Récital J. Pratt/A. Liberatore/M. Zanetti - Liège - 21/10/2017

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MariaStuarda
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Récital J. Pratt/A. Liberatore/M. Zanetti - Liège - 21/10/2017

Message par MariaStuarda » 20 oct. 2017, 13:31

Jessica Pratt ou la perfection belcantiste

Programme :

1ère partie :

- Don Pasquale (Gaetano Donizetti) : Ouverture
- Jessica Pratt – La Fille du régiment (Gaetano Donizetti) : Il faut partir…
- Alessandro Liberatore – L’Elisir d’amore (Gaetano Donizetti) - Una furtiva lagrima…
- Jessica Pratt – Rosmonda d'Inghilterra (Gaetano Donizetti) : Volgon tre lune... Torna torna o caro oggetto…
- Il Pirata (Vincenzo Bellini) : Ouverture
- Jessica Pratt – La Sonnambula (Vincenzo Bellini) : Ah non credea mirarti... Ah non giunge…
- Jessica Prat & Alessandro Liberatore – L’Elisir d’amore (Gaetano Donizetti) : Caro Elisir sei mio…

2ème partie :
- Jessica Pratt – I Capuleti e i Montecchi (Vincenzo Bellini) : Eccomi in lieta vesta… Oh quante volte…
- Alessandro Liberatore – Werther (Jules Massenet) : Pourquoi me réveiller…
- Jessica Pratt – Le Comte Ory (Gioachino Rossini) : En proie à la tristesse…
- La Favorite (Gaetano Donizetti) : Ouverture
- Jessica Pratt & Alessandro Liberatore – Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti) : Lucia perdona... Verrano a te sull'aure…
- Guillaume Tell (Gioachino Rossini) : Ouverture
- Jessica Pratt – Matilde di Shabran (Gioachino Rossini) : Ami alfine... Tace la tromba eterna... Femmine mie guardate…

Bis :
- Jessica Pratt - Candide (Leonard Bernstein) : Glitter and be gay
- Jessica Prat & Alessandro Liberatore – Rigoletto (Giuseppe Verdi) : Addio, addio ...

Les récitals dédiés au bel canto sont, en général, bien rares et dirons nous même inexistants en France. C’est à Liège qu’il faut aller pour y écouter une de ses reines actuelles que Paris a pu découvrir pour la première fois, en septembre, dans Lucia di Lammermoor.

Par sa construction même, le programme, extrêmement généreux (2h45 avec l’entracte), propose un beau panorama du genre dont les piliers sont naturellement Rossini, Bellini et Donizetti. Jessica Pratt chante, chez ces compositeurs, ce qu’elle sait chanter et ne va pas s’aventurer, comme certaines de ses consœurs dans des territoires dangereux pour sa voix. Nulle reine Tudor au répertoire, nulle Imogene ici. La prestation basée sur ses rôles de scène habituels approche la perfection et l’atteint même dans la plupart des airs.
Le paysage choisi est compris (hormis le Werther qui n’a probablement atterri là que par la volonté du ténor) dans la période (1821 - 1843), immensément riche, allant de l’apogée rossinienne (Matilde di Shabran) à la grande période donizettienne incluant les chefs d’œuvre du jeune Bellini. L’opéra léger y côtoie le drame historique (Lucia, Rosmonda, Pirata). Pour les 3 compositeurs, les œuvres italiennes rencontrent celles composées pour Paris. Les 4 ouvertures choisies contribuent, elles aussi à nourrir ce balayage intelligent du répertoire belcantiste passant de l’opéra buffa Don Pasquale au quasi premier grand opéra français composé par Rossini.
Pour toutes ces raisons, le programme est d’une rare intelligence, à la fois homogène et varié.

L’orchestre de l’Opéra Royal sonne magnifiquement lorsque le chef Massimo Zanetti s’éloigne un peu de sa véhémence naturelle et ne cherche pas à obtenir le maximum de son de la part des cuivres et percussions.

L’exercice du récital convient parfaitement à Jessica Pratt qui brille, avant tout, par son chant et ne semble pas être une bête de scène comme d’autres, qui brûlent les planches faisant parfois oublier ainsi leurs carences vocales. Non avec Jessica on est dans le chant exigeant, la maîtrise d’un art.

Elle démarre par la romance mélancolique de la fille du régiment. Loin d’être un simple air de chauffe, celui-ci montre une voix sûre, un français maîtrisé. L'air de la furtiva lagrima de Alessandro Liberatore est lui aussi tout en nuance. Dans cette veine et avec ce même talent, Jessica Pratt chantera « En proie à la tristesse » du Comte Ory en seconde partie. Il est juste dommage qu’à la place de l’air de Werther qui tombe comme un cheveu sur la soupe, les deux artistes n’aient pas choisi le duo « Ah quel respect, madame, … le téméraire qui croit nous plaire …» du même opéra qui se serait parfaitement intégré dans ce programme excellent.
À ce propos, les duos sont en général enlevés même si le ténor est parfois un peu en difficultés devant une soprano souveraine. Le duo de l’Elisir est savoureux mais celui de Lucia est par trop déséquilibré; A. Liberatore est trop obligé à des artifices de mezza voce qui deviennent vite lassants par leur omniprésence.

Seule très légère critique (on peine à en faire tant la prestation est fantastique) que l’on peut adresser à Jessica Pratt; elle est une Giulietta un peu trop sûre d’elle vocalement, la fragilité de l’adolescente amoureuse ne transparaît pas assez.

Alors ? Evidemment, on attend Jessica Pratt sur sa maîtrise absolue de la virtuosité, sur ses notes aiguës, sur son legato. Le grand air de Rosmonda d’Inghilterra lance les hostilités qui seront suivies de la scène finale de Sonnambula puis après l’entracte du grand air de Lucia pour conclure avec celui littéralement époustouflant de Matilde di Shabran. Dans ces 4 morceaux, on n’a pas peur de prétendre que la perfection est de ce monde lyrique, la technique est virtuose, le timbre beau, aucune note aiguë ou suraiguë ne manque, le souffle est extraordinaire. Toutes les notes y sont et, serait on tenté de dire, bien plus même quand elle n’hésite pas à lancer un suraigu au détour d’un chemin déjà périlleux. On est étourdi, happé dans ce tourbillon qui doit être la marque d’un chant belcantiste réussi. L’écriture de ces morceaux est faite pour nous faire atteindre la jubilation; et avec Jessica on jubile.

Alors (oublions le duo de Rigoletto qui suivra et qui n’a pour objectif que de nous dire « Addio ») quand la soprano australienne par une pirouette extraordinaire, réconciliant ses origines anglo-saxonnes et la virtuosité belcantiste, se transforme en bis en une Cunégonde de Bernstein débridée, on est partagé entre le respect pour une artiste, qui ose cet air après un programme pareil et l’extase totale.

Il arrive que l’on sorte de récitals où l’on se dit que l’artiste était là pour promouvoir un disque, sacrifier à un passage rituel, ou remplir son compte en banque. Il arrive que l’on sorte de récitals où les rares morceaux de chant venaient compléter un joli programme d’ouvertures.
Et parfois, rarement, on se dit que le récital auquel on vient d’assister était un bijou préparé avec minutie et équilibre entre les artistes présents sur scène, où l’artiste principale venait faire un don de soi, montrer son art dans sa plénitude quitte à en ressortir épuisée.
C’est beau, c’est rare, c’était Jessica Pratt à Liège.
Merci Madame.

Paul Fourier

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© Lorraine Wauters - Opéra Royal de Wallonie-Liège

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Re: Récital J. Pratt - A. Liberatore / M. Zanetti -Opéra Royal de Wallonie - 21/10/17

Message par MariaStuarda » 22 oct. 2017, 12:03

Je viens de poster mon compte-rendu. Les photos suivront plus tard.

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Re: Récital J. Pratt - A. Liberatore / M. Zanetti -Opéra Royal de Wallonie - 21/10/17

Message par jerome » 22 oct. 2017, 12:21

je bois du ptit lait :wink:

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Re: Récital J. Pratt - A. Liberatore / M. Zanetti -Opéra Royal de Wallonie - 21/10/17

Message par MariaStuarda » 22 oct. 2017, 15:56

Un témoignage de qualité moyenne du "glitter and be gay" est sur le compte Facebook de Jessica Pratt.
https://www.facebook.com/jessicaprattsoprano/

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Re: Récital J. Pratt - A. Liberatore / M. Zanetti -Opéra Royal de Wallonie - 21/10/17

Message par MariaStuarda » 23 oct. 2017, 21:34

On trouve l'extrait de Matilde di Shabran et celui du comte Ory sur Voldemort (ou sur ma page Facebook)

En attendant, j'ai rajouté quelques photos.

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Re: Récital J. Pratt/A. Liberatore/M. Zanetti - Liège - 21/10/2017

Message par raph13 » 26 oct. 2017, 13:51

Soirée très réussie pour les débuts in loco de Jessica Pratt.
La soprano a une fois de plus fait une démonstration étincelante de sa technique rompue à toutes les difficultés du bel canto.
Quel bonheur d'entendre trilles, vocalises, messe di voce, roulades et autres virtuosités rendues à la perfection d'une voix saine et à l'aigu insolent !
C'est même parfois trop, comme par exemple le suraigu conclusif à la fin de la scène de Matilde di Shabran, assez peu rossinien.
Surtout, comme lors de sa récente Lucia au TCE, j'ai trouvé la chanteuse froide et peu engagée.
Cela tourne trop souvent à la démonstration technique sans âme.
Heureusement, un bis explosif est venu démentir mes réticences : sous nos yeux, elle se transforme en une Cunégonde déchaînée et irrésistible, avec un jeu de scène très réussi.
Dommage qu'elle n'insuffle pas la même énergie au reste du programme !
On passera rapidement sur Alessandro Liberatore : si l'on est séduit de prime abord par un louable souci de nuances dans l'air de Nemorino, cela tourne au "truc" systématique lui permettant d'éviter de donner à pleine voix des aigus qui sont alors difficiles et souvent fâchés avec la justesse.
Il optera carrément pour du play-back, bouche grande ouverte mais sans son, lors de la note finale du duo de Lucia !
Ayant croisé Enea Scala à la sortie des artistes le lendemain à l'issue de la représentation de Norma, on se prend à rêver aux duos enflammés qu'ils auraient pu nous donner avec la soprano...
Massimo Zanetti a parfois la baguette un peu lourde et pompière mais il faut applaudir son soin attentif porté aux chanteurs, et une réelle connaissance de ce répertoire.
« L’opéra est comme l’amour : on s’y ennuie mais on y retourne » (Flaubert)

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