Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti/Mitchell - ROH - 11/2017

Représentations
Avatar du membre
MariaStuarda
Basse
Basse
Messages : 7263
Enregistré le : 13 févr. 2013, 14:33
Localisation : Paris
Contact :

Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti/Mitchell - ROH - 11/2017

Message par MariaStuarda » 03 nov. 2017, 12:24

Lucia di Lammermoor
Gaetano Donizetti

Royal Opera House, Londres

Lucia : Lisette Oropesa
Enrico Ashton : Chistopher Maltman
Edgardo : Charles Castronovo
Arturo : Konu Kim
Raimondo : Michele Pertusi
Alisa : Rachael Lloyd
Normanno : Andrew Tortise

Chef d’orchestre : Michele Mariotti
Mise en scene : Katie Mitchell
Décors : Vicki Mortimer
Costumes : Vicki Mortimer
Lumières : Jon Clark

Représentation du 11 novembre 2017

J’avais vu cette Lucia au cinéma. J’en étais ressorti énervé par la mise en scène et exaspéré par le numéro tragi-comique de Diana Damrau. Comme il n’y a rien de mieux qu’une représentation live pour se faire une idée précise d’une production, j’y allais donc plein d’espoir et surtout motivé pour découvrir la Lucia de Lisette Oropesa dont les témoignages vidéo sont impressionnants et qui a été encensée ici même pour sa Gilda.

La mise en scène de Katie Mitchell est une somme d’idées qui pourraient être pertinentes si elles n’’étaient pas illustrées de façon toujours appuyée, inutilement pesante. On dira qu’elle cherche à moderniser l’histoire en donnant aux personnages des mobiles crédibles dans les normes d’aujourd’hui.
Lucia est tout d’abord une femme qui n’a pas froid aux yeux, ostensiblement libérée, qui baise avec son amant (même si la scène de sexe a disparu de la reprise) et attend un enfant de lui. Le sexe, la passion amoureuse, transparaissent à tout moment.
Signe d’une affirmation féminine que Mitchell veut porter contre la violence féminine (déjà exercée sur les parentes de la jeune fille), Lucia et Alisa font corps et agissent de concert.
Lucia n’en est pas moins une femme dérangée, limite psychopathe, dont le passage à l’acte sur son mari est prémédité et exécuté façon basic instinct. Elle en sort avec une robe immaculée. Cet acte là ne l’a pas souillé. Le sang sera donc son propre sang, celui d’une fausse couche, et sa folie, celle de cet amour d’Edgardo qu’elle perd, symboliquement par cette perte et réellement par sa trahison. C’est bien ensanglantée qu’elle apparaît aux autres mais pas du sang d’Arturo que tout le monde, Enrico compris qui se console par un verre de whisky, passe vite par pertes et profits. Ainsi la folie ne sera tournée que vers son fiancé qui est présent pendant la totalité de la scène. Quand à Enrico, on a le sentiment que son seul but était de sauver la situation financière de la famille mais qu’il n’a pas plus d’hostilité que ça ni pour sa sœur ni pour son « ennemi » Edgardo.
K. Mitchell nous raconte donc une AUTRE histoire sous couvert de modernisation. Ça n’est guère convaincant mais ça pourrait passer si la metteure en scène ne se sentait obligé de tout appuyer lourdement pour faire comprendre son propos. Tout d’abord par des mouvements inutiles comme le déménagement de la chambre de Lucia par ces hommes qui fouillent et farfouillent pour leurs desseins malfaisants. Quand aux allers et venues des deux fantômes de la sœur et de la mère de Lucia qui se baladent là dedans, pour un oui pour un non, on imagine l’idée (ces femmes mortes par la volonté des hommes) mais on s’en fatigue en raison de la répétition.
Les affrontements, fréquents dans l’opéra, comme celui entre le frère et la sœur et celui entre Edgardo et Enrico n’ont pas la violence habituelle. Le premier perd de sa puissance puisque Lucia a le choix d’aller se réfugier dans la salle de bain pendant que son frère la menace. Le second se fait de part et d’autre d’une table comme pour deux joueurs de bridge qui se disputeraient civilement. Les contacts physiques, traditionnels, de domination de l’homme sur la femme disparaissent comme si, finalement, tous les hommes se méfiaient de cette Lucia là. Ceux-ci semblent spectateurs des errances de l’héroïne. Et, à force de vouloir amoindrir cette violence extrême qui habite l’opéra, on perd surtout de la puissance dramatique car finalement cette Lucia, boursouflée, apparaît plus fade que signifiante et le message de K. Mitchell tombe à plat.

Il faut dire qu’il n’y guère de quoi être enthousiasmé par le plateau. Charles Castronovo n’a plus une voix belcantiste et même s’il a de beaux accents à la fin, la voix est racée et sensuelle mais désormais trop lourde et manque de souplesse. Christopher Maltman n’impressionne jamais tant la voix est plate et manque d’italianité. Seul, chez les hommes, Michele Pertusi arrive plus ou moins à tirer son épingle du jeu.

Lisette Oropesa a une technique impressionnante et beaucoup des qualités qui pourraient la ranger aux côtés des jeunes artistes qui s’imposeront à l’avenir, sur les scènes internationales. Le problème c’est d’abord qu’elle n’a pas la voix de Lucia, faute d’un médium sur laquelle elle peut suffisamment s’appuyer, et qu’ensuite, ce chant n’est pas au service de l’émotion. La performance vocale est certes un plaisir pour l’oreille. Mais lorsque cela réduit la sublime scène de la folie à un exercice parfait de trilles, de pianis et d’aigus sans que jamais cela n’arrive à nous transporter, cela rend une Lucia, ce chef d’œuvre dont l’axe tourne autour ce cette scène, bien transparent et bien fade.

La seule véritable action se déroule dans la fosse où Michele Mariotti fait des merveilles avec un geste nerveux et une dynamique admirable. Au service de quoi ? Malheureusement on cherche. Et on ne trouve pas.

westerwald
Messages : 47
Enregistré le : 08 déc. 2013, 10:00

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par westerwald » 03 nov. 2017, 15:04

excellent accueil du public de la première de cette reprise le 30 octobre.
Lisette Oropesa et Charles Castronovo fort impliqués, excellente direction de Mariotti.

A ne pas manquer, quand on peut se rendre à Londres. De plus les décors ne gâchent pas le plaisir.

Avatar du membre
MariaStuarda
Basse
Basse
Messages : 7263
Enregistré le : 13 févr. 2013, 14:33
Localisation : Paris
Contact :

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par MariaStuarda » 03 nov. 2017, 15:11

J’avoue que c’est la jeune Lisette qui me fait me déplacer, tout exprès !

Avatar du membre
Hiero von Stierkopf
Baryton
Baryton
Messages : 1786
Enregistré le : 10 avr. 2016, 16:47
Localisation : Gross-Paris

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par Hiero von Stierkopf » 03 nov. 2017, 15:19

A la création de cette production (2016), le public se bidonnait dans la salle une bonne partie de la soirée.
Je précise pour ses détracteurs que ce n'était pas Frau Damrau qui était en cause mais bien la mise en scène !
Comment ça, merde alors ?! But alors you are French !

paco
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12894
Enregistré le : 23 mars 2006, 00:00

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par paco » 03 nov. 2017, 15:23

Presse et échos quasiment unanimes pour dire que cette reprise se situe à 1000 sommets au-dessus de la création il y a deux ans. Il semblerait que Oropesa et Mariotti aient mis le feu à la salle, ce que le catastrophique Oren et la placide Damrau avaient eu bien du mal à faire.

De fait, oui je peux tout à fait imaginer que les très beaux décors de la production avec une équipe plus enflammée réussissent à transformer le flop initial en véritable succès cette année... Du coup je vais y aller (alors que j'avais pensé m'abstenir).

A noter que certaines soirées seront assurées par Ismael Jordi à la place de Castronovo : sans doute moins hot pour la scène de sexe du 1er acte, mais certainement plus idiomatique vocalement dans Donizetti...

Avatar du membre
MariaStuarda
Basse
Basse
Messages : 7263
Enregistré le : 13 févr. 2013, 14:33
Localisation : Paris
Contact :

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par MariaStuarda » 03 nov. 2017, 15:33

paco a écrit :
03 nov. 2017, 15:23
Presse et échos quasiment unanimes pour dire que cette reprise se situe à 1000 sommets au-dessus de la création il y a deux ans. Il semblerait que Oropesa et Mariotti aient mis le feu à la salle, ce que le catastrophique Oren et la placide Damrau avaient eu bien du mal à faire.
(...)
Je dois également avouer que j’avais quasiment détesté cette production à sa création (que j’avais vu au cinéma) principalement à cause des contresens absurdes de Miss Mitchell et des simagrées de Miss Damrau.

Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par HELENE ADAM » 03 nov. 2017, 15:56

MariaStuarda a écrit :
03 nov. 2017, 15:33
paco a écrit :
03 nov. 2017, 15:23
Presse et échos quasiment unanimes pour dire que cette reprise se situe à 1000 sommets au-dessus de la création il y a deux ans. Il semblerait que Oropesa et Mariotti aient mis le feu à la salle, ce que le catastrophique Oren et la placide Damrau avaient eu bien du mal à faire.
(...)
Je dois également avouer que j’avais quasiment détesté cette production à sa création (que j’avais vu au cinéma) principalement à cause des contresens absurdes de Miss Mitchell et des simagrées de Miss Damrau.
Vu également au cinéma et globalement déçue pour les mêmes raisons que Paul auxquelles j'ajouterai l'inadéquation de Castronovo au rôle. Heureusement, sauf erreur, il y avait Tézier...
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Avatar du membre
Snobinart
Basse
Basse
Messages : 2297
Enregistré le : 29 août 2007, 23:00
Localisation : Paris 19
Contact :

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par Snobinart » 06 nov. 2017, 11:44

paco a écrit :
03 nov. 2017, 15:23
A noter que certaines soirées seront assurées par Ismael Jordi à la place de Castronovo : sans doute moins hot pour la scène de sexe du 1er acte, mais certainement plus idiomatique vocalement dans Donizetti...
Jordi/Castronovo même combat dans la sexyness :Jumpy: Tu te souviens dans Maria Stuarda quand Giannatasio lui arrachait sa chemise ?

Avatar du membre
Loïs
Basse
Basse
Messages : 7155
Enregistré le : 06 févr. 2013, 11:04
Localisation : sans opera fixe

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par Loïs » 06 nov. 2017, 12:03

pour avoir du supporter un de mes pires souvenirs lyriques (et je ne parle pas du vieux monsieur très digne assis à côté de moi (enfin pas tant que ça , il se prenait pour Kevin Spacey) qui n'avait plus vu Lucia au ROH depuis la Stupenda et qui en pleurait) je ne recommanderai pas .

Je peux imaginer qu'un plateau vocal puisse enflammer mais alors il y a eu métamorphose-transmutation-révélation (rayer la mention inutile) chez Castronovo car c'était le poids faible et plume du plateau à la création (et l'exhibition d'un torse ne me fera pas ignorer que quand on n'a pas le format, on va se rhabiller). Je ne connais pas la remplaçante mais Damrau fut loin d'être indigne mais avec une interprétation vocale aux antipodes de la conception du personnage de la MS.

Les robinets font ils toujours autant de bruit? :mrgreen:

Avatar du membre
MariaStuarda
Basse
Basse
Messages : 7263
Enregistré le : 13 févr. 2013, 14:33
Localisation : Paris
Contact :

Re: Donizetti - Lucia di Lammermoor - Mariotti / Mitchell - ROH - 11/2017

Message par MariaStuarda » 06 nov. 2017, 12:25

Loïs a écrit :
06 nov. 2017, 12:03
(...) Je ne connais pas la remplaçante mais Damrau fut loin d'être indigne mais avec une interprétation vocale aux antipodes de la conception du personnage de la MS.
Eh bien, tu ferais bien de te renseigner sur "la remplaçante" car c'est visiblement, parmi les jeunes chanteuses actuelles, un des grands espoirs lyriques, aux côté de Nadine Sierra notamment.
Je suis toujours étonné du manque de réactivité de ODB sur les jeunes chanteurs et puis, soudainement, lors d'un passage à Paris, une apparition céleste qui aveugle tout le monde LOL
Il est vrai que lorsque je parlais de Sierra dans Lucia à Venise ou de Pirozzi dans Devereux à Valence, ça ne semblait pas intéresser grand monde, en tous cas, moins de monde qu'on en trouve sur les 110 pages du Don Carlos de Paris dont la dissection semble maintenant complète (je ne sais même plus s'il reste un morceau du corps tant le scalpel a été utilisé dans tous les sens).
Donc pour vous informer sur la remplaçante nous serons quelques uns (dont Paco je crois) à vous donner des nouvelles de Londres.

Répondre