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T.L. de Victoria : Missa pro Victoria-Doulce Mémoire/Raisin Dadre-Ambronay 17/09/2017

Posté : 21 sept. 2017, 00:21
par petitchoeur
Splendeurs de la Renaissance


Tomas Luis de Victoria (1548-1611):

Missa pro victoria

Instrumental : Pavane (Anonyme)
Procession d’entrée - Introit : Cantate Domino
Kyrie
Glori
a
Plain-chant : Alleluia
Credo
Plain-chant : Jubilate Deo
Instrumental : Mon seul de Nicolas Gombert, 1495-1560
Salve Regina
Sanctus
Benedictus

Instrumental : Regina Caeli
Plain-chant : Diffusa est Gratia
Agnus Dei

Plain-chant : Pater creator omnium
Instrumental : Pavane (Anonyme)
Magnificat
Plain-chant, chant de sortie : Salva nos, stella maris

Denis Raisin Dadre hautbois, flûtes, doulçaines & direction

Doulce Mémoire :
Véronique Bourin, Clara Coutouly, Esther Labourdette sopranos
Matthieu Peyrègne, Branislav Rakic altos
Nicolas Maire, Matthieu Le Levreur ténors
Marc Busnel, Guillaume Olry basses
Elsa Frank, Adrien Reboisson, Johanne Maître chalemies,
flûtes & doulçaines
Béatrice Delpierre, Nicolas Rosenfeld, Jérémie Papasergio hautbois,
flûtes & doulçaines
Rémi Lecorché, Franck Poitrineau sacqueboutes
Bruno Caillat percussions

Les chantres de l’Abbaye royale de Saint-Riquier :
Jeremie Couleau, Paco Garcia ténors
Leonardo Ortega baryton
Simon Bailly, Igor Bouin basses

Les interventions de plain-chant grégorien qui ponctuent ce concert ont été confiées à une vingtaine de chanteurs amateurs de la région. Ils ont été accompagnés et préparés par Igor Bouin et Jérémy Arcache, chantres de l’Abbaye royale de Saint-Riquier.

Abbatiale d’Ambronay le 17 septembre 2017

Après deux soirées consacrées à la musique baroque (l’Orfeo de Monteverdi et le concert Jaroussky/Pluhar, cf. mes comptes rendus sur ODB) le dernier concert du premier week-end du festival d’Ambronay propose une des œuvres importantes du compositeur espagnol le plus célèbre du Siècle d’Or : Tomas Luis de Victoria. Né à Avila il fait une grande partie de ses études musicales à Rome chez Palestrina auquel il succédera comme maître de chapelle du Collège Romain, premier collège dirigé par les Jésuites. Il est ordonné prêtre de l’Oratoire, congrégation fondée à Rome en 1575 par Philippe Neri dont il devient un des collaborateurs. Les Oratoriens considèrent la musique spirituelle comme un outil essentiel de l’évangélisation, suivant en cela les recommandations du Concile de Trente (1545-1563). Les Oratoriens sont à l’origine de l’oratorio, mot qui ne deviendra commun qu’au XVIIème siècle. Victoria peut être considéré comme un des maillons entre la musique de la Renaissance, celle de Josquin Desprez ou Clément Jannequin, et la musique baroque qui s’épanouira au XVIIème siècle. C’est un compositeur presqu’exclusivement de musique religieuse. La Missa pro Victoria aurait été écrite en 1600 donc au moment de la naissance de l’opéra baroque (L’Orfeo de Monteverdi est de 1607). Cette œuvre est une messe-parodie : Victoria emprunte pour cette messe la musique de Clément Jannequin écrite en 1528 pour célébrer la victoire de François 1er à Marignan (1515) : la Guerre ou la Bataille de Marignan , œuvre qui connut rapidement une immense diffusion. Habitude d’emprunt très naturelle à beaucoup de compositeurs de cette époque et qui perdurera (pensez à la musique du Stabat Mater de Pergolèse réutilisée par Bach sur les paroles du psaume 51).
Pour cette messe Denis Raisin Dadre a restitué la liturgie d’une grande fête religieuse avec du plain-chant grégorien, un ensemble polyphonique de neuf chanteurs (cette messe est à neuf voix : un chœur de quatre, un chœur de cinq voix) et un ensemble d’instruments à vent : cuivres (sacqueboutes, ancêtres du trombonne) et bois (chalemies, ancêtres du hautbois, et doulçaines, à la douce sonorité comme leur nom l'indique). Il intercale quelques œuvres instrumentales entre les différentes parties de l’ordinaire de la messe : une pavane anonyme en entrée, une œuvre de Nicolas Gombert entre le Jubilate Deo et le Salve Regina et un Regina Coeli, de Victoria lui-même, joué dès l’origine par des instruments, entre le Sanctus et l’Agnus. Les instruments à vent doublent les voix pour donner plus de brillant et plus d’ampleur à la musique : chaque chanteur est accompagné d’un musicien et ils partagent le même pupitre et la même partition. Mais parfois l’instrument domine trop la voix dont le timbre et les paroles ne sont, du coup, plus perceptibles.
C’est en procession qu’entrent les musiciens, au rythme du tambour. Puis intervient, avec une belle pureté de style, une grande homogénéité de timbre, une justesse et une précision impeccables, la vingtaine d’amateurs de la région accompagnés et préparés par Igor Bouin et Jérémie Arcache, deux des Chantres de l’Abbaye royale de Saint-Riquier. L’ensemble de ces Chantres se joint à ce chœur de circonstance. On l' entendra de nombreuses fois dans les parties de plain-chant grégorien au cours de ce concert recréant un esprit monastique de sérénité si bien adapté à ce le lieu. Denis Raisin Dadre et ses musiciens de Doulce Mémoire proposent une lecture dynamique de la partition de la messe de Victoria. Ils ralentissent, accélèrent, accentuent en fonction du texte. Par exemple dans le Gloria « et incarnatus est » est chanté avec beaucoup de douceur tandis que « et vitam aeternam » final est donné avec la puissance de la conviction. Les derniers mots du Salve Regina, O dulcis Virgo Maria, sont chantés avec grande délicatesse. Pour éviter la monotonie Raisin Dadre fait alterner les parties chantées sans accompagnement et les parties soutenues par les instruments quand les chants sont à couplets multiples. Dans le Pater Creator omnium, grégorien, une partie des couplets est chantée à plusieurs voix. Et tout l’ensemble des musiciens entonne Salva nos, stella maris, percussions comprises, pour une procession de sortie de l’Abbatiale pleine de majesté. Les neuf chanteurs comme les instrumentistes sont tous à citer. Appelés à jouer et à chanter en solo où chacun dévoile le grain de sa voix ou la maîtrise technique de son instrument, les musiciens de Doulce Mémoire savent aussi se fondre dans les ensembles permettant à l’auditeur d’éprouver bien plus qu’une sensuelle délectation musicale mais aussi « la promesse du ciel et la joie des anges » comme le souhaite Denis Raisin Dadre dans le programme du jour.

Pierre Tricou
PS: ce concert sera diffusé sur France-Musique et sera disponible sur le site Culturebox.