Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

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JdeB
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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par JdeB » 22 juil. 2017, 09:13

wababelooba a écrit :
21 juil. 2017, 23:34
MariaStuarda a écrit :
21 juil. 2017, 18:47
wababelooba a écrit :
21 juil. 2017, 17:24
Cher Stuarda,
Le problème par rapport à ta ( remarquable) analyse , c’est que Bizet reste le plus fort.
Je m’explique : comme je l’ai toujours clamé , DT est extrêmement intelligent et son talent de metteur en scène est incontestable .
Mais dans ce détournement là , je n’ai pratiquement ressenti qu’un collage assez maladroit , dans lequel l’œuvre d’origine sort grande victorieuse .
Ça pourrait marcher si le génie de Bizet n’éclatait pas à chaque mesure et ne mettait pas KO ce bon vieux sacripant de Dimitri.
Quand Warlikowski avait donné sa lecture d’Un Tramway nommé Désir ( sous un titre légèrement différent d’ailleurs) , il avait en fait amélioré une pièce un peu poussiéreuse.
Pour ce Carmen , c’est malin , ça fait travailler les neurones , mais l’œuvre est plus forte que tout , et le résultat fonctionne mal et sombre lentement .
Que le public de la première ait apparemment adoré se faire mener en bateau , c’est son problème . Les musiciens ont bien joué jusqu’à la fin sur le pont du Titanic
Ah mais tu raisonnes comme si Tcherniakov vouait faire mal à l'œuvre, l'abimer, comme si c'était Tcherniakov vs Bizet et qu'au final on puise dire : Bizet a gagné.
Fort heureusement, je ne pense pas que DT soit hostile à l’œuvre de Bizet : à sa façon il en montre la force et la puissance.
Mon interprétation (mais je ne suis pas dans la tête de DT hein !) est qu'au contraire, c'est ce qu'il veut démontrer : alors que des abrutis de « comportementalistes staliniens » (ça c’est pour faire plaisir à Bernard) veulent réduire l’œuvre sublime de Bizet à de la musique d’accompagnement pour jeu de rôle débile, celle-ci prend la main progressivement, et va jusqu’à se venger en absorbant Stéphanie et Michael, de plus en plus détachés des autres figurants.
Ils sont réellement devenus, à la fin, Carmen et José; alors que la petite comédie clinique continue à se dérouler avec un nouveau Michael, il y a alors deux actions devenues indépendantes : la vraie vie où les cloportes se débattent et l’œuvre qui a pris la main et a vampirisé nos deux personnages. L’action (qui était très factice et jouée au premier acte) colle enfin tout à fait aux intentions du compositeur et du librettiste : L’affrontement a lieu et José tue symboliquement Carmen. On est plus du tout dans le mime mais dans une vraie violence pas du tout artificielle. Les comédiens qui rentrent à la fin pensant que la cure a atteint son but ne peuvent sortir José de l’état dans lequel il est parti.
De toutes façons, personne ne peut douter qu’un chef d’œuvre pareil puisse ne pas gagner, quelles que soient les configurations, les metteurs en scène ou les interprètes. Que Tcherniakov fasse allégeance n’est que chose normale.
La seule différence entre nous , c’est que je crois que Tcherniakov se soucie comme d’une guigne de Carmen . Il parle , à propos de l’opéra qu’il dit connaître depuis son enfance, de « poncifs assez mièvres » , de « curiosités touristiques », d ‘ « archétypes figés » , d’un « mythe qui a perdu de son naturel ».
Or , je crois très profondément que l’opéra est à la limite du rituel magique , peut-être le dernier héritier des Mystères joués sur les parvis des cathédrales.
Pour réussir totalement une mise en scène d’opéra , il faut avoir la foi … la foi du charbonnier. Je sais que Chéreau croyait en Wozzeck , qu’il croyait en Elektra, que Warlikowski croit en Iphigénie, que Marthaler croit en Katia.
Et la plus belle mise en scène de Py ,c’est son Dialogue.
Et quand il n’a pas cette foi absolue en l’œuvre, il biaise , et c’est son Aïda , mise en abime et critique de l’œuvre , ou sa Carmen de Lyon, deux réalisations passionnantes mais moins habitées. Pourquoi les Hermann réussissent-ils une si mémorable Flûte , pourquoi Sellars transcende-t-il Oedipus Rex ? Parce qu’ils ont dans l’œuvre une foi immense .
Ça ne veut évidemment pas dire se scotcher aux didascalies , mais approcher l’œuvre avec un maximum d’amour.
Qu’on puisse aujourd’hui s’intéresser et s’émouvoir d’une jeune fille qui a des crises de somnanbulisme, d’une pie qui chipe des couverts en argent ou d’une renarde tuée par un garde chasse, c’est incroyable et c’est toute la magie de l’opéra. Un art d’un suprême raffinement et pourtant totalement tripal.
Tout ça pour dire qu’à mon avis Tcherniakov a juste voulu sur ce coup « faire son malin ». Alors que Carmen est là , comme une évidence.
oui ! :D
Un grand metteur en scène lyrique croit en une mystique de l'opéra, et la défend.
Et puis il y a leurs épigones et les carriéristes, plus ou moins virtuoses
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 09:53

Tcherniakov est probablement un carrieriste mais je ne pense pas que ça soit un épigone car sinon il faut choisir de qui il est le disciple :wink:

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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par wababelooba » 22 juil. 2017, 11:07

La seule parentée à laquelle on puisse penser à son sujet , c'est Marthaler . Même goût de la provoc.
Même choix de contraintes strictes ( chez T, très souvent décor unique),même brio dans la direction de comédien/ chanteurs . Avec la différence importante que chez Marthaler , il y a un humour quasi omniprésent et un côté trash/ Deschiens que l'on ne retrouve pas chez TD.
Je rappelle que la Fille de Neige m'a enthousiasmé et que je considère que c'est un spectacle parfait.
Je fais donc plutôt partie des tcherniakophiles, secte relativement limitée sur ce forum!
Mais quand on prend des parti-pris tranchés, on peut se ramasser en beauté...

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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par wababelooba » 22 juil. 2017, 11:15

muriel a écrit :
22 juil. 2017, 09:10
qui a vu la dernière de Carmen ?
Tcherniakov était à la dernière d'Erismena , très souriant et sympathique.
On l'a félicité, il a dit vraiment ? vous plaisantez ? merci beaucoup (en anglais)
CE qui semblerait prouver qu'il a bien conscience de son petit tour de passe passe roublard, et qu'il espérait au fond une réception fifty fifty entre les applaudissements frénétiques et les HOU rageurs ( signe d'une vraie réussite pour un metteur en scène dit "conceptuel"... Voir la tête dépitée de Warli à la première du Barbe Bleue quand il a eu une salle unanime , pour la première fois à l'ONP !)

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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 11:19

wababelooba a écrit :
22 juil. 2017, 11:07
La seule parentée à laquelle on puisse penser à son sujet , c'est Marthaler . Même goût de la provoc.
Même choix de contraintes strictes ( chez T, très souvent décor unique),même brio dans la direction de comédien/ chanteurs . Avec la différence importante que chez Marthaler , il y a un humour quasi omniprésent et un côté trash/ Deschiens que l'on ne retrouve pas chez TD.
Eventuellement car il y a des choses en commun.
Mais aussi des vraies différences, tu citais l'humour mais il faut aussi noter cher Marthaler un sens du rythme parfois délirant qui peut entrainer un effet jouissif absolument incontrolable (cf. son voyage à Reims de Zurich).
Une des choses qu'ils ont en commun, c'est leur capacité à entrainer des débats sans fin sur ODB :wink:
Par ailleurs, ils viennent de cultures fort dissemblables qui fait qu'il est difficile de les associer vraiment.
Et pour finir, je pense que l'un est beaucoup plus centré sur l'opéra que l'autre qui est avant tout un homme de théâtre.
Pour résumer, on peut au mieux dire que ces deux-là sont plus frères plutôt que l'un soit l'épigone de l'autre.
wababelooba a écrit :
22 juil. 2017, 11:07
Je rappelle que la Fille de Neige m'a enthousiasmé et que je considère que c'est un spectacle parfait.
Je fais donc plutôt partie des tcherniakophiles, secte relativement limitée sur ce forum!
Mais quand on prend des parti-pris tranchés, on peut se ramasser en beauté...
Moi le choc le plus fort que m'a procuré DT, c'est sans conteste son Oneguine.
Je crois donc que nous appartenons donc à la même secte mais les débats, vu tes derniers dérapages, risquent d'être rudes lors de nos réunions (secrètes) :wink:
wababelooba a écrit :
22 juil. 2017, 11:15
muriel a écrit :
22 juil. 2017, 09:10
qui a vu la dernière de Carmen ?
Tcherniakov était à la dernière d'Erismena , très souriant et sympathique.
On l'a félicité, il a dit vraiment ? vous plaisantez ? merci beaucoup (en anglais)
Ce qui semblerait prouver qu'il a bien conscience de son petit tour de passe passe roublard, et qu'il espérait au fond une réception fifty fifty entre les applaudissements frénétiques et les HOU rageurs ( signe d'une vraie réussite pour un metteur en scène dit "conceptuel"... Voir la tête dépitée de Warli à la première du Barbe Bleue quand il a eu une salle unanime , pour la première fois à l'ONP !)
il n'y a rien qui puisse déconcerter plus un provocateur que des applaudissements pas assez balancés par des copieuses huées :wink:
Warli, de ce point de vue là, n'a pas eu à se plaindre :lol:

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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par Bernard C » 22 juil. 2017, 11:50

Tout ça est pépiement du petit monde snob.
L'art n'est pas concerné .

Bernard
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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 11:50

Voici un extrait d'interview contenu dans un mail que j'avais laissé passer sans le lire :

« Aujourd’hui, on a besoin de croire à cette histoire et de comprendre en quoi elle se rapporte à nous. Aussi ce spectacle parlera-t-il de nos contemporains : émotionnellement désabusés, nourris d’expériences amères, remplis de désespoir et d’ironie. […] L’homme moderne préfère toujours rester dans une zone sécurisée, ne pas se laisser submerger par des passions incontrôlées, éviter la noyade émotionnelle que traversent depuis toujours les personnages d’histoires célèbres. Il y a les récits chargés de passion, et il y a la réalité qui, pour beaucoup d’entre nous, est faite d’habitudes, d’événements qui se répètent, de frustrations, d’ennui, de vide… De l’incapacité à ressentir quoi que ce soit, à vivre pleinement le présent. Les personnages de notre spectacle ne sont pas exactement les héros de l’opéra Carmen, mais c’est en se retrouvant à l’intérieur de cette histoire célèbre qu’ils se laisseront peu à peu emporter par elle et qu’ils commenceront à la vivre intensément. L’histoire de Carmen deviendra alors pour eux la meilleure des thérapies. » (Dmitri Tcherniakov)

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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 11:52

quetzal a écrit :
22 juil. 2017, 11:50
Tout ça est pépiement du petit monde snob.
L'art n'est pas concerné .

Bernard
Franchement, faire de la provocation pour faire de la provocation, Bernard, c'est intéressant mais puisqu'on est en train de parler de parler de grands provocateurs, essaye au moins de t'élever à un niveau correct ...

David, lui, au moins, il l'a fait dans les grandes largeurs LOL

(Tes commentaires ne vont pas, en tous cas, m'empêcher de continuer à pépier (il a fallu que je vérifie son orthographe à celui-là))

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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par micaela » 22 juil. 2017, 12:03

MariaStuarda a écrit :
22 juil. 2017, 11:50
Voici un extrait d'interview contenu dans un mail que j'avais laissé passer sans le lire :

« Aujourd’hui, on a besoin de croire à cette histoire et de comprendre en quoi elle se rapporte à nous. Aussi ce spectacle parlera-t-il de nos contemporains : émotionnellement désabusés, nourris d’expériences amères, remplis de désespoir et d’ironie. […] L’homme moderne préfère toujours rester dans une zone sécurisée, ne pas se laisser submerger par des passions incontrôlées, éviter la noyade émotionnelle que traversent depuis toujours les personnages d’histoires célèbres. Il y a les récits chargés de passion, et il y a la réalité qui, pour beaucoup d’entre nous, est faite d’habitudes, d’événements qui se répètent, de frustrations, d’ennui, de vide… De l’incapacité à ressentir quoi que ce soit, à vivre pleinement le présent. Les personnages de notre spectacle ne sont pas exactement les héros de l’opéra Carmen, mais c’est en se retrouvant à l’intérieur de cette histoire célèbre qu’ils se laisseront peu à peu emporter par elle et qu’ils commenceront à la vivre intensément. L’histoire de Carmen deviendra alors pour eux la meilleure des thérapies. » (Dmitri Tcherniakov)
OK Visiblement, mettre en scène l'opéra de Bizet ne l'a pas vraiment intéressé. On pourrait aussi lui dire que ce qui fait de cet opéra le plus joué , c'est aussi parce que c'est une histoire universelle : passion, amour pas vraiment partagé , jalousie, et crime passionnel qui peut parler à tous les publics. Et puis c'est tout.
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Re: Bizet - Carmen - Heras-Casado/Tcherniakov - Aix en Provence - 07/2017

Message par MariaStuarda » 22 juil. 2017, 12:37

micaela a écrit :
22 juil. 2017, 12:03
OK Visiblement, mettre en scène l'opéra de Bizet ne l'a pas vraiment intéressé.
Effectivement, on peut en déduire que son intérêt était ailleurs.

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