Respighi - La Belle au bois dormant - Forget / Horáková - Lyon 02/2018

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Respighi - La Belle au bois dormant - Forget / Horáková - Lyon 02/2018

Message par dge » 16 févr. 2018, 21:27

Ottorino Respighi - La Belle au bois dormant

Opéra en trois actes sur un livret de Gianni Bistolfi, d’après Charles Perrault
Crée à Rome le 13 avril 1922


Lyon - Théâtre de la Croix-Rousse – Février 2018


Direction musicale : Philippe Forget
Mise en scène : Barbora Horáková Joly
Décors et costumes : Eva Maria van Acker
Lumières : Michaël Bauer
Chorégraphie :James Rosental

La fée bleue / Le rossignol / Le fuseau : Henrike Henoch
Le roi / Le bûcheron / L'ambassadeur : Jan Zadlo
La reine / Le coucou / Le chat : Beth Taylor
La princesse : Nikoleta Kapetanidou
Le prince / Le bouffon : Grégoire Mour
La duchesse / La vieille dame : Ana Victoria Pitts
Mister dollar / La fée verte / Un araldo / Il grande fusiere : Angelo Rinna

Orchestre, Maîtrise et Studio de l'Opéra de Lyon

Coproduction avec l’Opéra de Montpellier.


Représentation du 13 février


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©Blandine Soulage


Pourquoi un si long sommeil…


En cette période qui précède le mini festival Verdi qui débutera le 16 mars, la quasi-totalité des forces vives de l’Opéra de Lyon est mobilisée sur la préparation de cet évènement. C’est une occasion pour l’institution de se délocaliser hors les murs avec des œuvres ne nécessitant pas de très gros moyens et dans des lieux différents, ce qui a le double avantage de maintenir une activité lyrique dans la cité tout en essayant d’amener un public différent à découvrir l’art lyrique. Ainsi sont programmés en ce mois de février Le journal d’un disparu de Janacek au TNP( viewtopic.php?f=6&t=19910) et La belle au bois dormant de Respighi au Théâtre de la Croix-Rousse.

Ottorino Respighi, compositeur italien mort en 1936, est surtout connu pour deux poèmes symphoniques, Les Fontaines de Rome et Les Pins de Rome. Mais il est aussi l’auteur de neuf opéras et cinq ballets qui peinent à s’imposer y compris dans son pays natal. Sa musique qui cherche à retrouver les traditions musicales de son pays est ouverte à beaucoup d’influences, ce qui peut lui enlever une personnalité propre.

La Belle au bois dormant (La bella adormentata nel bosco) composée originellement pour un théâtre de marionnettes et un effectif d’une quinzaine de musiciens est crée à Rome le 13 avril 1922 et rencontre un très grand succès en Italie et à l’étranger. Quelques années plus tard le compositeur reprendra sa partition et étoffera la partie orchestrale. Cette nouvelle version est crée à Turin le 13 avril 1934. C’est la version originale qui est donnée ici, en langue italienne, avec dialogues en Français. La création française avait eu lieu à l’Opéra du Rhin en 2015 ( viewtopic.php?f=6&t=15260&p=240670&hili ... nt#p240670), mais en langue française.
Le livret de Gianni Bistolfi suit d’assez près le conte de Perrault à ceci près que le sommeil de la princesse dure jusqu’en 1940 et, clin d’œil à la modernité, le prince charmant est accompagné de Mister Dollar et d’un groupe de financiers américains. Tout se termine dans un fox-trot endiablé.
Sur ce livret Respighi a composé une musique d’un grand raffinement avec une recherche de couleurs orchestrales particulièrement réussie où s’entremêlent par moments des pastiches de différents compositeurs ; on reconnaît Massenet, Puccini, Wagner, Strauss entre autres. Quant à l’écriture vocale elle est exigeante, avec un duo final très puccinien.


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©Blandine Soulage

La metteuse en scène Barbora Horáková nous propose une lecture décalée et inventive de ce conte, tout en en respectant l’imaginaire : «… nous devons nous permettre de croire à la magie de ces vieux contes. Nous devons trouver au cœur de ces histoires d’enfants un moyen de nous échapper de notre monde réel. » Elle va nous raconter l’histoire d’une petite fille qui joue avec ses camarades à Bali sur un tas d’ordures et de déchets. Elle y découvre le livre de La belle au bois dormant et son imagination va en réinventer l’histoire. Progressivement le très ingénieux décor d’ Eva Maria van Acker avec l’aide des très belles lumières de Michael Bauer va évoluer avec l’introduction de quelques accessoires scéniques qui sont des objets de son quotidien : le lit de la princesse est une vieille baignoire, la couronne du roi est faite de couverts, le buisson de ronces censé protéger le château est un entrelacs de bandes de signalisation de chantiers… « Nous sommes dans un monde dont on ne peut s’évader que par l’imagination en croyant à sa beauté » écrit Barbora Horáková dans sa note d’intention… Avec beaucoup d’intelligence et une direction d’acteurs précise, elle arrive à donner à ce monde de pauvreté sa propre féerie.
Au début du troisième acte, une poussière d’étoiles tombe du ciel : le prince est accompagné de Mister Dollar et de personnages de Walt Disney qui nous nous donnent l’illusion d’être transportés dans un célèbre parc d’attractions, illustration d’« une fantaisie artificielle, commerciale et standardisée – une façade qui cache le vide. »


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©Blandine Soulage


Les membres du Studio de l'Opéra de Lyon dirigés par Jean-Paul Fouchécourt défendent cette partition avec beaucoup d’investissement tant musical que scénique, se pliant aux contraintes de chanter plusieurs rôles. Henrike Henoch affronte avec vaillance les vocalises de la fée. Dans le rôle du Roi Jan Zadlo fait valoir une voix de baryton bien timbrée. Très convaicantes aussi Beth Taylor en Reine, Nikoleta Kapetanidou en Princesse et Angelo Rinna dans un quadruple rôle. Ana Victoria Pitts fait valoir son beau mezzo en Vieille Dame et en Duchesse.
On accordera une mention particulière à Grégoire Mour qui aussi bien dans le rôle de bouffon et surtout dans celui du prince fait valoir de beaux moyens. Sa voix de ténor bien projetée et son aigu facile lui permettent de donner beaucoup de relief au duo final de style grand opéra, beau moment de chant auquel participe pleinement sa partenaire.

Les enfants de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, très bien préparés par Karine Locatelli, sont parfaits de justesse théâtrale et de chant. C’est un vrai régal de les voir prendre beaucoup de plaisir à jouer cette féérie.

La direction de Philippe Forget, précise et souple, attentive aux chanteurs, révèle les raffinements de l’écriture orchestrale et les différents registres de la partition. Les 18 musiciens de l’ Orchestre de l’Opéra de Lyon, placés sur scène côté jardin nous gratifient de couleurs orchestrales superbes.

Une très belle découverte, parfaitement servie et qui fait regretter que cette Belle au bois dormant ne trouve pas une petite place dans les programmations. La production sera redonnée à Montpellier. Si vous êtes dans la région, ne la manquez pas.


Gérard Ferrand

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