Lalande - Majesté - Chapelle Royale de Versailles - 05 /2017

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Lalande - Majesté - Chapelle Royale de Versailles - 05 /2017

Message par Asvo » 01 juin 2017, 11:04

Michel-Richard de Lalande (1657-1726)
Deitatis Majestatem
Ecce Nunc

Magnificat du 2e ton, en faux bourdon (Anonyme)
Te Deum

Emmanuelle de Negri, Soprano
Dagmar Saskova, Soprano
Sean Clayton, Haute-contre
Cyril Auvity, Ténor
André Morsch, Baryton

Le Poème Harmonique
Ensemble Aedes
Vincent Dumestre Direction


(La)-Lalande

Michel-Richard de Lalande (1657-1726) à la Chapelle Royale de Versailles : quoi de plus idoine, pour le compositeur qui fut mis à la tête de la Chapelle Royale en 1683, soit un an après l’installation de la cour à Versalles ? Compositeur de grands motets pour la messe du roi, prenant part à une liturgie royale détachée de la liturgie catholique traditionnelle, comme le Deitatis Majestatem, composé à l’occasion d’un concours pour la Chapelle Royale, ou le Ecce nunc benedicite, composé l’année de l’arrivée de Lalande à Versailles, c’est aussi, et surtout, le compositeur d’un des plus célèbres Te deum, en tout cas un de ceux qui furent le plus donnés au temps de Louis XIV et dans les siècles qui suivirent.

Choix passionnant donc, de nous présenter ces trois grandes œuvres. La première partie, enchaînant Deitatis Majestatem et Ecce nunc benedicite, permet de voir l’évolution d’un langage musical entre l’académisme le plus total pour le premier motet – dû au contexte du concours et à l’influence des prédécesseurs à la chapelle royale comme Henry Du Mont – et le langage plus fleuri, plus contrasté du Ecce nunc benedicite.
Mais c’est surtout la seconde partie qui frappe, notamment par son choix de « mise en scène » : elle ne commence pas par une œuvre de Lalande, mais par un Magnificat du 2eme ton, chanté en plain-chant et en faux bourdon – le faux bourdon consistant en un plain-chant mais où les voix, au lieu de chanter à l’unisson, chantent parallèlement. En ajoutant un vrai travail de spatialisation, avec le ténor et un choeur d’hommes au niveau supérieur de la chapelle, et un choeur mixte derrière le public, il était facile de se s’éloigner progressivement de Lalande et de la musique lithurgique royale. D’où l’effet de surprise lorsque la fin du Magnificat fit place à un roulement de timbales et à une formidable ouverture du Te Deum, dans une des orchestrations les plus riches (Lalande a beaucoup révisé son œuvre, la version d’hier soir était une version de 1715), avec une timbale très présente, des piccolos, et, de manière générale, une part importante accordée aux vents.

Bien que nous ayant délivré de très beaux motets en première partie, en offrant un grand équilibre entre l’orchestre, le choeur et les chanteurs, c’est cependant avec ce Te Deum que Vincent Dumestre fait passer la soirée de belle à excellente. Il trouve avec son ensemble, le Poème Harmonique, la limite entre la foi et le romantisme. Son interprétation est toujours très habitée, sans jamais tomber dans l’excès ; elle est riche et colorée, très ornementée, sans être exacerbée ou criarde ; elle émeut sans gémir. Avec ce petit surplus de grandiose, et de grandiloquent, on est quand même à la cour !
Le choeur Aedes, à l’image de l’orchestre, est dans la même recherche d’habitation mesurée de la musique. Si l’enthousiasme orchestral du début du Te Deum l’oblige un peu à sortir de sa zone de confort et à être un peu moins précis, ailleurs il délivre une prestation remarquable.

Parmi les solistes, on retiendra notamment Cyril Auvity, tellement plus à son aise lorsqu’il chante dans sa zone de confort que dans la récente Alcione où sa belle incarnation était entâchée de difficultés dans l’aigu. Ici, la voix est solide et délivre de merveilleux moments, notamment dans le Magnificat a capella, ou dans les « Aeterna fac cum sanctis » et « Salvum fac populum tuum » du Te Deum (avec une très belle ornementation).
À ses côtés, le haute-contre Sean Clayton délivre un chant musical mais à l’émission un peu faible dans certains ensembles, et au timbre moins flatteur que ses confrères. Ses duos avec Auvity le révèlent et à deux, ils magnifient des moments comme le « Quam dulcis est cibus vitalis » du Deitatis Majestatem.
Emmanuelle de Negri, elle aussi, rayonne dans son chant, notamment dans le « Tu rex glorias, Christe ». La voix, très solide, n’est jamais forcée, et son timbre flatteur opère tout de suite. Moins flatteur est celui de sa conseur, Dagmar Saskova, qui délivre une prestation malgré tout de très belle qualité, notamment dans les duos de sopranos ou les trios soprano-soprano-haute contre.
Enfin, André Morsch apporte à cette distribution une voix de basse riche, au timbre particulièrement adapté à la musique baroque, et suffisamment agile pour faire les ornements nécessaires à une telle partition.

Une très belle soirée, avec un finale bissé, et qui donnera lieu à un enregistrement sur CD (au label alpha du Château de Versailles). Enregistrement plus que bienvenu : si la très belle interprétation de Christie (1991, Harmonia Mundi) permet d’entendre de jeunes Sandrine Piau, Véronique Gens, Jérôme Correas et Jean-Paul Fouchécourt, il ne s’agit pas de la même version du Te Deum. Et, si l’on cherche d'autres interprétations, il faut chercher du côté d’enregistrements édités par la BNF, et une version de 1961 de l’Orchestre Jean-François Paillard dirigé par Louis Martini... Lalande est en effet assez peu enregistré, si l’on excepte ses leçons de ténèbres, et, à en écouter la soirée d’hier, c’est bien dommage !

Nicolas Laillet

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