Telemann/Pergolesi - Pimpinone/Livietta e Tracollo - Gester/Harmuch - Andlau - 12/11/2017

Représentations
Répondre
Avatar du membre
Piero1809
Baryton
Baryton
Messages : 1085
Enregistré le : 14 avr. 2009, 23:00
Localisation : Strasbourg
Contact :

Telemann/Pergolesi - Pimpinone/Livietta e Tracollo - Gester/Harmuch - Andlau - 12/11/2017

Message par Piero1809 » 17 nov. 2017, 14:42

Imbroglios

Georg Philipp Telemann, Pimpinone
Giovanni Battista Pergolesi, Livietta e Tracollo

Martin Gester, Direction musicale et d'ensemble
Carlos Harmuch, Mise en scène
Anita Fuchs, Scénographie
Christian Peuckert, Lumières

Radoslava Vorgic, Vespetta
Niklas Mallmann, Pimpinone
Alessia Schumacher, Livietta
Johannes Schwarz, Tracollo

Génération Baroque, Atelier Lyrique du Parlement de Musique
Chapelle Saint André (Andlau) le 12 novembre 2017

Au départ un intermezzo est une brève pièce de caractère bouffon s'intercalant dans un opéra seria. Ce fut bien le cas de Pimpinone d'une part, et Tracollo e Livietta d'autre part, prévus comme intermèdes du Tamerlano de Haendel et de Adriano in Siria de Pergolesi, respectivement. Par la suite certains intermezzos prennent leur indépendance, poursuivent une carrière en leur nom propre. On considère qu'ils sont à l'origine de l'opera buffa.
Le premier opéra bouffe, Patro Calienno de la Costa d'Antonino Orefece, vit le jour à Naples en 1709 (1). Il fut bien vite suivi par les chefs-d'oeuvre d'Alessandro Scarlatti comme Il trionfo del onore (1718) et de Leonardo Vinci comme Li zite n'galera (1722). Il faut croire que ces brillants débuts de l'opéra bouffe napolitain parvinrent jusqu'aux oreilles de Georg Philipp Telemann. Ce dernier composa dès 1725 Pimpinone, intermezzo giocoso dont le livret traite du même sujet, que la Serva padrona, immortalisé par Pergolese en 1733. Ce sujet était dans l'air et il est possible que Telemann fut également influencé par Vespetta et Pimpinone de Tomaso Albinoni créé à Vienne en 1717. Livietta e Tracollo est composée en octobre 1734 soit peu après La serva padrona.

Le style de ces deux délicieux intermezzos est relativement voisin bien que l'écriture de Telemann m'a semblé nettement plus polyphonique que celle de Pergolesi. Génération Baroque a eu l'idée de les intercaler, l'un devenant l'intermède de l'autre, ou vice et versa. Dans l'oeuvre en cinq actes ainsi obtenue, la fusion des épisodes est telle qu'à la fin on ne sait plus lequel est l'intermezzo et lequel est la pièce principale. L'imbroglio est total et on en est délicieusement retourné. Rien ne va plus, le maître devient esclave et la servante a conquis sa liberté à ses dépens. L'escroc impénitent décide de changer de vie et de devenir honnête. Le chaos s'installe dans une sorte d'épilogue où tout va sens dessus dessous. C'est le monde à l'envers, Il mondo al rovescio, selon la formule de Martin Gester et également Il trionfo delle donne !.

Image
Tracollo et Livietta, photo Raymond Piganiol

La mise en scène de Carlos Harmuch a été réalisée par la même équipe qui avait brillamment opéré dans l'Italiana in Londra de Cimarosa monté deux ans auparavant. Tout est mis en œuvre pour exprimer le côté très commedia del arte des deux intermezzos. Le déguisement permanent, vise à créer la confusion dans les esprits. Avec ce procédé immensément populaire à l'époque, les acteurs-chanteurs permettaient aux spectateurs de s'évader de leur quotidien. Quiproquos, trahisions, conflits, jeux amoureux, tous les coups sont permis quand on avance masqué. Du fait d'une magistrale direction d'acteurs, les chanteurs ne font pas semblant, ils s'amusent vraiment et les spectateurs avec eux. Pour tout décor (Anita Fuchs), un amoncellement de cartons de déménagement, des boites à chaussures et une penderie qui renferme les multiples déguisements des protagonistes ! Les éclairages (Christian Peuckert) mettent en valeur les couleurs et les postures, les contrastes entre les personnages.

Image
Pimpinone et Vespetta, Photo Raymond Piganiol

Les quatre acteurs-chanteurs, tous très jeunes, sont totalement investis dans le spectacle. La soprano Radoslava Vorgic joue le rôle de la soubrette Vespetta qui troque à la fin son tablier blanc contre une superbe robe noire et d'élégantes chaussures, signes évidents de son ascension sociale. Sa belle voix agile mais en même temps puissante, son abattage vocal et scénique de tous les instants et son art de la vocalise firent merveille. La projection de la voix de Niklas Mallmann baryton est phénoménale, notamment dans Ella vuol mi confondere et ce chanteur devrait pouvoir endosser dans l'avenir de grands rôles de basso buffo comme Geronimo dans Il Matrimonio segreto. Son duetto avec Vespetta à la fin de l'acte 3, Stendi, udi, ch'allegrezza, fut un grand moment musical. Alessia Schumacher , soprano, m'a beaucoup impressionné avec son ravissant timbre de voix, ses beaux aigus, sa belle ligne de chant notamment dans sa très belle aria Caro perdonami.... Ses mimiques étaient irrésistibles. Johannes Schwarz, baryton, revêtant de nombreux déguisements, dont celui désopilant de Polonaise enceinte, donna mille témoignages de son talent d'acteur et de ses capacités vocales dans son aria : A Baldracca, buona gente, fate un po' la carità....ainsi que dans son air pathétique : Ecco il povero Tracollo précédé d'un récitatif qui se moque de l'opéra seria.

Martin Gester était aux commandes de toute la troupe et en particulier d'un petit orchestre baroque composé de cordes et d'un continuo (clavecins, théorbe, guitare) fourni qui sonnait merveilleusement.

Ce spectacle, donné dans la vaste chapelle Saint André d'Andlau dont l'acoustique est remarquable, était un régal pour l'oreille et les yeux et le meilleur remède contre la neurasthénie.

(1) Michele Scherillo, L'opéra buffa napoletana durante il settecento, Storia letteraria. First published 1917, reprint 2016 in India, Delhi-110052, Distributed by Gyan Books PVT. LTD. ISBN 4444000059778PB

Avatar du membre
Piero1809
Baryton
Baryton
Messages : 1085
Enregistré le : 14 avr. 2009, 23:00
Localisation : Strasbourg
Contact :

Re: Telemann/Pergolesi - Pimpinone/Livietta e Tracollo - Gester/Harmuch - Andlau - 12/11/2017

Message par Piero1809 » 19 nov. 2017, 07:44

J'ai inséré deux photos dans le texte.

Répondre