Donizetti - L’Elixir d’amour - Bauer/Chevalier - Nice - 11/2017

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Donizetti - L’Elixir d’amour - Bauer/Chevalier - Nice - 11/2017

Message par romance » 27 nov. 2017, 19:49

L’Elixir d’amour de Donizetti, Melodramma giocoso en deux actes, sur un livret de Felice Romani, (adapté du livret d’Eugène Scribe pour un opéra d’Auber, « Le Philtre »), créé le 12 mai 1832 au Teatro alla Canobbiana à Milan.


Nouvelle production.

Direction musicale : Roland Böer
Mise en scène, décor et lumières : Éric Chevalier
Costumes : Françoise Raybaud-Pace
Vidéo : Gabriel Grinda
Adina : Gabrielle Philiponet soprano
Giannetta : Aude Fabre soprano
Nemorino : Davide Giusti ténor
Belcore : Philippe-Nicolas Martin baryton
Dulcamara : Marc Barrard basse-bouffe
Orchestre Philharmonique de Nice
Choeur de l'Opéra de Nice

Représentation du 24 novembre 2017

Avant de rapporter ce que je retiens de cette nouvelle production, je ne peux m’empêcher de rappeler ce qu’écrivait Berlioz, dans ses Mémoires, sur l’une des premières représentations de l’opéra, durant l’été 1832 : « … En arrivant…. Je trouvais la salle pleine de gens qui parlaient tout haut et tournaient le dos au théâtre ; les chanteurs gesticulaient toutefois et s’époumonaient à qui mieux mieux, du moins je dus le croire en les voyant ouvrir une bouche immense, car il était impossible à cause du bruit des spectateurs d’entendre un autre son que celui de la grosse caisse. On jouait, on soupait dans les loges etc… » Rien de cela à Nice ! La salle fut sagement complice de ce melodramma giacoso, en faisant preuve d’une telle attention que pas un interprète n’eût à s’époumoner. D’ailleurs…

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La direction musicale de Roland Bauer, (qui dirigea le Rigoletto donné à Nice en juin dernier), est toujours aussi brillante et affirmée. Il vit intensément cette musique qu’il semble « porter » de tout son être. Un tout petit bémol cependant, au début de la première partie, les chanteurs sont assez souvent couverts par l’orchestre, ce qui crée un déséquilibre, surtout quand les solistes « interprètent », certes avec conviction, mais aussi quelque retenue. L’équilibre s’atteindra progressivement ; les interprètes habiteront aussi leur personnage progressivement et le chef fera preuve d’une généreuse énergie partagée par l’ensemble de la fosse et du plateau. En un mot, l’osmose fut réussie !
Finesse, intelligence (et pourquoi pas tendresse ?), jolies lumières, couleurs vivantes, nous retrouvons tous ces ingrédients dans la mise en scène d’Eric Chevalier.
Au départ, un village du Sud, une fontaine, un immeuble, des affiches publicitaires sur les murs, une rue qui monte, une cheminée qui fume, une église, puis le village s’anime, des lavandières sont à l’ouvrage auprès de quelques pêcheurs optimistes. On pourrait croire à un quartier de Nice, il y a quelques décennies. Ce décor se personnalise et se transforme au fil des actes, grâce aux vidéos de Gabriel Grinda. Ainsi, un cœur et sa flèche sur une affiche disent l’amour de Nemorino ; quand ce dernier abuse de son élixir, les éléments du décor deviennent flous. Sans ostentation, ces vidéos donnent à voir, en couleurs, les images du déroulement de notre histoire, dans des tons qui rappellent particulièrement les ocres et les bleus du Sud.
Charme des adorables robes très années 50, de Françoise Raybaud-Place, donnant une grâce particulière aux héroïnes.

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Gabrielle Philiponet, ravissante et fraiche Adina, à la voix de lyrique léger, au timbre au départ un peu acide, (ce qui, somme toute, pourrait correspondre au personnage : quelque peu cynique au début, pour se transformer ensuite en amoureuse) se révèle convaincante dans le duo de la scène 2, pour interpréter le II° acte, en beauté, en nous délivrant un chant à la technique impeccable, aux aigus assurés, du vrai bel canto. Superbe « Prendi, per me sei libero ».

Nemorino est interprété par le ténor Davide Giusti, au départ fragilisé par une projection limitée, s’affirme progressivement, pour délivrer sa romance, « Una Furtiva Lacrima » magnifiquement modulée, de très belle facture.
Ces deux chanteurs donneront la pleine mesure de leurs moyens durant le II° acte, nous réservant de très nombreux moments de plaisir, en déployant alors toute la richesse de la palette de leurs couleurs vocales.

Aude Fabre nous offre d’emblée une Gianetta vivante, drôle, généreuse créant un bel équilibre vocal avec l’excellent Belcore de Philippe-Nicolas Martin, parfait de bout en bout.
Quant à Marc Barrard, il donne à son Dulcamare, une saveur « douce-amère », empreinte de la sereine roublardise nécessaire.

Une mention toute particulière à l’excellent chœur de l’opéra de Nice, dirigé par Giulio Magnanini.

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Salle pleine, majorité grisonnante mais pas que... La brochure remise donne un chiffre de 19,5 % d’augmentation de la fréquentation et fait état d’un « renouvellement du public », avec un nombre d’abonnés en constante hausse. Eric Chevalier, directeur de l’Opéra de Nice espérait, il y a quelques mois grâce au retour de la grande tradition lyrique, « allant de pair avec l’audace et l’innovation », s’ouvrir à de nouveaux publics. Nous pouvons donc rester optimistes !

Un Elixir réussi, qui, à l’heure où l’on honore le Beaujolais nouveau, ne peut évidemment qu’être dégusté avec … générosité.


Aurélie Beltrame-Cristiani

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Re: Donizetti – L’Elixir d’amour-Bauer/Chevalier-Nice- 11/2017

Message par paco » 27 nov. 2017, 19:58

romance a écrit :
27 nov. 2017, 19:49
"les chanteurs gesticulaient toutefois et s’époumonaient à qui mieux mieux, du moins je dus le croire en les voyant ouvrir une bouche immense, car il était impossible à cause du bruit des spectateurs d’entendre un autre son que celui de la grosse caisse. On jouait, on soupait dans les loges etc… »
Cela m'a toujours amusé de voir à quel point l'Opéra à cette époque ressemblait à une boîte de nuit... ;-)
Et c'est tellement drôle de le rappeler, en comparaison du silence parfois glacial du public depuis plus d'un siècle qui considère que l'opéra doit s'écouter dans un silence religieux, comme une messe...

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Re: Donizetti – L’Elixir d’amour-Bauer/Chevalier-Nice- 11/2017

Message par romance » 27 nov. 2017, 20:08

J'ai coupé la citation. La suite : "En conséquence, voyant qu'il était inutile d'espérer entendre la moindre chose de cette partition, alors nouvelle pour moi, je me retirai. Il paraît cependant, plusieurs personnes me l'ont assuré, que les Italiens écoutent parfois"... :wink:

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Re: Donizetti – L’Elixir d’amour-Bauer/Chevalier-Nice- 11/2017

Message par micaela » 27 nov. 2017, 20:12

Et dire que certains s'offusquent pour quelques papiers froissés ou quelques toussotements...
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Re: Donizetti – L’Elixir d’amour-Bauer/Chevalier-Nice- 11/2017

Message par JdeB » 28 nov. 2017, 09:55

paco a écrit :
27 nov. 2017, 19:58
romance a écrit :
27 nov. 2017, 19:49
"les chanteurs gesticulaient toutefois et s’époumonaient à qui mieux mieux, du moins je dus le croire en les voyant ouvrir une bouche immense, car il était impossible à cause du bruit des spectateurs d’entendre un autre son que celui de la grosse caisse. On jouait, on soupait dans les loges etc… »
Cela m'a toujours amusé de voir à quel point l'Opéra à cette époque ressemblait à une boîte de nuit... ;-)
Et c'est tellement drôle de le rappeler, en comparaison du silence parfois glacial du public depuis plus d'un siècle qui considère que l'opéra doit s'écouter dans un silence religieux, comme une messe...

oui, je vais bien insister dans mon livre sur les spectateurs sur cette évolution majeure qui date de Bayreuth mais qui a été initiée à Parme au milieu du XVIII ième siècle
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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