Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

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Piero1809
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Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

Message par Piero1809 » 17 juil. 2017, 06:08

Alceste ou le Triomphe d'Alcide
Jean-Baptiste Lully, musique
Philippe Quinault, livret d'après la tragédie d'Euripide

Judith van Wanroij, Alceste, La Gloire
Edwin Crossley-Mercer, Alcide (Hercule)
Emiliano Gonzalez-Toro, Admète, Apollon, 2ème Triton
Ambroisine Bré, Céphise, la Nymphe des Tuileries, Proserpine
Douglas Williams, Lycomède, Charon
Etienne Bazola, Cléante, Straton, Pluton, Eole
Bénédicte Tauran, La Nymphe de la Marne, Thétis, Diane
Lucia Martin Carton, La Nymphe de la Seine, une Nymphe, Femme affligée, une Ombre.
Enguerrand de Hys, Lychas, Phérès, Alecton, 1er Triton.

Choeur de Chambre de Namur
Orchestre Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, Direction Musicale

Vendredi 14 juillet, Cour des Hospices de Beaune
35ème Festival International d'Opéra Baroque et Romantique, du 07 au 30 juillet.

Habitué du Festival d'Opéra Baroque de Beaune, j'eus le plaisir d'assister pour la première fois à un spectacle dans la cour des Hospices de Beaune. Les années précédentes, Jupiter maniant la foudre avec générosité, le spectacle était systématiquement déplacé vers Notre Dame de Beaune qui, en plus d'un abri, nous offrait un cadre tout aussi splendide. Ce ne fut pas le cas vendredi car Apollon régna sans partage pendant le jour, et le spectacle put se dérouler en plein air. Sitôt la nuit tombée, Eole dépêcha Borée qui congela artistes et spectateurs.

Alceste, deuxième tragédie lyrique de Lully après Cadmus et Hermione, fut créée en 1674 au Palais Royal. Le livret de Philippe Quinault rédigé à partir de la tragédie d'Euripide, possède quelques particularités qui la distinguent des tragédies lyriques ultérieures. Si le contexte général est plutôt tragique, quelques scènes comiques viennent égayer l'action dramatique. Cette dernière est centrée sur les amours contrariés d'Admète et d'Alceste mais une intrigue se développe en parallèle mettant en jeu la coquette et aguicheuse nymphe Céphise, confidente d'Alceste, se moquant de ses deux amoureux Straton et Lychas. La scène des Enfers est traitée de manière plutôt cocasse avec un Charon très en verve (acte IV scène1), ….Il faut payer pour passer dans ma barque...Il faut encore payer au-delà du trépas. Ce mélange de comique et de tragique fortement inspiré de l'opéra baroque italien , notamment L'Elena ou La Calisto de Francesco Cavalli ou encore l'Orfeo de Luigi Rossi, joué devant Anne d'Autriche et le jeune Louis XIV, sera abandonné dans les opéras ultérieurs de Lully qui présenteront un aspect purement tragique.

La version représentée le 14 juillet à Beaune était basée sur le livret original de Philippe Quinault (1). J'avais vu en 2016 une version d'Alceste condensée par Sébastien de Brossard et replacée par Martin Gester dans le livret original de Quinault (2).
En tout état de cause, Alceste est un des plus beaux opéras issus de la collaboration de Lully avec Quinault, un de ceux où la déclamation chantée à la française me semble la plus exaltante (3). Cet opéra se distingue des autres opéras de Lully (Atys, Phaéton, Armide...) par un surplus d'émotion dans certaines scènes. Parmi les moments les plus intenses, le duo Alceste, Admète (II,8) : Alceste, vous pleurez, Admète, vous mourez...., et le choeur funèbre Alceste est morte , répondant aux plaintes d'Admète et de Céphise (III.4)...La déploration en do mineur (III, 5), au cours de laquelle le choeur fait écho à la Femme Affligée et à un orchestre aux couleurs de deuil : La charmante Alceste, la fidèle Alceste, n'est plus... est une page magnifique susceptible d'attendrir les esprits les plus rebelles à la musique et les coeurs les plus endurcis. Mozart utilisera la même tonalité de do mineur dans une scène admirable (Oh voto tremendo)) de son Idomeneo dont le caractère me semble voisin de celui de la scène 5 de l'acte III d'Alceste. Les scènes triomphales avec choeur, tambours et trompettes sont nombreuses dont le fameux Alcide est vainqueur du trépas, l'Enfer ne lui résiste pas.... (V.1) qui est un modèle du genre, ou bien encore l'exaltant Courage, courage, courage, ils sont à nous, ils sont à nous !.

Pas de mise en scène ni même de mise en espace pour les solistes. Les hommes se présentaient en costumes de ville, les femmes arboraient de superbes robes élégantes et colorées. Toutes et tous ont effectué une prestation de haut niveau.
Le rôle titre était chanté par Judith van Wanroij que les habitués du festival de Beaune et plus généralement les amateurs d'opéra baroque connaissent bien. Remarquable dans les Danaïdes de Salieri ou l'Orfeo de Luigi Rossi, la soprano néerlandaise était superbe dans le rôle d'Alceste. Sa diction est excellente et sa voix a un timbre propre à magnifier les rôles dramatiques. L'autre rôle titre, celui d'Alcide était chanté par Edwin Crossley-Mercer. Avec une superbe projection, la voix du baryton a magnifiquement caractérisé le vaillant et puissant fils de Jupiter, vainqueur de la mort et de lui-même puisqu'il est capable de renoncer à Alceste qui lui revient de droit. Céphise a un rôle au moins aussi important que celui d'Alceste, elle était incarnée par Ambroisine Brée, une mezzo que je ne connaissais pas et qui m'a impressionné par sa voix à l'intonation parfaite, au timbre charnu et sensuel et par son tempérament à la fois comique et émouvant. Emiliano Gonzalez Toro est un chanteur et acteur protéiforme qui se moule dans les rôles les plus divers. Désopilant dans celui de Platée, il fit preuve dans celui d'Admète d'un tempérament dramatique tout à fait étonnant. Sa voix au timbre particulier était superbement projetée. Son duo avec Alceste (II,8) était magnifique et son dernier soupir, Alceste , vous pleurez , était bouleversant. Douglas Williams assurait deux rôles, rôle dramatique que celui du traitre Nicomède et rôle comique que celui du passeur Charon. Dans les deux cas, la superbe voix de la basse américaine et sa diction excellente firent mouche. Etienne Bazola est bien connu du public de Beaune et de celui d'Ambronay. Il a participé dans ce dernier lieu a plusieurs concerts avec l'ensemble Correspondances, dirigé par Sébastien Daucé, notamment des motets de Henry du Mont. Il a pu également, d'une voix de baryton bien assurée, exprimer les sentiments variés qui agitent le cœur de Straton. Bénédicte Tauran, la nymphe de la Marne, est une mezzo dont la voix au timbre velouté a beaucoup de présence et de personalité. Lucia Martin Carton, la nymphe de la Seine, la Femme affligée et une ombre incarna ces personnages très divers avec une très jolie voix, une diction parfaite, beaucoup de charme et parfois une pointe d'humour. Enguerrand de Hys, excellent ténor, avait également fort à faire avec quatre personnages dont le fringant Lychas amoureux de Céphise et le vieux Phérès trainant péniblement le fardeau de ses quatre vingt ans.

Le choeur de Namur fait partie chaque année du paysage beaunois. Son rôle dans Alceste se rapproche de celui du choeur antique dans la tragédie grecque. C'est lui qui scande les marches guerrières, qui donne de la voix dans les chants de triomphe, qui accompagne les affligés dans les scènes de deuil. Sa prestation fut impeccable, l'équilibre entre les quatre voix est toujours aussi parfait. Puissant dans les passages triomphants, doux dans les passages les plus tragiques, il met en valeur de manière lumineuse la prosodie du texte.

Des instrumentistes triés sur le volet constituent l'ossature de l'orchestre des Talens lyriques. Les dessus de violons étaient toujours aussi enchanteurs, les traversos et flûtes à bec coloraient subtilement la ligne de chant, la vaillante trompette naturelle, assistée par le percussioniste, faisait retentir les chants de triomphe des vainqueurs. Un continuo de rêve était emmené par Emmanuel Jacques à la basse de violon. Dans ce groupe j'ai admiré la violiste Isabelle Saint Yves qui tire de sa basse de viole des sons renversants. Christophe Rousset nous a tant habitué à l'excellence que l'on peut s'imaginer que cette dernière coule de source. De ma place je pouvais visualiser l'énergie et l'engagement déployés par le chef pour imprimer sa marque au spectacle entier.

(1) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k83284r)
(2) http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... ly#p298529
(3) Bertrand Porot, Alceste et l'opéra français au XVIIème siècle, Programme du 35ème festival d'opéra baroque de Beaune, 2017.

Pierre Benveniste

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Re: Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

Message par paco » 17 juil. 2017, 08:48

Reprise à l'Opéra de Versailles le 10 décembre prochain

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Re: Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

Message par PlacidoCarrerotti » 17 juil. 2017, 08:58

paco a écrit :
17 juil. 2017, 08:48
Reprise à l'Opéra de Versailles le 10 décembre prochain
Cette reprise s'annonce sous de très bons Hospices :P
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

Message par Piero1809 » 17 juil. 2017, 09:10

PlacidoCarrerotti a écrit :
17 juil. 2017, 08:58
paco a écrit :
17 juil. 2017, 08:48
Reprise à l'Opéra de Versailles le 10 décembre prochain
Cette reprise s'annonce sous de très bons Hospices :P
Normal! Les Talens aux Hospices pour leurs 25 ans!

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Re: Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

Message par JdeB » 17 juil. 2017, 14:29

je ne comprends pas trop Pierre votre distingo entre "livret original "et l"ivret originel" de Quinault. Que voulez-vous dire ?
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Lully - Alceste - Rousset - Beaune - 14/07/2017

Message par Piero1809 » 17 juil. 2017, 16:33

JdeB a écrit :
17 juil. 2017, 14:29
je ne comprends pas trop Pierre votre distingo entre "livret original "et l"ivret originel" de Quinault. Que voulez-vous dire ?
J'ai eu confirmation que le livret original de Quinault avait été utilisé à Beaune et j'en déduis que nous avons entendu l'opéra intégral sans coupures.
Désolé pour la faute de frappe. Martin Gester a replacé la version de concert de Sébastien de Brossard (55 minutes environ) dans le livret original de Quinault avec quelques coupures au niveau des récitatifs.

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