Les Funérailles de la Foire. Cie des Pêcheurs de Perle.Rouen 15.12.17

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pingpangpong
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Les Funérailles de la Foire. Cie des Pêcheurs de Perle.Rouen 15.12.17

Message par pingpangpong » 16 déc. 2017, 17:32

Les Funérailles de la Foire
Spectacle sur la naissance de l'opéra comique d'après Lesage, Fuzelier et d'Orneval
Compagnie Pêcheur de Perle

Judith Le Blanc, conception et mise en scène
Benjamin Pintiaux, collaboration artistique  

Lucile Richardot, la Foire
Cécile Achille,  la comédie italienne 
Camille Merckx, la comédie française
Renaud Brès, l'Opéra
Valentin Vander, le médecin, Mezzetin, le Public, etc.

Camille Aubret, violon
Marie-Suzanne de Loye, viole de gambe
Marouan Mankar Bennis, clavecin

Pour ce deuxième des trois concerts de la saison baroque III, intitulée Parodies, pastiches et métamorphoses,V.Dumestre a eu la bonne idée d'inviter les Pêcheurs de perle à présenter leur spectacle Les Funérailles de la Foire.
Cette série de concerts ne pouvait mieux rêver que cette farce musicale mettant aux prises spectacles populaire et classique, frivolité et gravité, élitisme et populisme, sujet donnant encore lieu à d'innombrables passes d'armes de nos jours, y compris dans ce forum.

Le genre Opéra Comique, fort de l'intérêt croissant du public de la Foire parisienne de l'été 1718, se voit interdit par décret du Régent Philippe d'Orléans, poussé par la noblesse qui voit d'un mauvais œil ce succès populaire.
Mais fort heureusement, dès le 6 octobre, la Régente autorise les forains à jouer sur la scène du Palais Royal leur parodie des spectacles officiels, donnant ainsi naissance par là même à l'Opéra Comique qui pris son essor véritable trois ans plus tard.

Parodiant le “Je languis nuit et jour“ de la toute première scène du Bourgeois Gantilhomme de Molière, le truculent personnage de la Foire, pâle et défaite, en chemise de nuit, détourne dès son entrée la musique de Lully pour prendre à partie un public qui va se voir courtisé tout au long de ce spectacle fort original qui ambitionne de reprendre, en les condensant sur environ une heure quinze, les trois pièces à succès : Funérailles de la Foire (1718), Querelle des Théâtres (1718) et Rappel de la Foire à la vie (1721).

Après avoir appelé à son chevet l'impuissant Monsieur Craquet, médecin “demeurant rue des Fossoyeurs“, la Foire tente vainement de se réconcilier avec ses deux ennemies, les Comédies Française et Italienne, toutes de noir vêtues, gestes et paroles emphatiques, grands airs et jalousie mêlés.
Malgré les roucoulades échangées avec l'empanaché Opéra, “Mon poulet vous pleurez/Ma poulette vous mourez“, la Foire expire sur le thème des Trembleurs entendu dans Isis de Lully.
Orgue, encens et éloge funèbre en chaire, voici le prêtre qui achève d'enterrer cette Foire bien embarrassante : “Tes funestes appâts ont causé ton trépas“.
C'est sans compter l'obstination (intéressée) de l'Opéra qui descend aux Enfers .
“Mon ami Pluton rend-moi ma cousine. Je t'en prie au nom de ta Proserpine“ est convié à chanter les spectateurs hilares, après quoi la Foire revient toute de rouge vêtue, amassant les billets qu'un public complice lui glisse dans son décolleté : “Que les forains se réjouissent ; que ne fait-on pas pour l'argent quand on l'aime“, suivi des deux airs de déploration et de fureur respectivement pour les comédies française et italienne. Mais la Foire les tance : “Vainement vous voulez me nuire. La Foire est une hydre pour vous“.
Le Public, personnifié sur scène de manière un tantitnet vulgaire, costume à rayures et cigare type barreau de chaise en bouche, réconcilie les trois furies sur l'air de “Flon flon, larida dondaine... Quelque procès qu'on lui fasse, on ne peut s'en dégager...C'est la Foire qui menace, que d'auteurs sont en danger“.

Convoquant la tradition théâtrale française, tragique et comique, la comedia dell' Arte, les musiques de ballet ou d'opéra, références qui, sans doute, parlaient bien plus aux oreilles aguerries du XVIII ème siècle commençant qu'aux nôtres, la gageure des Pêcheurs de perle n'en est pas moins tenue, notamment grâce à une équipe de chanteurs efficaces, bien chantants, dans laquelle se distinguent Lucile Richardot et Renaud Brès, aux belles voix amples et au français irréprochable, les paroles étant essentielles pour suivre des péripéties qui visent à divertir et à faire rire. C.Achille s'en sort plutôt bien, qui n'a pas la tâche facile de parodier l'exubérance italienne avec l'accent idoine et de donner à son air de fureur, comme en a tant produit l'opéra italien, toute la fulgurance lyrique.
Quant à sa complice C.Merckx, alias la Comédie française, une voix mieux projetée aurait permis de mieux apprécier la pompe de son texte.
Le comédien Valentin Vander, endossant de multiples costumes souvent très rapidement, courant de droite et de gauche, homme à tout faire, y compris faire chanter le public en s'accompagnant à la guitare, possède la verve comique nécessaire, qui n'est pas sans rappeler Michel Simon, y compris dans le timbre de voix.
Les trois musiciens, donnent également volontiers de la voix, malgré tout leur grand sérieux tout au long de ce spectacle réjouissant.

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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