
Comme Bernard je n'ai pas été convaincu par la direction d'orchestre, brouillonne, hésitante. Le chef semblait ravi quand il avait ses grands thèmes et en délicatesse avec la partition dans tout le reste qui fait la richesse et la couleur de Tchaikovski. Et globalement l'ensemble manquait d'homogénéité et de travail en commun.
La première scène, par exemple, commence assez mal avec les deux jeunes filles qu'on est censé entendre au loin chanter une chanson populaire tandis qu'au premier plan Madame Larina et Niania se remémorent leur propre jeunesse, de filles mariées tôt sans avoir eu leur mot à dire. Comme les quatre protagonistes sont au premier plan de la scène, le duo des deux jeunes filles (et la voix opulente de Netrebko) couvre allègrement les voix qui peinent à franchir l'orchestre des deux autres artistes. L'effet est assez désastreux, entrée ratée pour moi.
Le deuxième ratage qui sent également l'absence de travail en commun, c'est le quatuor des deux jeunes gens et deux jeunes filles à la fin du premier tableau de l'acte 1, un très beau morceau, mal calé où les chanteurs ne sont pas en interaction les uns avec les autres.
Ce sont les deux seuls "ensembles" de l'opéra, le reste relève des choeurs, des solos ou des duos 'dialogue" et nécessitent moins de travail de préparation musicale. Mais cet à-peu-près ne m'a pas paru digne d'une Première de l'ONP.
Concernant la mise en scène, c'est carrément le vide absolu. Je l'avais déjà vue il y a quelques années et je n'avais gardé le souvenir d'aussi peu de direction d'acteurs, d'aussi peu d'idées illustrant le livret, d'autant, là aussi, de laisser aller dans la représentation de cet opéra qui n'est pourtant guère compliqué à mette en scène... Je pense que tous les chanteurs ont été gênés par ce vide, leur demandant en gros de se placer à un endroit précis, d'en bouger le moins possible, d'avoir peu d'élans les uns envers les autres. J'ai l'impression en plus que cela ne facilitait pas le bon rendu des voix, une forte réverbération rendant souvent les voix des mezzos difficiles à entendre correctement et harmonieusement.
J'ai bien aimé la plupart des artistes, une fois ces réserves faites : Pavel Černoch est un bon Lenski sans en faire des tonnes, il campe bien son rôle et sa querelle avec Olga puis avec Onéguine est parfaitement crédible. J'ai été moins convaincue par son Kouda, Kouda, inégalement émouvant.
Elena Zaremba (Madame Larina) m'a posé de sérieux problèmes d'acoustique (voix enfermée dans la scène) mais ce n'était pas le cas pour tout le monde (emplacement ?).Hanna Schwarz est une Niania très émouvante, un peu écrasée, hélas, par la voix trop riche de la petite Tatiana...

Très beau Prince Grémine d'Alexander Tsymbalyuk, mais le rôle est court et l'air très beau.
Reste nos deux héros : ils ne tenaient certainement pas la forme qu'ils avaient ensemble au MET il y a un mois. Ils sont restés globalement en faible interaction l'un avec l'autre si on excepte le final où Mattéi s'est littéralement dégelé pour se jeter aux genoux de Netrebko. Pour le reste, la mise en scène et une probable méforme de Mattéi (qui s'entendait dans ses aigus lors du final), m'a semblé empêcher le fort relationnel qu'ils avaient eu dans le même opéra très récemment.
Anna Netrebko est une Tania de luxe. Le timbre est très beau, la voix est superbe, opulente et capable de beaucoup de nuances. Mais en mode forte, je la trouve vraiment trop volumineuse et parfois à la limite du supportable, en mode piano par contre, elle garde une beauté insolente. Alors oui c'est bien, elle vaut le déplacement (pas trop loin quand même

Belle ovation du public (mais enfin, comme d'habitude, la moitié était déjà debout et se barrait bien avant que les lumières se rallument...)