Puccini - Turandot - Ettinger/Serban - Londres - 07/2017

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Puccini - Turandot - Ettinger/Serban - Londres - 07/2017

Message par paco » 09 juil. 2017, 00:41

Reprise de cette production trentenaire de Turandot, acclamée par le public et que j’ai trouvée personnellement très bien. L’intérêt de cette reprise était bien entendu le Calaf de Roberto Alagna, qui avait raté sa prise de rôle à Orange il y a quelques années, et dont on se demandait ce qu’il allait faire cette fois-ci. Comme mentionné sur le fil dédié à l’artiste, je l’ai trouvé incomparablement meilleur qu'à Orange, sur un tout autre sommet vocal et interprétatif, et en fait pour moi un Calaf tout à fait intéressant et bien chantant, face auquel je ne vois aujourd’hui aucun titulaire de même niveau dans les distributions de la plupart des grandes scènes internationales.

Pour reprendre mes propos sur l’autre fil, j'ai avec plaisir retrouvé un Roberto Alagna à l'aise, puissant, très présent scéniquement, au chant d'une beauté magistrale (des nuances extraordinaires et d'une grande intelligence par rapport au livret, notamment dans le duo final du III). L'aigu est un peu tendu (mais l'aigu n'a de toute façon jamais été le fort d'Alagna), mais très acceptable. Au moins il risque le contre-ut de Ti voglio ardente au lieu de faire la variante proposée dans la partition, et ma foi il assure cet ut assez solidement - et avec point d'orgue- même si le son n'est pas très beau. Quant à Nessun dorma, comme on est loin de sa prestation tendue et ratée d'Orange ! ce fut une mosaique de couleurs poétiques, un legato de rêve, un timbre enfin redevenu ensoleillé, et un aigu final bien tenu et à l'aise, sans tension.

Après, pour reprendre le débat amorcé avec Enrico75, bien entendu nous n’avons pas entendu le Roberto-Roméo des années 90, la voix n’est plus aussi belle c’est certain, et même techniquement on le sent plus précautionneux. Mais on a entendu bien mieux que les Antonenko, Massi – pour citer les meilleurs titulaires actuels-, et Berti, Aronica, Palombi – pour citer les pires-.

La production en tant que tel est ultra classique, mais a le mérite d’être à la fois somptueuse et cohérente de bout en bout, tout en ne manquant pas d’idées – comme par exemple cette entrée de Turandot se protégeant de la lumière comme un papillon effrayé, belle image de cette femme terrifiée à l’idée d’être vue, dévoilée, déchiffrée. Une idée parmi d’autres-. Contrairement à ce qu’affirme l’Evening Standard, j’ai trouvé cette reprise plutôt bien travaillée au niveau des mouvements et de la direction d’acteurs, notamment les rapports Calaf-Turandot, qui sont assez théâtraux et ne se limitent pas à l’habituel duo figé de la plupart des productions. Pour moi, nous avons là ce que l’on appelle du « classique bien fait », dont le pendant moderne serait une interprétation d’avant-garde bien travaillée et bien fouillée, mais à défaut je préfère très nettement ce classicisme assumé et soigné à un entre-deux qui n’apporterait rien (comme par exemple l'Otello de Warner, un no man's land sans idées et sans direction, qui n'a rien apporté de plus que la belle production classique de Mojinsky).

Tout à fait d’accord avec Enrico75 concernant Lise Lindstrom, Turandot envoûtante par sa voix chaude et puissante, aux aigus d’acier et par ailleurs très bonne actrice. On est cependant un cran en-dessous du fantôme de Gwyneth Jones, Turandot mémorable du ROH, néanmoins, là encore, dans l’offre actuelle on se situe plutôt au sommet. Par ailleurs, la complicité dramatique avec Alagna au duo du III fonctionne à plein.

D’accord également avec Enrico75 pour ce qui est de la Liù oubliable (mais très ovationnée par le public) d’Alexandra Kurzak : belle voix chaude, plutôt grave ce qui ne gâche rien, mais manquent la sensibilité, l’émotion. C’est du beau chant, rien d’autre.
Très bons ministres.

Concernant la direction de Dan Ettinger, j’ai été d’abord surpris par la lenteur des tempi. Puis j’ai trouvé cette approche intéressante, d’autant qu’elle est menée avec un souci de produire des fondus-enchaînes vraiment intéressants entre les différents pupitres, il y a un beau travail sur les timbres, les contrastes, et le chœur est lui-même dirigé avec un grand souci des nuances et de variété des couleurs. Bref, je n’ai pas entendu l’Orphéon municipal dont parle Enrico75, là-dessus nous n’avons pas entendu la même représentation :wink: Après, je dois avouer que je préfère des Turandot plus dynamiques, plus « crues » de sonorité. Mais l’approche d’Ettinger se défend.

Au global j’ai passé une excellente matinée, depuis dix ans je n’avais pas vu et entendu de représentation de Turandot aussi satisfaisante.

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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par enrico75 » 09 juil. 2017, 09:02

C est vrai que j ai force le trait pour l'orchestre qui etait excellent mais je n ai pas trop apprecie la direction monobloc de Dan Ettinger avec une debandade generale a la fin du 1.on est loin de Chailly a la scala avec Stemme
Quand a Alagna c est sur qu' actuellement il a peu de rivals dans ce role ou l'on note beaucoup de hurleurs et je suis assez nostalgique du timbre solaire de ses jeunes annees
Quand a la mise en scene elle est tout a fait classique et spectaculaire mais avoue que la bastonnade"en ralenti tele facon tennis"de liu. et son auto egorgement par le sabre derobe au bourreau n etaient pas plus ridicules que l'assassinat de desdemone par otello
Ping etait particulierement bon.

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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par paco » 09 juil. 2017, 10:12

enrico75 a écrit :
09 juil. 2017, 09:02
avoue que la bastonnade"en ralenti tele facon tennis"de liu. et son auto egorgement par le sabre derobe au bourreau n etaient pas plus ridicules que l'assassinat de desdemone par otello
J'ai au contraire trouvé ces mouvements au ralenti, très stylisés, d'une grande beauté. Ce n'était pas du tout pareil que JK s'y reprenant à 3 fois pour appuyer l'oreiller sur Desdemona '"pourvu que je ne lui fasse pas mal"... Dans la production de Turandot ces gestes sont chorégraphiés et totalement en phase avec l'esprit général de cette mise en scène, dans la production d'Otello cela reflétait surtout un manque total de direction d'acteurs et de préparation.
enrico75 a écrit :
09 juil. 2017, 09:02
Ping etait particulierement bon.
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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par enrico75 » 09 juil. 2017, 19:46

J'avais entendu le regrette Botha il y a quelques annees dans la meme production au Roh il etait tres bon dans ce role mais ce n'etait un gr.and acteur et la Turandot , une anglaise dont je ne me souviens plus du nom n'etait pas terrible.

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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par enrico75 » 09 juil. 2017, 19:55

Un peu hors sujet mais vers midi j ai assiste a Camden , spare market,a un concert gratuit ,the voice for all, de choeurs amateurs anglais d'une qualite remarquable temoignant de la vitalite de la vie musicale au royaume uni

Stefano P

Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par Stefano P » 09 juil. 2017, 21:34

enrico75 a écrit :
09 juil. 2017, 19:46
J'avais entendu le regrette Botha il y a quelques annees dans la meme production au Roh il etait tres bon dans ce role mais ce n'etait un gr.and acteur et la Turandot , une anglaise dont je ne me souviens plus du nom n'etait pas terrible.
Jennifer Wilson ? (mais elle est américaine).

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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par PlacidoCarrerotti » 10 juil. 2017, 13:13

enrico75 a écrit :
09 juil. 2017, 19:55
Un peu hors sujet mais vers midi j ai assiste a Camden , spare market,a un concert gratuit ,the voice for all, de choeurs amateurs anglais d'une qualite remarquable temoignant de la vitalite de la vie musicale au royaume uni
Super ambiance. Apparemment, ils ont foutu le feu à la soirée.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par paco » 10 juil. 2017, 15:52

PlacidoCarrerotti a écrit :
10 juil. 2017, 13:13
enrico75 a écrit :
09 juil. 2017, 19:55
Un peu hors sujet mais vers midi j ai assiste a Camden , spare market,a un concert gratuit ,the voice for all, de choeurs amateurs anglais d'une qualite remarquable temoignant de la vitalite de la vie musicale au royaume uni
Super ambiance. Apparemment, ils ont foutu le feu à la soirée.
Bon ben dans le même genre HS qui ne justifie pas l'ouverture d'un fil, hier soir j'étais au Festival de Garsington, où je n'étais jamais allé (réplique de Glyndebourne, en plus "Eaton-Cambridge-Oxford" côté public, et en plus spectaculaire d'un point de vue architectural).

La salle est absolument magique, toute en verre donnant sur la campagne, les spectacles ayant lieu à la lumière du jour (+ jeux de projecteurs évidemment) pour se terminer pendant le crépuscule. Quant au parc, il est immense, disposant d'une floralie d'une beauté à couper le souffle. Les tables de pique-nique disposées près de l'étang sont librement accessibles sans réservation, il règne une atmosphère assez décontractée malgré un entre-soi social beaucoup plus prononcé qu'à Glyndebourne (j'avoue qu'il m'a fallu un bon quart d'heure pour m'y faire) et les réactions du public sont aussi expansives qu'au ROH (tapements de pieds, sifflets à l'américaine etc.).

Le spectacle était une reprise de la production de John Cox des Nozze di Figaro, genre de répertoire idéal pour un dimanche soir d'été à la campagne, les oiseaux répondant au "Porgi amor" de la Comtesse et les grenouilles du plan d'eau, qui se trouve à 100m, rythmant la chanson de Barbarina au IVe acte. Spectacle très soigné, bien travaillé au niveau de la direction d'acteurs, et plutôt bien chanté (Duncan Rock, par exemple, qui chantait le Comte, évolue très bien par rapport à ses débuts prometteurs il y a 5-6 ans, la voix est devenue puissante, souple, la diction italienne est impeccable et la présence scénique très impressionnante). Orchestre ad hoc, réuni spécifiquement pour le festival, plutôt de bon niveau.
Excellente soirée au global. Je recommande vivement le déplacement, c'est très pratique, le festival organisant une navette qui vient nous chercher et nous reconduire à la gare la plus proche, laquelle est à seulement 25 minutes de Londres en train. Une fois rentrés à Londres, le dernier métro est déjà parti mais il y a foison de taxis qui attendent.

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Message par PlacidoCarrerotti » 10 juil. 2017, 16:05

paco a écrit :
10 juil. 2017, 15:52
Bon ben dans le même genre HS qui ne justifie pas l'ouverture d'un fil, hier soir j'étais au Festival de Garsington, où je n'étais jamais allé (réplique de Glyndebourne, en plus "Eaton-Cambridge-Oxford" côté public, et en plus spectaculaire d'un point de vue architectural).

La salle est absolument magique, toute en verre donnant sur la campagne, les spectacles ayant lieu à la lumière du jour (+ jeux de projecteurs évidemment) pour se terminer pendant le crépuscule. Quant au parc, il est immense, disposant d'une floralie d'une beauté à couper le souffle.
Image



Content que ça t'ait plu. J'y vais assez régulièrement depuis 2003 (à l'époque, c'était à Garsington même).

Ce qui est assez extraordinaire quand on arrive (en voiture ou en taxi), c'est de rentrer dans la propriété et de parcourir des kilomètres avant d'arriver au théâtre et au terrain de cricket 8O
S'il n'y avait pas le droit d'aînesse, jamais un tel domaine n'aurait pu survivre intact aux changements de générations.

A la fin de la saison, le bâtiment (sur pilotis) est démonté et on remet de l'herbe à l'emplacement des poteaux qui le soutenaient.

As-tu pris le bus vintage devant le club de cricket, qui t'amène au magnifique "walled garden" à quelques centaines de mètres de là ?
(on y trouve un autre bar à Champagne)
paco a écrit :
10 juil. 2017, 15:52
Les tables de pique-nique disposées près de l'étang sont librement accessibles sans réservation
Avec vue sur les troupeaux de biches :eyes:
paco a écrit :
10 juil. 2017, 15:52
Il règne une atmosphère assez décontractée malgré un entre-soi social beaucoup plus prononcé qu'à Glyndebourne (j'avoue qu'il m'a fallu un bon quart d'heure pour m'y faire).
C'est ce que me dit belle-maman. Glyndebourne est devenu trop corporate ;-)
Des restes de la vieille Angleterre !
Les jours de pluie, on peut voir certains membres de cette bonne société en frac mais avec des bottes de jardinage !

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Re: Puccini- Turandot- Ettinger/Serban- ROH 07/2017

Message par paco » 10 juil. 2017, 16:46

PlacidoCarrerotti a écrit :
10 juil. 2017, 16:05
As-tu pris le bus vintage devant le club de cricket, qui t'amène au magnifique "walled garden" à quelques centaines de mètres de là ?
(on y trouve un autre bar à Champagne)
Non, à peine arrivé j'ai été happé par un jeune couple sooo Eaton (trahis par l'accent) qui a absolument voulu me faire visiter la floralie qui se trouve derrière le bâtiment (je ne connaissais pas ce couple, ils m'ont fondu dessus pendant que je prenais le terrain de cricket en photo "C'est votre première fois ? Vous venez d'où ? Oh France, we love France, venez on va vous faire visiter..." Très sympathique ! :D
PlacidoCarrerotti a écrit :
10 juil. 2017, 16:05
paco a écrit :
10 juil. 2017, 15:52
Les tables de pique-nique disposées près de l'étang sont librement accessibles sans réservation
Avec vue sur les troupeaux de biches :eyes:
Il y en avait plein, effectivement !

L'arrivée dans le domaine avec ses 5 km de petite route sinueuse est effectivement un rite en soi, un peu comme gravir la colline de Bayreuth ;-)

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