Verdi - Otello - Pappano/Warner - Londres - 06-07/2017

Représentations
Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12735
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par Bernard C » 25 juin 2017, 08:21

MariaStuarda a écrit :
25 juin 2017, 01:02
Drôle de soirée ce samedi soir. On attendait la naissance d'un nouvel Otello, une production permettant à la star de montrer au monde qu'elle mettait le maure, qui marque une si riche et convoitée étape dans la carrière d'un ténor, à son tableau de chasse.
Malheureusement pour ce faire, il eut fallu un écrin, un chef attentionné, des partenaires à la hauteur.
Badaboum !
La production est un désastre. J'irai plus loin que Hiero car, ne se contentant pas d'être insignifiante, elle est indigeste et la direction d'acteurs d'une médiocrité affligeante. Ça me fait franchement marrer quand on hurle au regietheater et qu'une mise en scène en costumes transforme Iago en petit caïd de banlieue qui torture son pote en lui mettant dans la tête que sa meuf le trompe avec le toquard de la tour H. D'ailleurs Marco Vratogna ne rate pas une occasion de se marrer des bons coups qu'il fait à Otello. Mais ou sont il aller chercher un Iago pareil ?
Iago et Otello, Otello et Iago sont le vrai couple de ce drame : l'un doit être un soldat tirant sa puissance de ses batailles (et qui va mourir vaincu de la plus rude, celle contre la jalousie), virilement brutal et ultra sensible à la fois ; l'autre doit être un être retors, pervers, roué, "sublime forcement sublime" comme dirait Duras.
Déséquilibré par le petit farceur qu'on lui a collé aux basques, Jonas se retrouve bien démuni et bien empêché de jouer un maure crédible.
Pire, comme déjà dit, il s'avère dans plusieurs scènes bien piètre acteur et ne parvient à donner aucune consistance à ce colosse qui va bientôt s'effondrer.
Et pour le coup, je rejoins l'idée qu'il semble y avoir un problème d'adéquation physique entre Kaufmann et Otello. Non sur le plan de la beauté mais sur l'incarnation crédible d'un soldat sortant de son bateau plein de sueur des batailles passées, d'un chef de guerre qui est loin d'être un abruti mais que la perversité adverse va emmener sur le chemin du doute, de la souffrance, du désarroi et du meurtre comme geste ultime et désespéré pour sortir du piège diabolique dans lequel il est tombé.
Alors bien sûr la voix est belle mais à ce stade, on se prend à penser qu'un enregistrement discographique eut été préférable à cette tentative vaine d'essayer d'incarner cet être très de chair, de sueur et d'hormones dans un chantier d'une telle adversité.
Car, et là je ne rejoins pas les autres odbiens, le deuxième responsable du désastre est bien le maestro Pappano qui a complètement oublié que Otello est une musique subtile qu'il faut savoir respirer. Que ça soit tonitruant au début, c'est normal (quoi que j'ai entendu tempête bien plus belle et inspirée) mais que les tempi soit tout le temps trop rapide et que le son forte serve à impressionner le bon public londonien sur la longueur, ça n'est pas pardonnable. Dans ce tumulte permanent, aucune place n'est laissée à Kaufmann pour déployer les nuances qui sont sa marque. Tout juste se contente t'il d'occuper le terrain le temps de rares accalmies et de balancer des notes idoines (dont le fameux et très réussi contre-ut), le reste du temps.
Bref on en envie de lui dire fuggi ! Fuis cette perfide Albion et suis tes instincts casaniers, supplie Petrenko pour qu'il te cisèle un maure assez subtil qui reste à inventer; rejoins enfin ta Desdemone naturelle et maternelle qui, après les ambigus Carlo / Elisabeth, ne peut que t'entraîner vers des horizons passionnants et brouillant les repères habituels entre ce viril et cette victime féminine. Pour une fois aurais tu peur d'elle, qu'elle t'entraine malgré toi vers une séquence inédite ? Aurais tu peur que pour une fois qu'il te faut incarner un héros un peu brute, la gorgone greco-allemande ne t'empêche de la tuer, intimidé que tu serais par son Ave Maria désespéré et sublime ? Rêvons un peu ...
Tout cela eut, en tous cas, mieux valu que la partenaire transparente que l'on t'a collé et avec qui, même le sublime duo d'amour sentait trop la version concert pour fans enamourés.
Bref, dépité je suis rentré à rêver que la mega star, face au défi qui l'attend et qui et est loin d'être résolu ce soir, puisse se hisser au niveau des grands Otello en en inventant un nouveau tres différent. Pas gagné en effet !
C'est une déception relative Polo à ce que je lis , JK victime ( du chef, du mes, de Desdemona et de je ne sais plus qui d'autre ) tu l'en aimes d'autant plus que tu t'en fais déjà un autre Otello dans une réalité virtuelle à venir .

C'est presque de la Réalité augmentée cette affaire :lol:

Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

Avatar du membre
Hiero von Stierkopf
Baryton
Baryton
Messages : 1786
Enregistré le : 10 avr. 2016, 16:47
Localisation : Gross-Paris

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par Hiero von Stierkopf » 25 juin 2017, 08:23

Je rejoins Maria Stuarda sur la crédibilité physique.
Bien sûr, ce qui compte c’est la voix avant tout mais on est bien obligé d’admettre qu’il s’agit tout de même d’un élément pas négligeable dans cette production quand on est dans la salle.
L’interprétation de JK nous donne un Otello certes très torturé psychologiquement, peut-être trop intériorisé, certains diront trop subtil ?
Toujours est-il qu'il manque effectivement la sueur et les couilles et de mon point de vue l’intensité du basculement d’Otello tombe à plat.

Il serait intéressant d’écouter un enregistrement sans images et je suis sûr qu’il y aurait un décalage dans la perception du personnage.

Vratogna qui verse dans la caricature de la caricature ne vient pas du tout aider l’approche de JK.

A noter toutefois de bons moments au III.

Vivement que Kunde vienne remettre les pendules à l'heure 8)
Pour une fois, je suis impatient de voir Lucic qui devrait être autrement plus subtil que Vratogna.
Comment ça, merde alors ?! But alors you are French !

Avatar du membre
MariaStuarda
Basse
Basse
Messages : 7263
Enregistré le : 13 févr. 2013, 14:33
Localisation : Paris
Contact :

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par MariaStuarda » 25 juin 2017, 09:45

quetzal a écrit :
25 juin 2017, 08:21

C'est une déception relative Polo à ce que je lis , JK victime ( du chef, du mes, de Desdemona et de je ne sais plus qui d'autre ) tu l'en aimes d'autant plus que tu t'en fais déjà un autre Otello dans une réalité virtuelle à venir .

C'est presque de la Réalité augmentée cette affaire :lol:

Bernard
Oui j'avoues que j'ai un peu chargé les autres car le génial Jonas doit absolument finir ainsi et le ténor vaincre le maure ;)
A l'opéra, l'histoire ne peut que finir ainsi ...
Hiero von Stierkopf a écrit :
25 juin 2017, 08:23

Vivement que Kunde vienne remettre les pendules à l'heure 8)
Pour une fois, je suis impatient de voir Lucic qui devrait être autrement plus subtil que Vratogna.
Tu as raison. La deuxième distribution va être sûrement beaucoup plus cohérente et le couple Otello Iago bien plus équilibré. De plus, avec la direction de Papanno, la voix de Kunde devrait s'épanouir parfaitement.

Avatar du membre
jerome
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 11889
Enregistré le : 03 mars 2003, 00:00
Localisation : NANCY

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par jerome » 25 juin 2017, 11:12

Oui enfin, tout est très très relatif sur ce coup là car Kunde n'a pas les moyens vocaux d'un Mario del Monaco, d'un Vickers, d'un Domingo ni même d'un Pavarotti (pour ceux qui aiment Otello en mode ténor lyrique).

Kunde a du squillo mais ce n'est en rien un spinto! Donc sa remise de pendules à l'heure sera circonscrite à la "Kundosphère" :lol:

Avatar du membre
MariaStuarda
Basse
Basse
Messages : 7263
Enregistré le : 13 févr. 2013, 14:33
Localisation : Paris
Contact :

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par MariaStuarda » 25 juin 2017, 11:31

Oui sûrement mais ça ne manquera pas d'intérêt pour autant surtout avec un Iago à priori beaucoup plus adapté.
D'ailleurs à ce propos, j'en profite pour faire un petit sondage même si ça n'est pas le sujet, quel est le meilleur Iago que vous ayez vu (j'insiste sur le vu).
Pour moi, Raimondi sans aucun doute.

Avatar du membre
Adalbéron
Basse
Basse
Messages : 2337
Enregistré le : 01 mars 2015, 20:51

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par Adalbéron » 25 juin 2017, 11:36

MariaStuarda a écrit :
25 juin 2017, 11:31
Oui sûrement mais ça ne manquera pas d'intérêt pour autant surtout avec un Iago à priori beaucoup plus adapté.
D'ailleurs à ce propos, j'en profite pour faire un petit sondage même si ça n'est pas le sujet, quel est le meilleur Iago que vous ayez vu (j'insiste sur le vu).
Pour moi, Raimondi sans aucun doute.
Jamais vu Otello :cry:
Mais au disque, c'est Gobbi mon chouchou.
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth

dongio
Baryton
Baryton
Messages : 1562
Enregistré le : 05 nov. 2006, 00:00
Contact :

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par dongio » 25 juin 2017, 12:11

On me permettra de revenir un moment sur le caractère d'Otello qualifié ici de faible ou de malade mental. J'ai été troublé par ces assertions et suis revenu, pour tenter de comprendre, à Shakespeare que je viens de relire dans la belle traduction de François-Victor Hugo. Je pense que la clé du personnage se trouve dans le premier acte de la pièce, acte supprimé et condensé par Boito pour Verdi.
Plusieurs phrases nous éclairent (moi du moins): tout d'abord le racisme est présent tout le temps, Otello étant cité comme "l'homme aux grosses lèvres" par Roderigo dans son premier dialogue avec Iago (acte 1 scène 1), ce dernier prévenant plus loin Brabantio (le père de Desdémone, personnage supprimé à l'opéra) des noces d'Otello avec Desdémone dont il n'a pas été mis au courant en le décrivant comme "le vieux bélier noir qui monte sur votre blanche brebis", ou encore en l'accusant fielleusement "vous laissez couvrir votre fille par un cheval de Barbarie". Ce ne sont là que quelques exemples dont on en trouvera d'autres diffus dans le texte. Brabantio même accuse Otello d'avoir utilisé de magie pour séduire sa fille "est-ce qu'une fille si tendre, si belle, si heureuse, si opposée au mariage qu'elle repoussait les galants les plus somptueux et les mieux frisés du pays, aurait jamais, au risque de la risée générale, couru de la tutelle de son père au sein noir de suie d'un être comme toi, fait pour effrayer et non pour plaire?"
Voilà donc ce qu'Otello a entendu durant sa vie et qu'il prend en pleine face encore au moment de l'ouverture de la pièce, et on ne peut qu'imaginer, sans faire de la psychologie de bazar, que son engagement militaire et ses exploits sont peut être "sur-humains" pour faire oublier son origine, son physique, sa couleur de peau. Une façon de se faire "reconnaître" au sens analytique du terme. Il porte toutefois à Desdémone un véritable amour, et cette dernière le lui porte en retour et l'affirmant haut et fort devant son père et le Doge de Venise (Acte 1 Scène 3): "Mon noble père, je vois ici un double devoir pour moi. A vous je dois la vie et l'éducation, et ma vie et mon éducation m'apprennent également à vous respecter. Vous êtes mon seigneur selon le devoir...Jusque là je suis votre fille. (montrant Otello) Mais voici mon mari! Et autant ma mère montra de dévouement pour vous en vous préférant à son père même, autant je prétends en témoigner légitimement au More, mon seigneur".
Cette scène est terrible car cet amour vrai (que Verdi sublimera dans le duo du premier acte) s'oppose donc publiquement au respect dû au géniteur, ce qui suscite le mépris et la colère haineuse de ce dernier:" Que n'ai-je adopté un enfant plutôt que d'en faire un. (à Otello) Approche More. Je te donne de tout mon cœur ce que je t'aurais, si tu ne le possédais déjà, refusé de tout mon cœur. (à Desdémone) "Grâce à toi mon bijou, je suis heureux dans l'âme de n'avoir pas d'autres enfants; car ton escapade m'eût appris à les tyranniser et à les tenir à l'attache..."
Brabantio est sans aucun doute aussi de par la haine qu'il voue à celui qui lui a "volé" sa fille, un Iago au petit pied qui lui distille la première goutte de venin: "Veille sur elle, More. Aie l'œil prompt à tout voir. Elle a trompé son père; elle pourrait bien te tromper"
Il suffit donc d'une phrase, une seule peut être, et celle là sans doute, qui sera gravée indiciblement et indéfiniment dans la mémoire d'Otello, pour faire réveiller le drame plus tard.
Alors, Otello personnage de petite envergure et faible? La réponse se trouve à mon sens dans le déroulement de ce premier acte shakespearien, et dans le final de ce dernier qui revient à Iago qui a assisté aux scènes précédentes et a tout entendu :" le More est une nature franche et ouverte qui croit honnête les gens, pour peu qu'ils le paraissent. Il se laissera mener par le nez aussi docilement qu'un âne. Je tiens le plan: il est conçu. Il faut que l'enfer et la nuit produisent à la lumière du monde ce monstrueux embryon"."
Tout est dit. Et la fulgurance du "je tiens le plan: il est conçu", (à rapprocher du "Madame se meurt. Madame est morte" de Bossuet) n'est que le huilage du rouage certes imaginé par Iago, mais dont le mécanisme brut a été installé et par l'histoire d'Otello et par la menace mauvaise de Brabantio. Dans la vie carapaçonnée d'Otello ( blindée pour "sur-vivre" à ce qu'il vit au quotidien) il y a une faille, une seule. Il a suffi de s'y infiltrer et d'y mettre une goutte de poison pour que tout explose intérieurement et aboutisse au cataclysme.

dongio
Baryton
Baryton
Messages : 1562
Enregistré le : 05 nov. 2006, 00:00
Contact :

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par dongio » 25 juin 2017, 12:14

MariaStuarda a écrit :
25 juin 2017, 11:31
Oui sûrement mais ça ne manquera pas d'intérêt pour autant surtout avec un Iago à priori beaucoup plus adapté.
D'ailleurs à ce propos, j'en profite pour faire un petit sondage même si ça n'est pas le sujet, quel est le meilleur Iago que vous ayez vu (j'insiste sur le vu).
Pour moi, Raimondi sans aucun doute.
Bruson sans aucun doute. Je n'oublierai jamais à Paris son songe murmuré, retors,chanté à l'oreille d'Otello-Domingo , quasiment couché sur lui effondré à terre. Du goutte à goutte de haine et de poison. Géantissime.

Avatar du membre
Epsilon
Mezzo Soprano
Mezzo Soprano
Messages : 210
Enregistré le : 05 avr. 2017, 11:56
Localisation : Lyon/Marseille

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par Epsilon » 25 juin 2017, 12:35

dongio a écrit :
25 juin 2017, 12:14
MariaStuarda a écrit :
25 juin 2017, 11:31
Oui sûrement mais ça ne manquera pas d'intérêt pour autant surtout avec un Iago à priori beaucoup plus adapté.
D'ailleurs à ce propos, j'en profite pour faire un petit sondage même si ça n'est pas le sujet, quel est le meilleur Iago que vous ayez vu (j'insiste sur le vu).
Pour moi, Raimondi sans aucun doute.
Bruson sans aucun doute. Je n'oublierai jamais à Paris son songe murmuré, retors,chanté à l'oreille d'Otello-Domingo , quasiment couché sur lui effondré à terre. Du goutte à goutte de haine et de poison. Géantissime.
Tu m'as devancée! Bruson à Paris, le chant et l'expression, inoubliable.

altini
Baryton
Baryton
Messages : 1169
Enregistré le : 31 janv. 2006, 00:00
Localisation : avignon

Re: Verdi - Otello - Pappano/Warner - ROH - 06/07 2017

Message par altini » 25 juin 2017, 12:52

Kostas Paskalis avec Domingo (en 81 à Monte-Carlo).
Il y a un extrait sur Voldemor mais dans une représentation de 78 à Paris .
(Je précise que j'aime beaucoup Bruson mais je ne l'ai pas vu dans Otello :cry: .)

Répondre