Mozart - Don Giovanni - Rhorer/Sivadier - Aix-en-Provence - 07/2017

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Autolycus
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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/17

Message par Autolycus » 22 juil. 2017, 15:48

Piero1809 a écrit :
20 juil. 2017, 17:03
Autolycus a écrit :
19 juil. 2017, 12:38
L'introduction (et donc la scène du Commandeur) n'est pas marquée Adagio, mais Andante "alla breve" (battu à 2), ce qui suppose un tempo beaucoup plus rapide.
Merci pour la précision. J'aurais du vérifier sur la partition mais j'avais dans la tête l'introduction adagio 4/4 de la symphonie Prague contemporaine!
Quand vous parlez de tempo beaucoup plus rapide pour l'introduction, je suppose que vous comparez le tempo andante 2/2 à un tempo adagio 4/4. Dans ces conditions avez-vous apprécié le tempo adopté par Rorher?

Incidemment j'ai adoré le son des trombones tendus et fins qui accompagnent le Commandeur Di rider finirai pria dell'aurora... dans la scène 11 de l'acte II.
Désolé, mais non - il relève de la bonne moyenne actuelle, certainement plus rapide que certains anciens, mais toujours trop lente. Ce n'est pas de l'abstraction théorique: comme on l'a souvent signalé, cette musique comporte des images très "réalistes" qui ne fonctionnent qu'au tempo plus allant. Que presque personne n'ose adopter. Au demeurant, le rythme nécessaire de la scène du Commandeur (trois "tempos" différents chez les trois personnages) en dépend également.

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par dongio » 22 juil. 2017, 18:23

Représentation du 21 juillet, et dernière de la série aixoise…

Il y a dans mon panthéon personnel deux types de Don Giovanni vus et entendus :

Ceux au théâtre moyen et quasi oublié (par exemple Hampe à Salzbourg, les époux Hermann à Bruxelles, et de façon surprenante et décevante hélas même Chéreau à Salzbourg encore) mais aux chanteurs suprêmes. Ainsi, les DG de Ruggero Raimondi ou Samuel Ramey, les Elvire de Kiri Te Kanawa (pour l’éternité) ou Julia Varady, les Anna de Gundula Janowitz ou Edda Moser, les Ottavio de Mark Padmore , les Zerline de Maria Ewing ou Cecilia Bartoli…

Ceux au théâtre survolté mais aux chanteurs de facture n’atteignant pas les sommets cités ci-dessus. Ainsi, Peter Brooke, ainsi Michael Haneke, ainsi Jean Louis Sivadier.

Les deux souvenirs ne sont pas antinomiques, et la mémoire se rappelle régulièrement des moments, des scènes gravés de façon indélébile et qui me hantent toujours (j’ai rappelé ici Te Kanawa à Cologne, je pourrai le faire encore pour d’autres).

Ce que j’ai vu hier soir dans la cour de l’Archevéché, et quelques jours plus tôt à la télévision, continuera d’être omniprésent tant l’énergie, le théâtre, le drame, le joyeux, le burlesque, le tragique cohabitaient de façon géniale sur scène en rendant grâce à Mozart et Da Ponte sans jamais les trahir, en les servant avec respect et humilité.

On l’a dit, dès le début tous sont sur scène, déambulent, se parlent, regardent le public : une troupe de comédiens est à l’œuvre et la Commedia del’Arte n’est pas loin. On pense d’emblée à Strehler et à son formidable « Arlequin serviteur de deux maîtres », remis tant de fois sur le métier pour le peaufiner et l’interroger encore, : au cours d’une des versions tous les protagonistes étaient sur le plateau au moment de l’entrée du public et babillaient jusqu’au moment où l’un d’entre eux, apercevant les spectateurs tous assis, disait aux autres « eh, è comminciato ! » comme si surpris dans leurs préparatifs, il fallait maintenant que le spectacle commence…La même magie hier soir opérait et devait dérouler ses sortilèges durant toute la représentation.

Car oui, pour moi, comme pour d’autres (merci chère MariaStuarda) le travail de Sivadier est totalement exemplaire de par la vie et le théâtre qu’il montre. Depuis quand n’a-t-on plus vu pareille énergie, pareille passion, pareils gestes, corps en mouvement et toujours à bon escient, rythmé par la musique et l’épousant parfaitement ? Les magnifiques acteurs chanteurs se donnent à fond dans l’œuvre, l’investissent et se l’approprient totalement. Tout est dessiné au cordeau, travaillé, et j’ai peine à croire que ce qui nous est montré ne soit pas le fruit de longues répétitions, de longues complicités et de dialogues constants pour arriver à tant de perfection. Oh certes on peut ne pas aimer tant de rapidité, de fluidité et leur préférer moins d’énergie physique et plus de fastes vocaux. Mais si on considère que l’opéra est aussi (et peut être avant tout pour d’aucuns ?) du théâtre chanté, alors on aura été à la fête hier soir. Qui disait encore que lorsque la parole avait tout dit et ne trouvait plus de mots, alors le chant s’élevait ? Nous en avons eu la preuve irréfutable hier à mes yeux.

Alors oui, Sly est le plus vif, le plus vivace, le plus gourmand, le plus bondissant des Don Giovanni jamais vus, et alors oui aussi la voix est souvent à la peine, de moyenne projection, se réfugiant parfois dans un sprechgesang italien et l‘aigu cède parfois au cri (limites vocales ou fatigue de la dernière ?) . La sérénade le verra à son meilleur, car murmurée, caressée messa di voce comme si sa main caressait la peau de la « cameriera di Donna Elvira » , à la charge érotique manifeste. Mais quel personnage plein de jeunesse acceptant la mort en l’embrassant, étonné lui même de rester en ce monde après sa mort pour , comme le Commandeur, continuer à y rôder mais sans rédemption, avec l’impossibilité d’être vu et de toucher. Ah que l’on se rappelle ce regard étonné et inquiet, suivi du sourire et des bonds de joie quand il se rend compte qu’il peut continuer à exister et manipuler les autres protagonistes (a-t-on remarqué que deux gestes de sa part au cours du « questo il fin » les font tous bouger de concert ? Don Giovanni mort mais marionnettiste des autres et Don Giovanni vivant lumière qui les attirait tous ) . Boucle bouclée.
Oui aussi Isabelle Leonard est la plus vibrante des Elvire, bouleversante dans son amour poussé à l’extrême pour cet homme « nido d’inganni » qu’elle aime encore et encore, et malgré tout (ah, le « in quali eccessi » suivi du « mi tradi » le plus émouvant , le plus travaillé scéniquement jamais vu. Rien que pour ce moment là, il faut remercier Sivadier à genoux de nous avoir fait toucher cela.
La figure dramatique d’Anna, la douceur d’Ottavio, la rouerie manipulatrice de Zerlina,, l’inquiétante présence rôdeuse du Commandeur seulement sentie par Anna, la complicité de Leporello (on est là en plein dans la Commedia del ‘Arte dans la démonstration du couple avec son maître, à cent lieues du double inquiétant montré par Haneke), tout est à dire et à savourer. La scène du cimetière à la statue suggérée, la scène finale sont formidables et m’ont cloué sur mon siège. Le dîner final de Don Giovanni ? Pas de viande ou de poulet, mais de la chair fraîche, celle de la « giovin principiante » qui est la « cameriera di Donna Elvira » et qui sera partagée par les mâles présents sur scène dans une frénésie sexuelle et que seule l’irruption du Commandeur et les cris d’Elvire et de Leporello arrêtera. Image forte encore même si dérangeante. Alors oui, le chant pur perd des priorités et je l’ai dit, on aura connu mieux ailleurs. Mais l’énergie folle que déploie ce spectacle en fait pour moi un des Don Giovanni majeurs, et qui s’inscrit largement dans mon panthéon personnel.
Difficile pour moi de juger pleinement l’orchestre car placé au rang S de face sous le balcon, je perdais des harmoniques et des détails de pupitres. L’acoustique n’était pas parfaite à cet emplacement. Il m’a semblé être efficace, mais n’était pas un protagoniste majeur. On était loin de Giulini au disque, ou du Muti suffoquant à Salzbourg.

On aura glosé largement sur l’aspect christique que Sivadier aura donné à son héros. Ayant été attentif hier soir à tout ce qui se passait sur scène, je n’ai rien vu de tel. Oui, Sly est mince, blond, a les cheveux longs, est barbu, a la silhouette maigre et le parallèle avec l’image que l’on a de Jésus peut se faire. Il meurt les bras en croix ? Il accepte la mort et l’accueille bras ouvert plutôt comme je l’ai dit précédemment. Il se signe à un moment ? Oui, quand à la scène finale Elvire lui demande de « cangiar vita » et ce signe est une moquerie (« che vuol mio bene ? (…) Brava ! ) , un rictus et non un signe de religiosité ou de rédemption. Il y a une croix accrochée au mur du fond ? C’est Anna qui l’accroche alors qu’en arrière plan se trouve la tombe du Commandeur où elle va se prosterner. On est alors dans une chapelle…et la croix deviendra le T de Libertà qui sera dessiné sur le mur, moquerie encore, et blasphème comme dit par d’autres ici.

Il faudrait encore des lignes et des pages pour souligner tel et tel détail , pour décrire tel geste, pour analyser tel ou tel mouvement du corps. Mon propos n’est pas celui là. Je voudrais confirmer , après un visionnage télévisuel et une vision en salle hier soir, que pour moi ce Don Giovanni est dorénavant une référence : celle de la jeunesse, du tourbillon, de la course frénétique vers le plaisir quel qu’il soit, de l’inconscience de l’acte. Certains s’en offusqueront et c’est très bien ainsi : Don Giovanni est un personnage suffisamment complexe, prodigieusement protéiforme, et génialement mis en musique, pour que chacun y trouve son héros. Ce que j’ai vu hier soir m’a ouvert à de nouvelles questions, à de nouvelles analyses. Un Don Giovanni plus théâtral que vocal sans aucun doute. Oui. Mais pour cette force scénique et ces images rémanentes maintenant, merci.

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 18:44

dongio a écrit :
22 juil. 2017, 18:23
(...) ce Don Giovanni est dorénavant une référence : celle de la jeunesse, du tourbillon, de la course frénétique vers le plaisir quel qu’il soit, de l’inconscience de l’acte. Certains s’en offusqueront et c’est très bien ainsi : Don Giovanni est un personnage suffisamment complexe, prodigieusement protéiforme, et génialement mis en musique, pour que chacun y trouve son héros. Ce que j’ai vu hier soir m’a ouvert à de nouvelles questions, à de nouvelles analyses. Un Don Giovanni plus théâtral que vocal sans aucun doute. Oui. Mais pour cette force scénique et ces images rémanentes maintenant, merci.
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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par Epsilon » 22 juil. 2017, 19:29

Magnifique compte-rendu, auquel on ne peut que souscrire totalement, merci dongio!

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par srourours » 22 juil. 2017, 21:56

Merci Dongio.

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 22:28

srourours a écrit :
22 juil. 2017, 21:56
Merci Dongio.
Epsilon a écrit :
22 juil. 2017, 19:29
Magnifique compte-rendu, auquel on ne peut que souscrire totalement, merci dongio!
Tout est dit.

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par apoline » 23 juil. 2017, 08:33

MariaStuarda a écrit :
22 juil. 2017, 22:28
srourours a écrit :
22 juil. 2017, 21:56
Merci Dongio.
Epsilon a écrit :
22 juil. 2017, 19:29
Magnifique compte-rendu, auquel on ne peut que souscrire totalement, merci dongio!
Tout est dit.
Inutile donc d'en rajouter
Merci encore :D

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par RV » 23 juil. 2017, 12:32

J'ai assisté à la dernière représentation et m'étais bien gardé de lire le fil de cette production pour arriver au théâtre de l'archevêché libre de tout préjugé. Pour terminer ce préambule je dois ajouter que j'ai beaucoup apprécié bon nombre de productions de Sivadier tant au Théâtre (La vie de Galilée, la dame de chez Maxim ou le Misanthrope) qu'à l'opéra (La Traviata à Aix). Je me suis donc rendu à Aix anticipant une superbe représentation. Je suis tombé de haut en endurant le plus ennuyeux Don Giovanni auquel il m'ait été donné d'assister. Sivadier a dû être pris d'une angoisse du vide et confondu l'essentiel et l'accessoire ou plutôt a rajouté beaucoup d'accessoire à l'essentiel et il fallait sans doute une imagination que je n'ai pas pour être capable de démêler les deux et d'apprécier ce spectacle. Que dire de l'agitation incessante et de l'adjonction de personnages qui n'apportent que de la confusion et distraient du coeur de l'oeuvre. Enfin, Sivadier nous impose tous les poncifs éculés du théâtre contemporains: chanteurs présents en permanence sur scène (avant le début de la représentation et pendant l'entracte discutant entre eux avec les musiciens ou même avec le public) ce qui désacralise la scène en mettant l'accessoire au même niveau que l'essentiel, personnages alternant le port de tenues modernes avec celui de tenues du XVII ème siècle et que dire de l'allusion au Christ! Côté vocal, c'est pas mal. Donna Anna a mal commencé et s'est bien reprise rien à dire des autres chanteurs. Il est malgré tout légitime de se demander si cette distribution est digne d'un des plus "grands" festival européen. Enfin, je me rends compte que je n'ai rien à dire l'orchestre qui a été, même si le mot n'est pas adapté, transparent.
En écrivant ce post, je ne cherche pas à déclencher une polémique et je ne mets pas en cause la sincérité de ceux qui ont apprécié ce spectacle et je dois dire que je les envie.

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Re: Mozart - Don Giovanni - Rhorer / Sivadier - Aix-en-Provence 07/2017

Message par MariaStuarda » 23 juil. 2017, 15:33

RV a écrit :
23 juil. 2017, 12:32

En écrivant ce post, je ne cherche pas à déclencher une polémique et je ne mets pas en cause la sincérité de ceux qui ont apprécié ce spectacle et je dois dire que je les envie.
Aucune raison de déclencher une polémique. Tu rappelles juste que, sur ODB, règne une diversité d'opinions plutôt stimulante.

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