Il Fasolo/Monteverdi Poème Harmonique V.Dumestre Rouen 17.11.17

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Il Fasolo/Monteverdi Poème Harmonique V.Dumestre Rouen 17.11.17

Message par pingpangpong » 18 nov. 2017, 19:15

Venezia dalle calli ai Palazzi
Oeuvre de Monteverdi, Il Fasolo, Castello, Ferrari, dell'Arpa

Distribution :
Claire Lefilliâtre soprano
Jan Van Elsacker alto
Serge Goubioud ténor
Geoffroy Buffière basse
Vincent Dumestre théorbe, guitare baroque et direction

Musiciens du Poème Harmonique

Benjamin Lazar mise en espace


Dix-sept ans se sont écoulés depuis l'enregistrement fameux, par Vincent Dumestre et son Poème Harmonique, du disque Il Fàsolo? (le point d'interrogation est dans le titre) et dont sont ici reprises des pièces parmi les plus emblématiques.
Je dis enregistrement fameux, mais y en-a-t-il qui ne le soient pas, tant le soin apporté à ces captations est le fruit d'un amour de la musique jamais pris en défaut?

Il Fasolo, autrement dit le Haricot, serait natif de Bergame, les sources le concernant constituant un véritable puzzle, partant de la bibliothèque de Bassano del Grappa, d'une copie faite par le musicologue Chilesotti, seul détenteur d'un manuscrit de ce compositeur dont il ne reste rien d'autre, manuscrit détruit durant la 1ère guerre mondiale, et dont le nom se confond selon les pistes étudiées, avec celui de Giovanni Battista Fasolo d'Asti dit l'Académicien retraité et, plus vraisemblablement, de Francesco Manelli auteur également d'oeuvres religieuses.

“Est-ce que je dors encore ou suis-je éveillé ? Quelles contrées s'offrent à mes yeux ?“ s'interroge, dans la pénombre à peine troublée par la lueur de quelques bougies, Ulysse (et le spectateur donc! ) étonné de se sentir sur la terre ferme dès sa première scène dans l'opéra de Monteverdi, comme si Venise, ici, lui ouvrait ses bras pour mieux le faire renaître, et puisque, c'est Carnaval, reprendre goût à la vie, pour mieux le troubler et l'étourdir.

Chassant la mélancolie de la “Ninfa“ monteverdienne et de son Lamento, auquel Claire Lefilliâtre prête un timbre désormais moins brillant dans l'aigu mais non moins chaud et poignant dans l'expression, voici que l'avant-scène s'enflamme littéralement (toujours ces éclairages chers au tandem Dumestre/Lazar) avec la “Barchetta Passaggiera“ ou “Misticanza di vigna alla bergamasca“.
Aussi drôle à voir qu'à entendre, cette œuvre carnavalesque publiée en 1628 à Rome, voir surgir quatre personnages issus de la Commedia dell' Arte, nous invitant à faire ripaille ; le populaire, qu'il soit de France, d'Allemagne, d'Espagne ou d'Italie, ne conçoit pas de fête l'estomac vide, à l'instar des passagers de cette barque sur laquelle un chat sème la zizanie, finissant par emporter le fromage.
Mais l'amour et ses tourments se rappellent à nous à travers la célèbre “Vilanella che all'acque vai“ de Giovanni Leonardo dell'Arpa ou les longues plaintes “Chi non sà come Amor“ et “Son ruinato“ écrites par Benedetto Ferrari. A faire pleurer les pierres, ces deux airs pourraient être d'opéra comme l'est le lamento d'Arianna. Claire Lefilliâtre bouleverse, là encore, soutenue par un ensemble de cordes ductiles à souhait.
Les autre pièces signées Il Fasolo apportent un contrepoint à peine moins mélancolique, mais aux teintes plus populaires, comme si la mélancolie ne devait pas avoir d'emprise sur l'homme de la rue, celui qui fait de Carnaval un instant suspendu dans sa vie laborieuse.
Ostinati, chaconnes, font tourner les têtes, les castagnettes invitant même l'Espagne à la fête sur un texte qui ne déparerait pas dans une copla flamenca.
Serge Goubioud, Jan Van Elsacker et Geoffroy Buffière dont les voix s'entrecroisent, se complètent, se répondent, sont les indispensables complices de C. Lefilliâtre, tout au long de cette soirée si pleine d'émotion, avec une sensualité troublante dans l'ultime “Acceso moi core“.
Et après les bis, “Lamento della Ninfa“ et “O brava gente", les notes des guitares, luth, théorbe et autre lirone de nous suivre longtemps dans la nuit froide de novembre.

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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