Couperin - Les Nations - Talens Lyriques / C. Rousset - Rouen, 17/01/2018

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EdeB
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Couperin - Les Nations - Talens Lyriques / C. Rousset - Rouen, 17/01/2018

Message par EdeB » 21 janv. 2018, 21:12

François Couperin (1668-1733) – Les Nations.

Premier ordre : La Françoise
Sonade « gravement ; gayement ; rondement ; gayement ; gravement ; vivement ; air gracieusement, gayement »
Allemande « sans lenteur »
Première courante « noblement »
Seconde courante « un peu plus vite »
Sarabande « gravement »
Gigue « gayement »
Chaconne ou passacaille « modérément »
Gavotte
Menuet

Deuxième ordre : L'Espagnole
Sonade « gravement et mesuré ; vivement ; doux et affectueusement ; légèrement ; repos ; gayement ; repos ; gayement ; air tendre ; vivement et marqué »
Allemande « gracieusement »
Courante « noblement »
Seconde courante « un peu plus vivement »
Sarabande « gravement »
Gigue lourée « modérément»
Gavotte « tendrement, sans lenteur »
Rondeau « affectueusement »
Bourrée « gayement »
Passacaille « noblement et marqué »

Troisième ordre : L'Impériale
Sonade « gravement ; vivement ; gravement et marqué ; légèrement ; rondement ; vivement »
Allemande « sans lenteur »
Courante
Seconde courante « plus marquée »
Sarabande « tendrement »
Bourrée « gayement »
Gigue « d'une légèreté modérée »
Rondeau « gayement »
Chaconne
Menuet

Quatrième ordre : La Piémontoise
Sonade « gravement ; vivement ; gravement ; vivement et marqué ; air gracieusement ; deuxième air ; gravement et marqué ; légèrement »
Allemande « noblement et sans lenteur »
Courante
Seconde courante « plus gayement »
Sarabande « tendrement »
Rondeau « gayement »
Gigue « affectueusement quoy que légèrement »

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset – direction et clavecin

Rouen, Chapelle Corneille, 17 janvier 2018


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Composées sur une période d’environ trente-cinq ans, Les Nations, « sonades et suites de symphonies en trio » de François Couperin dit « le Grand » furent publiées en 1726. Le compositeur s’explique avec force détails dans son Aveu préliminaire sur la genèse d’une œuvre dont la première sonate fut composée dans sa jeunesse sous l’influence de Corelli, et qui passa même pour l’œuvre d’un maître italien, par un subterfuge dont on comprend que le Français apprécia la réussite. Ces pièces datant des années 1690 sont suivies de suites de danses. Toutefois, en dépit de ces pastiches ensuite avoués, il serait illusoire d’y voir un quelconque portrait musical des territoires qui leur donnent leurs noms. En effet, ces œuvres témoignant de la perfection d’un art bien français virent le jour sous une toute autre appellation. La Pucelle, L’Astrée et La Visionnaire devinrent par la suite La Française, La Piémontaise et L’Espagnole, et « s’enchaînent très naturellement avec les suites [de danses] qui leur succèdent », ainsi que le relève Christophe Rousset dans l’ouvrage qu’il a consacré à François Couperin (Actes Sud, 2016). Quant à L’Impériale, elle avait débuté son existence en étant La Convalescente ; sa séduction la fit d’ailleurs transposer par Bach en pièce pour orgue. Cette fusion entre le style italien et le style français domine un recueil où l’on trouve fort peu de concessions à ces goûts européens supposément typés. Si la présentation musicale des nations n’était pas neuve, il s’agit sans doute là plus d’un artifice rhétorique qu’une réelle promesse musicale, malgré les quelques traits représentatifs ; le contrepoint à l’allemande pour l’Impériale, un écho de castagnettes pour l’Espagnole.

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C’est un long compagnonnage que celui unissant le maître français et Christophe Rousset. On se rappelle le coffret magistral des pièces pour clavecin autrefois paru chez Harmonia Mundi (désormais épuisé), et divers autres albums plus récents. La clarté qui caractérise l’art du fondateur des Talens Lyriques se teinte ici de camaïeux contrastés et de grisailles subtiles, soutenus par théorbe, flûtes et hautbois ajoutés à un superlatif continuo et à deux violons subtilement véloces – effectif alors publicisé en 1727. Si, dans sa Description du Parnasse françois, Titon du Tillet affirmait que les pièces pour clavecin de Couperin avaient un « chant noble & gracieux », ces qualités intrinsèques à l’art du compositeur étaient également en exergue dans ce concert rouennais.

La clarté et la retenue de cette lecture exhalaient parfois une forme de mélancolie ; certaines ombres creusant les reliefs de ces suites de danses si séduisantes, dont l’allégresse laissait ainsi place à certaines interrogations et à une élégante gravité. Entrecroisant les voix, tissant un discours dont la subtilité encourageait une écoute attentive, ces « sonades » – terme que Couperin souhaitait voir remplacer celui de « sonate » – libéraient une « œuvre au noir » envoûtante dont l’alchimie mystérieuse attestait de la complicité des musiciens des Talens Lyriques. D’Atsushi Sakaï, dont l’enchanteresse viole répondait aux violons persuasifs de Gilone Gaubert-Jacques et Gabriel Grosbard, en passant par les flûtes déliées de Jocelyn Daubigney et Stefanie Troffaes et la chaleur enveloppante des hautbois de Josep Domenech et Thomas Meraner, tout concourait à cet équilibre architecturé à merveille et aux couleurs miroitantes. Y faisait écho la douceur du théorbe de Laura Mónica Pustilnik. L’union des styles italiens et français se fusionnait ainsi avec un naturel soyeux, une finesse qui ne respirait jamais l’artifice et un dynamisme qui accueillait l’auditeur dans son giron, en une invitation à la danse. Délié meneur, le clavecin de Christophe Rousset guidait ces chorégraphies savantes et sages, pétillantes et sincères, où chaconnes et passacailles tissent leurs enchantements, laissant la place à des menuets qui conduisent à l’intériorité d’un silence.
Il faut se réjouir qu’un enregistrement vienne bientôt pérenniser cette lecture enchanteresse, qui nous emmène en-deçà de nous-même.

Emmanuelle Pesqué

Photographies © E. Pesqué.
Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. - M. Leiris
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