Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

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dge
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Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par dge » 30 janv. 2018, 19:08

Charles Gounod – Faust

Opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré
Créé à Paris – Théâtre Lyrique – le 19 mars 1859

Genève – Opéra des nations – février 2018


Direction musicale : Michel Plasson
Metteur en scène & lumières : Georges Lavaudant
Conseiller artistique et dramaturgique : Jean-Romain Vesperini
Décors et costumes : Jean-Pierre Vergier
Collaborateur aux mouvements : Giuseppe Bucci

Faust : John Osborn
Méphistophélès : Adam Palka
Marguerite : Ruzan Mantashyan
Valentin : Jean-François Lapointe
Wagner : Shea Owens
Siebel : Samantha Hankey
Marthe : Marina Viotti

Chœur du Grand Théâtre
Direction : Alan Woodbridge

Orchestre de la Suisse Romande




Représentation du 12 février



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Marguerite pure, Plasson radieux

En ce début d’année 2018 qui célèbre le cent cinquantième anniversaire de la naissance de Gounod, le Grand Théâtre de Genève organise plusieurs manifestations autour de Faust. C’est bien sûr une nouvelle production de l’opéra de Gounod qui en est le point culminant et elle sera suivie par les Scènes de Faust de Schumann données en concert à la fin de ce mois.

Loin des questionnements philosophiques de Goethe, le livret de Barbier et Carré s’écarte beaucoup du texte original. Plus centrée sur Marguerite, mélange d’opéra et d’opéra-comique où la dérision, la parodie et le vaudeville côtoient des passages pathétiques, l’œuvre n’est pas facile à mettre en scène si l’on veut éviter de tomber dans le kitsch. Georges Lavaudant dit avoir voulu chercher « une balance entre une certaine distance ironique qu’on peut glisser ici ou là, et la sincérité de l’œuvre ». Mais la réussite n’est pas au rendez-vous. Précisons que la version choisie place la scène de l’Eglise à la fin de l’acte IV, donc après la mort de Valentin et que la scène de Walpurgis est supprimée. Ces deux modifications accentuent l’importance donnée à Marguerite et à son destin tragique en introduisant une continuité entre sa demande de pardon et la scène de la prison.



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Dans un entretien publié dans le programme de salle, Georges Lavaudant précise que prenant en compte les contraintes techniques de l’Opéra des Nations, il a voulu avec son décorateur Jean-Pierre Vergier placer « cet opéra dans une zone industrielle qui joue sur l’imaginaire d’un studio de cinéma. Au début le spectateur découvre l’atelier de Faust qui, peu à peu, se transforme au gré des envies d’un Méphistophélès réalisateur. » Les costumes dus aussi à Jean-Pierre Vergier suggèrent une époque contemporaine stylisée.

La scénographie construite sur deux niveaux montre un hangar de cinéma (mais il faut avoir lu les déclarations du metteur en scène pour le percevoir immédiatement parce qu’on pense plutôt à une succession de garages) avec ses portes métalliques qui coulisseront pour montrer la chambre de Marguerite, et un promenoir supérieur, les deux niveaux étant reliés par un escalier en colimaçon. Tout ceci est assez laid, et ce ne sont pas les éclairages dus aussi au metteur en scène qui apportent une note de gaîté.
L’idée de départ de Georges Lavaudant peut sembler une piste intéressante. Malheureusement il n’arrive pas à construire une cohérence entre les diverses ambiances de l’œuvre et la lisibilité s’en ressent. Quelques idées sont bienvenues, comme le coffret de bijoux remplacé par un énorme paquet cadeau contenant une somptueuse robe faite d’éclats de miroirs brisés, ou la scène de l’Eglise rendue de façon très intense qui montre un Méphisto ayant pris l’apparence du Christ crucifié. Mais toutes les scènes parodiques sont le plus souvent inutilement surchargées ; ainsi en est-il par exemple de celle du Veau d’or où les pantomimes de diablotins cornus et en collant noir et de danseuses de cabaret (dont une Miss Satan !) viennent inutilement parasiter l’action. Quant à la kermesse elle fait évoluer des femmes en perruque rose, robe à pois, chaussures dépareillées. Désuet aussi ce géant aux immenses ailes blanches qui se saisit du corps de Marguerite morte. C’est éviter un certain kitsch pour retomber dans un autre. Cette lecture donne au final l’impression d’une succession de scènes sans fil rouge entre elles et ce ne sont pas les accessoires cinématographiques qui apparaissent de temps en temps manipulés par les diablotins-assistants qui aident à le tisser. C’est d’autant plus dommage que le combat de Marguerite contre le mal rendu ici avec une certaine force, se trouve affadi par ces diversions.



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Mais le bonheur est ailleurs, dans l’exécution musicale qui nous offre bien des satisfactions.
Et tout d’abord dans la fosse. C’est Jesús Lopez Cobos qui devait diriger cette production. Souffrant il a été fait appel à Michel Plasson pour le remplacer. A l’écoute de plusieurs productions récentes qu’il a dirigées, on pouvait craindre une perte de vivacité et des tempi un peu alanguis. Mais il n’en a rien été et l’on ne peut qu’être étonné et admiratif de voir cet octogénaire fidèle serviteur de la musique française rayonner d’autant de talent et de vigueur. Certes la battue est plus économe, plus retenue mais elle dégage une énergie impressionnante. On est pris dès le prélude par les couleurs et le raffinement qu’il obtient de l’orchestre. Les textures sont allégées, transparentes, les différentes harmonies parfaitement mises en évidence. L’énergie n’est jamais utilisée pour faire plus de son mais pour impulser une tension dramatique constante. Ainsi « Gloire immortelle de nos aïeux… » est rendu sans le moindre accent de pompiérisme. L’ Orchestre de la Suisse Romande le suit amoureusement et nous gratifie de sonorités superbes, tout particulièrement les bois.
Le Chœur du Grand Théâtre de Genève excellemment préparé par Alan Woodbridge se montre parfait de puissance et de cohésion.



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Ce Faust est une prise de rôle pour John Osborn. La voix n’est peut-être pas la plus idiomatique, manquant parfois un peu d’héroïsme et à la projection limitée mais on ne peut qu’admirer le style de l’interprète. La prononciation, le phrasé, l’intelligence du texte sont exceptionnels comme sa maîtrise technique qui lui permet d’effectuer le contre-ut de la cavatine en messa di voce. Théâtralement il souffre de la conception du metteur en scène qui ne fouille pas assez son personnage.
Elève de Mirella Freni et Hedwig Fassbender, passée par l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, Ruzan Mantashyan est une très belle révélation. Avec un timbre cristallin, un medium riche, s’appuyant sur large une palette de couleurs et de dynamiques, cette jeune chanteuse arménienne compose une Marguerite pleine de charme et de sensibilité. L’air des bijoux parfaitement ciselé montre son aisance dans les vocalises, mais c’est sans doute dans « Il ne revient pas, j’ai peur, je frissonne… » au 4eme acte qu’elle révèle le plus ses qualités d’expression et d’intelligence musicale. L’interprétation atteint ici le sublime d’autant que le chef lui déroule un tapis sonore d’une richesse inouïe dans une complicité interprétative qui est sans doute le moment le plus fort de la soirée. Les suraigus d’ « Anges purs… » sont à la limite de ses moyens (fatigue ?) mais la performance globale est admirable et on suivra avec intérêt la progression de sa carrière.

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Le Méphisto d’ Adam Palka est plus problématique. Ce jeune chanteur polonais possède des moyens vocaux impressionnants : voix longue, noirceur du timbre, belle projection. Malheureusement la prononciation est déficiente accentuant l’impression d’une inattention au sens des mots et d’un phrasé relâché loin du style requis pour ce rôle. C’est d’autant plus dommage qu’il donne beaucoup de relief à son interprétation scénique. Mais c’est un défaut qui peut se corriger et on peut prédire à cette belle voix de basse un très beau futur.
La noblesse du phrasé, l’attention portée à chaque mot, on les trouve chez Jean-François Lapointe. Son interprétation de Valentin est superlative, que ce soit dans « Avant de quitter ces lieux... » ou lors de sa mort.
Les seconds rôles sont parfaitement tenus, qu’il s’agisse du Siebel sensible de Samantha Hankey ou du Wagner de Shea Owens. Enfin Marina Viotti fait une très belle composition d’une Dame Marthe délurée et confirme les promesses vocales suscitées par sa prestation au dernier concours de chant de Genève.

L’excellence de l’interprétation musicale vaut aux interprètes une ovation longue, chaleureuse et parfaitement méritée.



Gérard Ferrand

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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par MariaStuarda » 31 janv. 2018, 06:56

Petit veinard !
On attend ton retour avec impatience.

eustochium
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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par eustochium » 11 févr. 2018, 01:43

Quand on entend l'accueil que l'OSR réserve à Michel Plasson au moment de son entrée, on se dit qu'on va passer une excellente soirée.

Et puis entre John Osborn(Faust) et on se dit qu'on a parlé trop vite...

J'avais déjà eu un peu de peine avec son Arnold (Guillaume Tell) et je grince des dents dès les premières mesures. L'intuition est confirmée pendant "Salut demeure chaste et pure" avec des aigus en voix de tête. A ce moment-là, je me suis retenue de crier : "c'est interdit des choses pareilles !"

Si le timbre d'Adam Palka (Méphistophélès) est moelleux à souhait, alternativement séducteur et glaçant, la diction passe plus difficilement. On le comprend bien la plupart du temps, mais la prononciation fait perdre, dans le dernier acte en particulier, une bonne partie de la portée dramatique des paroles.

Jean-François Lapointe (Valentin) est sublime, on en viendrait à vouloir changer l'opéra pour le garder plus longtemps sur scène. Chaque air est un vrai bijou et on se laisse gagner par l'émotion.

Ruzan Mantashyan (Marguerite) nous suspend à ses lèvres dès les premières notes et l'on attend impatiemment son premier air. Tout y est, le timbre, la rondeur, la précision dans les vocalises, la prononciation, les nuances d’interprétation… et la salle ne s'y trompe pas puisque, chose exceptionnelle, on n'entend personne tousser.

Shea Owens (Wagner), Samatha Hankey (Siebel) et Marina Viotti (Marthe) sont à la hauteur du reste de la distribution. Marina Viotti n’en est pas à sa première expérience au Grand-Théâtre et c’est toujours une très belle surprise.

La mise en scène n’est ni bonne ni mauvaise ; elle ne m’a pas choquée (je ne suis pourtant pas spécialement adepte des m-e-s modernes), mais je ne m’en souviendrai pas non plus pendant des siècles… Elle laisse un goût de « pourquoi pas »…

Le chœur (en particulier les hommes) impressionne comme toujours et on se réjouit de retrouver la Place Neuve pour une acoustique à sa hauteur.

L'OSR fait partie de ces orchestres qui peuvent être mauvais ou très bons selon les jours, mais entre les mains de Michel Plasson, les imperfections sont oubliées, les timbres sublimes...on est tour à tour déchiré, glacé, enivré... Chose exceptionnelle aux Nations, la balance est bonne, les chanteurs très rarement couverts, et l’on prend alors encore plus conscience du talent du Maître.

Séquence émotion pour moi au moment des saluts, je dois à Michel Plasson d’être tombée dans la marmite : je chantais avec la maîtrise dans la production de Carmen qu'il dirigeait à Genève en...2000... Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de lui à l'époque, mais ce soir, j'ai vu un grand homme.

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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par fomalhaut » 12 févr. 2018, 11:37

Sait-on si une radiodiffusion est prévue ?

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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par MariaStuarda » 12 févr. 2018, 13:24

fomalhaut a écrit :
12 févr. 2018, 11:37
Sait-on si une radiodiffusion est prévue ?

fomalhaut
Oui ça m’intéresse aussi ...

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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par EdeB » 12 févr. 2018, 16:56

MariaStuarda a écrit :
12 févr. 2018, 13:24
fomalhaut a écrit :
12 févr. 2018, 11:37
Sait-on si une radiodiffusion est prévue ?

fomalhaut
Oui ça m’intéresse aussi ...
Et moi aussi... Plasson dirigeant Faust. Miam !
Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. - M. Leiris
Mon blog, CMSDT-Spectacles Ch'io mi scordi di te : http://cmsdt-spectacles.blogspot.fr/
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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par eustochium » 12 févr. 2018, 21:21

10 mars 2018 à 20h00 sur espace 2 selon le site du grand-théâtre

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Re: Gounod - Faust - Plasson / Lavaudant - Genève 02 / 2018

Message par dge » 14 févr. 2018, 23:44

Mon CR en tête de fil.

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