Monteverdi : Orfeo -Capella Mediterranea/Chœur de Namur/Garcia Alarcon-vc-Ambronay 15/09/2017

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petitchoeur
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Monteverdi : Orfeo -Capella Mediterranea/Chœur de Namur/Garcia Alarcon-vc-Ambronay 15/09/2017

Message par petitchoeur » 20 sept. 2017, 06:48

L’Orfeo,favola in musica (1607) opéra de Claudio Monteverdi, livret d’Alessandro Striggio

Leonardo Garcia Alarcon, épinette et direction

Orfeo : Valerio Contaldo, ténor
Musica & Euridice : Mariana Flores, soprano
Messaggiera : Giuseppina Bridelli, soprano
Proserpina, Ninfa & Speranza : Anna Reinhold, mezzo-soprano
Plutone : Konstantin Wolff, basse
Caronte : Salvo Vitale, basse
Pastore : Leandro Marziotte, contre-ténor
Pastore, Spirito & Eco : Nicholas Scott, ténor
Pastore : Matteo Bellotto, basse
Pastore : Philippe Favette, basse
Pastore & Apollo : Alessandro Giangrande, ténor

Capella Mediterranea:

Rodolfo Richter, Naomi Burell : violons I
Sue-Ying Koang, Jorlen Vega : violons II
Lola Fernandez, Samantha Montgomery : altos
Oleguer Aymami : violoncelle
Margaux Blanchard, Ronald Martin Alonso : violes de gambe
Eric Mathot : contrebasse
Rodrigo Calveyra : flûtes à bec, cornet
Gustavo Gargiulo : cornet, trompette
Fabien Cherrier, Aurélien Honoré,
Adrian France, Jean-Noël Gamet : trombones
Nicolas Rosenfeld : dulciane, flûtes à bec
Quito Gato : théorbe, guitare, percussions
Monica Pustilnik : archiluth, guitare
Marie Bournisien : harpe
Jacopo Raffaele : clavecin, orgue


Choaur de chambre de Namur :

Estelle Lefort, Julie Calbète & Elke Janssens : sopranos I
Caroline Villain, Amélie Renglet & Marine Lafdal-Franc : sopranos II
Jérôme Vavasseur : contre-ténor
Marcio Soares Holanda & Jonathan Spicher : hautes-contre
Thibault Lenaerts, Pierre Derhet & Maxime Melnik : ténors
Sergio Ladu, Jean-Marie Marchal, Philippe Favette & Matteo Bellotto : basses


Ce concert sera diffusé sur France-Musique

Abbatiale d’Ambronay le 15 septembre 2017

La rivalité entre les Gonzague de Mantoue et les Médicis de Florence a sa part dans la création du premier chef d’œuvre de ce nouveau genre qu’est l’opéra : L’Orfeo, favola in musica de Claudio Monteverdi (1567-1643). Monteverdi utilise la même histoire, Orphée et Eurydice, transmise notamment par les Métamorphoses d’Ovide, que Jacopo Peri (1561-1633) et Giulio Caccini (1551-1618), tous deux membres de la Camerata florentine, société artistique où est née l’idée d’opéra. Leurs opéras, Euridice, furent tous deux créés au Palais Pitti respectivement en 1600 et 1602. Monteverdi est au service du duc de Mantoue depuis 1590 et y restera jusqu’en 1612. Vincenzo Gonzague, duc de Mantoue, qui veut prouver sa supériorité en matière de théâtre musical sur les Médicis et leur Camerata, impose ce sujet à Monteverdi, le livret étant confié à Alessandro Striggio (1573-1630), conseiller du duc.
L’Orfeo est créé au palais ducal de Mantoue le 24 février 1607, en ouverture du carnaval avec grand succès grâce au génie de Monteverdi qui sublime les ambitions des Gonzague. Monteverdi y combine la prima prattica (l’ancien style polyphonique de la Renaissance) et la seconda prattica qui subordonne la musique au texte : « l’oratione sia padrona dell’armonia e non e serva » « la parole est la maîtresse de l’harmonie et non sa servante ». Le verbe prime donc sur le son et la parole est amplifiée par la musique. Tout : la mélodie, l’harmonisation, les rythmes, les ornements visent à exprimer le sens des paroles, à imiter avec le chant celui qui parle. Ce stilo nuovo donne naissance à l’opéra dans lequel chaque personnage est caractérisé par une écriture musicale adaptée à son caractère, à ses sentiments, à la situation, à l’expression de sa parole. L’exemple le plus célèbre de l’ouvrage est l’entrée de la Messagère à l’acte II « Ahi caso acerbo… » qui précède son grand air «In un fiorito prato…» annonçant à Orphée la mort d’Eurydice et débutant par un accord dissonant qui déchire l’âme. Il transforme totalement l’atmosphère de joie bucolique que Monteverdi a su rendre jusque -là. D’une grande hardiesse harmonique, cet air « réussit à être à la fois un cri de détresse et une phrase musicale, la chose et sa représentation artistique, prose et poésie » (Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Fayard, Paris, 2003). Ou encore l’air de sublimes vocalises d’Orphée « possente spirto » essayant de charmer Charon à l’acte III. Les récitatifs -créés par les Florentins- sont désormais calqués sur le rythme naturel du langage laissant toute liberté aux musiciens d’improviser, d’accentuer selon les sentiments qu’ils veulent exprimer : la tragédie s’est faite musique ! « Il n’est question chez Monteverdi que de l’expression de l’émotion, de l’affezzione dell’animo » précise Philippe Beaussant in Passages, de la Renaissance au Baroque (Fayard, Paris, 2008). Désormais et jusqu’à aujourd’hui les compositeurs d’opéras tenteront de concilier parole et musique en faisant pencher la balance du côté de la musica ou de l’oratione.
« Monteverdi choisit Orphée, un des seuls personnages de la mythologie grecque accepté par la chrétienté parce que, par la beauté de sa musique, il parvient à transformer les hommes. L’œuvre commence par la Musique et se referme avec Apollon, le dieu des arts. Monteverdi et Alessandro Striggio, son librettiste, veulent nous montrer que la musique et l’amour peuvent défier la mort. Cet opéra est aussi une célébration de la beauté. Celle d’Eurydice, qui doit être rayonnante dès le début de l’opéra. Eurydice est le plus haut degré de la beauté, elle illumine, elle irradie et inspire à Orphée son magnifique Rosa del ciel » (Leonardo Garcia Alarcon dans le programme du jour).Ce soir Mariana Flores est la Musique et Eurydice .La beauté de son timbre et la pureté de sa voix répondent parfaitement aux souhaits de Garcia Alarcon. Orphée est dans l’œuvre de Monteverdi le personnage essentiel. Valerio Contaldo est au comble du bonheur de sa voix rayonnante dans Rosa del ciel du 1er acte : Dis-moi, vis-tu jamais amant plus heureux et plus comblé que moi ? Dramatique et désespéré après avoir appris de la Messagère la mort d’Eurydice à l’acte II, rôle chanté par Giuseppina Bridelli, au timbre cuivré. C’est elle qui fait basculer la pastourelle bucuolique dans le drame. Orphée est magnifiquement éplorant dans Possente spirto face à un Charon, Salvo Vitale, à la voix de bronze impressionnante d’autorité. Pluton, Konstantin Wolf, est une basse émouvante dans sa décision de permettre à Eurydice de remonter des enfers comme le supplie Proserpine, Anna Reinhold, magnifique contralto à la voix convaincante. Anna Reinhold est aussi une Speranza dont le grand air de l’acte III, Ecco l’atra palude…permet d’apprécier le timbre chaleureux encourageant Orphée. Le Chœur de chambre de Namur commente l’action avec toute la joie, la peine et l’espérance des acteurs du drame. Les rôles des bergers de la Nymphe, d’Esprit, d’Echo et d’Apollon sont tenus, en partie, par des membres du Chœur, tous excellents.
Leonardo Garcia Alarcon mène la Capella Mediterranea et les chanteurs avec son autorité souriante habituelle. Comme l’analysait Philippe Beaussant (cf. plus haut), Garcia Alarcon participe à cette révolution monteverdienne associant la tragédie grecque, des récitatifs, des ritournelles intrumentales, des danses et des madrigaux. Il n’est question ici que de l’affezzione dell’animo, l’expression de l’émotion, par des changements de tempi, des inflexions, des accents, des silences, des FFF et des PPP, des accélérations et des ralentis. Toute une dynamique qui permet à Leonardo Garcia Alarcon de donner vie au drame dans une abbatiale à l’acoustique parfaite. Le public de l’abbatiale est subjugué et conquis.
Une première soirée du Festival d’Ambronay 2017 mémorable.
Pierre Tricou

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