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par MariaStuarda » 19 févr. 2018, 20:29
Zurich, 18 février 2018 : 50e anniversaire de carrière d'Edita Gruberova
Les 50 ans de carrière d’un artiste d’opéra sont un événement que le monde lyrique si attaché à ses icônes ne peut manquer de fêter. Du 18 février 1968 au 18 février 2018, démarrer sa carrière avec le barbier de Séville à Bratislava, connaître son premier grand rôle au Wiener Staatsoper, Zerbinetta, sous la baguette de Karl Böhm, puis accompagner Josef Krips, Herbert von Karajan, Wolfgang Sawallisch, Bernard Haitink ou Nikolaus Harnoncourt, marquer profondément de son empreinte la reine de la nuit, Constanze, Donna Anna, Adèle, Gilda, Violetta, Lucia, Giulietta ou Anna Bolena, tel est le destin extraordinaire d’Edita Gruberova. On pourra critiquer, si on le souhaite, ses choix récents; il est impossible de ne pas saluer l’extraordinaire carrière qui se déroula, bien sûr dans les maisons d’opéra allemandes, suisses et autrichiennes où elle règne encore en maîtresse de maison, mais également à Barcelona et au Japon où elle déclenche immanquablement l’hystérie, à Londres où elle chanta Giulietta jusqu’à New York où elle fut Elvira.
On doit également noter que la Gruberova n’hésita jamais à s’entourer de jeunes artistes, tel Elina Garanca ou Pavol Breslik, qui encore aujourd’hui, continuent à accompagner son parcours comme en témoigne le Lucrezia Borgia que la soprano et Juan Diego Florez vont donner ensemble à Munich en mai prochain. Le concert d’hier ne dérogea pas à la règle avec un extraordinaire Cody Quattlebaum (Talbot, Lord Rochefort, le duc de Nottingham) et de non moins talentueux Deniz Uzun (Smeton et Sara) et Dmytro Kalmuchyn (Cecil, sir Hervey), artistes que je vais désormais suivre avec plaisir.
Le programme s’articulait autour des 3 reines donizettiennes, Maria Stuarda que Gruberova grava au côté d’Agnes Baltsa, Francisco Araiza et Simone Alaimo en 1989, Anna Bolena et surtout l’Elisabetta de Roberto Devereux qui est probablement le rôle le plus attaché à l’actuelle période de sa carrière.
Force est de constater que la première héroïne est devenue difficile pour l’artiste. Le choix de l’étendue des scènes choisies (scènes 3 à 5 de l’acte III et la toute fin de l’opéra) la montre véritablement en difficulté dans les récitatifs du début et même si la voix se libère progressivement et notamment dans le forte pour un final correct, on a un peu peur pour la suite. La scène finale de Anna Bolena (sans l’aigu final) la montre plus à l’aise mais ne convainc pas autant qu’elle a pu le faire dans de précédents concerts comme à Kyoto.
Il faudra donc attendre la deuxième partie pour que l’on retrouve pleinement la Gruberova conquérante en son territoire dont la scène finale de Roberto Devereux claque et étourdit.
50eme anniversaire obligé, le directeur de l’opéra de Zurich est alors venu sur scène décrire la carrière fabuleuse de l’artiste, noyant celle-ci finalement sous un bouquet magnifique mais bien encombrant. On regrette un peu qu’en un jour aussi spécial, l’hommage ne soit pas plus exubérant. On rêvait à un gros gâteau ceint de 50 bougies, d’une pluie de champagne ou d’un(e) artiste surprise invité(e) qui serait venu(e) se mettre à genou devant l’icône. Bref, cela n’empêcha nullement le public et surtout les groupes bien organisés de fans de fêter leur idole dans les grandes largeurs : standing ovation dès le début et très longues dizaines de minutes de rappel avec étendards brandis du haut du balcon.
Le concert se termina de la même façon qu’à Berlin avec un air de l’Elisabeth de Tannhäuser de belle tenue et l’air de la chauve-souris enlevé a souhait.
Ainsi, le 18 février 2018 que d’aucuns pensaient être le point final d’une très longue carrière, n’est, en fait, qu’une étape de plus puisque des engagements commencent déjà à poindre avec la sortie des programmes 2018-2019.
Increvable voire immortelle la Grubie ? On va finir par le croire ...
Paul Favart