiègne (2006), à Metz (2007), à la salle Favart puis à Liège dans la même production de Jérôme Deschamps mais avec des chefs différents (2009), à Limoges (2013) et, l’automne dernier, à Rome ; La Muette de Portici a retrouvé les planches de l’ Opéra-Comique en avril 2012, Haydée et La Sirène ont été exhumées à Compiègne (2004 et 2008), Gustave III ou le bal masqué à Metz en septembre 2003 et Manon Lescaut a été remontée à Liège en avril 2016. Ce même théâtre accueille en ce mois de février la nouvelle production du Domino noir qui sera reprise, à partir du 26 mars, salle Favart avec la même distribution mais un autre orchestre.
Le Domino noir a vu le jour, sept ans après Fra Diavolo, le 2 décembre 1837 à l’Opéra-Comique (10 jours plus tard, Paris découvrait Lucia di Lammermoor). Il s‘agit sans doute du meilleur des 37 livrets (pas moins !) que Scribe a écrit pour Auber puisque le suspense sur la mystérieuse identité de l’héroïne (L’épouse d’un Lord ? Une ballerine en vogue ? La Reine d’Espagne elle-même ?!? La future Mère-Abbesse ?) est intact et sur son choix de vie crucial tout autant. L’inspiration d’Auber y est à son zénith avec des airs mémorables (les couplets d’Angèle au premier acte « Qui suis-je ? » et son air du troisième, l’Aragonaise « La Belle Ines » , etc ..), le ravissant chœur des religieuses (« Heureux qui ne respire »), le personnage haut en couleur de la gouvernante Jacinthe et une scène finale d’une force pathétique assez rare sous sa plume.
On n’est donc aucunement surpris du succès considérable de cet ouvrage qui a conquis les plus grandes scènes du globe à commencer par celles de Belgique dès 1838 (Bruxelles, Liège, Anvers) mais aussi Londres, Berlin et Amsterdam, la même année, puis, en 1839, Saint-Pétersbourg, Prague, Copenhague, La Nouvelle-Orléans. L’ouvrage est créé à Madrid, où se déroule l’intrigue, le 22 février 1840 dans une traduction italienne avant que les Lisboètes ne le découvrent dans leur propre langue l’année suivante. Puis ce fut le tour de New York (1843), de Vienne (1846), de Rio de Janeiro à l’automne 1846 et en français, de Varsovie (1868) et Rome (1891), etc…
Le Domino noir totalisa 1193 représentations à l’Opéra-Comique, de 1837 à 1911, la dernière reprise dans notre capitale remontant à 1935, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Decca en a publié une intégrale dirigée par Richard Bonynge en 1995 avec Sumi Jo. On note aussi une exhumation à la Fenice en novembre 2003 avec le tandem Minkowski / Pizzi.
La production du couple Valérie Lesort-Christian Hecq est un pur moment de bonheur, dont l’inventivité constante est digne des meilleures réussites d’Alfredo Arias ou de Stefan Herheim. Dans ce monde-là, très Fables chez Feydeau, tout devient possible. Les cloisonnements qu’imposent de toute éternité les lois d’airain de la nature, du temps et de la société volent en éclats. Le minéral peut s’animer, les règnes animal et humain s’hybrider, les classes sociales aussi et le vif saisir la mort ! Qu’on ouvre une porte et voici venir une musique du futur, qu’on serve un cochon de lait reconstitué et la bête dodeline de la tête comme ces grandes gargouilles du couvent qui ricanent des jeux de pouvoir électifs dans des vapeurs d’enfer ! Car le fantastique colore aussi le tout. Quant à la sonnerie des mâtines, c’est un moment irrésistible et chaplinesque. Bref c’est Noël dans le livret et dans nos yeux !
La distribution est assez irréprochable. Anne-Catherine Gillet aborde ici avec brio un des rôles les plus riches sur le plan théâtral de son répertoire, avec une voix plus ronde et plus charnue que naguère, mais toujours cette exquise musicalité et cette justesse stylistique qui sont sa marque. On peut en dire autant de Cyrille Dubois qui brille de prise de rôle en prise de rôles, avec une quinte aiguë formidable, beaucoup de finesse interprétative et un talent scénique de plus en plus affermi et affirmé. Antoinette Dennefeld. ne cesse de confirmer, hautement, les espoirs placés en son talent si rare tandis que Marie Lenormand, comme prenant vie d’un tableau de Botero, brûle les planches à l’instar du Lord Elfort de Laurent Montel. François Rougier fait montre d’une voix saine et sonore et campe un Comte Juliano d’un grand naturel. Sylvia Bergé, de la Comédie Française, confère un charisme inquiétant à Ursule, nonne rongée d’ambition et sur une pente quasi démoniaque tandis que le Gil Perez de Laurent Kubla, de sa taille de géant, semble sortir de l’arbre généalogique de la famille Adams.
Patrick Davin enlève cette brillante partition avec allant et probité. Il en éclaire les subtilités et les raffinements à la tête des forces de la maison en bien belle forme.
Saluons bien bas et le cœur joyeux cette absolue réussite !
Jérôme Pesqué
Metteur en scène Christian Hecq, Valérie Lesort
Décors Laurent Peduzzi
Costumes Vanessa Sannino
Lumières Christian Pinaud
Chorégraphie Glyslein Lefever
Chef de choeur Pierre Iodice
~
Angèle Anne-Catherine Gillet
Horace Cyrille Dubois
Brigitte Antoinette Dennefeld
Juliano François Rougier
Jacinthe Marie Lenormand
Gil Perez Laurent Kubla
Ursule Sylvia Bergé
Liège, le 27 février 2018
Depuis une quinzaine d’années, les opéras d’Auber connaissent un véritable regain d’intérêt : Fra Diavolo a été applaudi à Compiègne (2006), à Metz (2007), à la salle Favart puis à Liège dans la même production de Jérôme Deschamps mais avec des chefs différents (2009), à Limoges (2013) et, l’automne dernier, à Rome ; La Muette de Portici a retrouvé les planches de l’ Opéra-Comique en avril 2012, Haydée et La Sirène ont été exhumées à Compiègne (2004 et 2008), Gustave III ou le bal masqué à Metz en septembre 2003 et Manon Lescaut a été remontée à Liège en avril 2016. Ce même théâtre accueille en ce mois de février la nouvelle production du Domino noir qui sera reprise, à partir du 26 mars, salle Favart avec la même distribution mais un autre orchestre.
Le Domino noir a vu le jour, sept ans après Fra Diavolo, le 2 décembre 1837 à l’Opéra-Comique (10 jours plus tard, Paris découvrait Lucia di Lammermoor). Il s‘agit sans doute du meilleur des 37 livrets (pas moins !) que Scribe a écrit pour Auber puisque le suspense sur la mystérieuse identité de l’héroïne (L’épouse d’un Lord ? Une ballerine en vogue ? La Reine d’Espagne elle-même ?!? La future Mère-Abbesse ?) est intact et sur son choix de vie crucial tout autant. L’inspiration d’Auber y est à son zénith avec des airs mémorables (les couplets d’Angèle au premier acte « Qui suis-je ? » et son air du troisième, l’Aragonaise « La Belle Ines » , etc ..), le ravissant chœur des religieuses (« Heureux qui ne respire »), le personnage haut en couleur de la gouvernante Jacinthe et une scène finale d’une force pathétique assez rare sous sa plume.
On n’est donc aucunement surpris du succès considérable de cet ouvrage qui a conquis les plus grandes scènes du globe à commencer par celles de Belgique dès 1838 (Bruxelles, Liège, Anvers) mais aussi Londres, Berlin et Amsterdam, la même année, puis, en 1839, Saint-Pétersbourg, Prague, Copenhague, La Nouvelle-Orléans. L’ouvrage est créé à Madrid, où se déroule l’intrigue, le 22 février 1840 dans une traduction italienne avant que les Lisboètes ne le découvrent dans leur propre langue l’année suivante. Puis ce fut le tour de New York (1843), de Vienne (1846), de Rio de Janeiro à l’automne 1846 et en français, de Varsovie (1868) et Rome (1891), etc…
Le Domino noir totalisa 1193 représentations à l’Opéra-Comique, de 1837 à 1911, la dernière reprise dans notre capitale remontant à 1935, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Decca en a publié une intégrale dirigée par Richard Bonynge en 1995 avec Sumi Jo. On note aussi une exhumation à la Fenice en novembre 2003 avec le tandem Minkowski / Pizzi.
La production du couple Valérie Lesort-Christian Hecq est un pur moment de bonheur, dont l’inventivité constante est digne des meilleures réussites d’Alfredo Arias ou de Stefan Herheim. Dans ce monde-là, très Fables chez Feydeau, tout devient possible. Les cloisonnements qu’imposent de toute éternité les lois d’airain de la nature, du temps et de la société volent en éclats. Le minéral peut s’animer, les règnes animal et humain s’hybrider, les classes sociales aussi et le vif saisir la mort ! Qu’on ouvre une porte et voici venir une musique du futur, qu’on serve un cochon de lait reconstitué et la bête dodeline de la tête comme ces grandes gargouilles du couvent qui ricanent des jeux de pouvoir électifs dans des vapeurs d’enfer ! Car le fantastique colore aussi le tout. Quant à la sonnerie des mâtines, c’est un moment irrésistible et chaplinesque. Bref c’est Noël dans le livret et dans nos yeux !
La distribution est assez irréprochable. Anne-Catherine Gillet aborde ici avec brio un des rôles les plus riches sur le plan théâtral de son répertoire, avec une voix plus ronde et plus charnue que naguère, mais toujours cette exquise musicalité et cette justesse stylistique qui sont sa marque. On peut en dire autant de Cyrille Dubois qui brille de prise de rôle en prise de rôles, avec une quinte aiguë formidable, beaucoup de finesse interprétative et un talent scénique de plus en plus affermi et affirmé. Antoinette Dennefeld. ne cesse de confirmer, hautement, les espoirs placés en son talent si rare tandis que Marie Lenormand, comme prenant vie d’un tableau de Botero, brûle les planches à l’instar du Lord Elfort de Laurent Montel. François Rougier fait montre d’une voix saine et sonore et campe un Comte Juliano d’un grand naturel. Sylvia Bergé, de la Comédie Française, confère un charisme inquiétant à Ursule, nonne rongée d’ambition et sur une pente quasi démoniaque tandis que le Gil Perez de Laurent Kubla, de sa taille de géant, semble sortir de l’arbre généalogique de la famille Adams.
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Jérôme Pesqué
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Photos du site de Lège publiées par Cyrille Dubois
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
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https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Une de mes meilleures soirées à Liège depuis longtemps !
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Les décors semblent inspirés de ce superbe film de Martin Scorcese, Hugo Cabret, sur Mélies et les débuts du cinéma.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Au repas de presse, les deux metteurs en scène n'ont pas cité ce film.
Leur grosse horloge, c'est celle de la gare d'Orsay. Chez Scorcese, celle de la Gare de Lyon ?
j'y vais la semaine prochaine
Leur grosse horloge, c'est celle de la gare d'Orsay. Chez Scorcese, celle de la Gare de Lyon ?
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Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Ce n'est pas Cyrille Dubois qu'il faut citer pour ces photos mais © Lorraine Wauters – Opéra Royal de Wallonie-Liège
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
je me joins au concert d'éloges; j'ai adoré !
Critique à suivre
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Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Non, Montparnasse où Méliès, ruiné, tenait une petite échoppe de jouets.
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard
Jules Renard
Re: Auber- Le Domino noir- Davin/ Hecq & Lesort- Liège & OC-02 & 03 & 04/2018
Le film parle bien de la Gare Montparnasse. Mais la reconstitution mélange Gare Montparnasse et Gare d'Orsay. Notamment avec cette horloge en façade, qui est en fait une réplique de celle qu'on peut voir à Orsay.
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)