Purcell - Dido and Æneas - Van Waas/Roussat&Lubeck - Liège - 05/2017

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Purcell - Dido and Æneas - Van Waas/Roussat&Lubeck - Liège - 05/2017

Message par Adalbéron » 08 mai 2017, 13:27

Henri Purcell — Dido and Æneas
Opéra en trois actes
Livret de Nahum Tate d’après
sa tragédie Brutus of Alba, tirée
de l’Énéide de Virgile, livre IV
Création probable : décembre 1689
Pensionnat de jeunes-filles de Chelsea



Direction musicale Guy VAN WAAS
Mise en scène, décors, costumes & chorégraphie
Cécile ROUSSAT et Julien LUBEK
Lumières Marc GINGOLD
Chef des Chœurs Thibaut LENAERTS

Dido Roberta INVERNIZZI *
Æneas Benoit ARNOULD *
Belinda Katherine CROMPTON *
Sorceress and Sailor Carlo ALLEMANO *
Second woman Jenny DAVIET *
First witch Caroline MENG *
Second witch Benedetta MAZZUCATO *

Danseurs Sayaka KASUYA, Sarasa MATSUMOTO
Acrobates Edwin CONDETTE, Tarzana FOURES,
Mélanie MALET, Adèle ALAGUETTE, Antoine HELOU,
Ahmed SAID

Spirit Kamil BEN HSAIN LACHIRI
Doublure "Spirit" Rudy GODDIN

Ensemble Les Agrémens
Chœur de Chambre de Namur


Production Opéra de Rouen Haute-Normandie (donnée en 2014)

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Ville de Namur,
de la Province de Namur et du Port autonome de Namur.

* Première fois à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège


Image
© Opéra Royal de Wallonie

« No trouble, no trouble in thy breast »

Dido & Æneas est considéré comme le seul véritable « opéra » de Purcell, au sens moderne du terme, car ses autres compositions dramatiques destinées à la voix comportent également des parties parlées (The Fairy Queen, King Arthur, Dioclesian), ce qui n’est aucunement le cas de Dido & Æneas. Pour beaucoup de spécialistes cependant, l’œuvre doit encore beaucoup au modèle du masque, genre qui fut très à la mode dans l’Angleterre de la fin du du XVIIe siècle où tous les arts scéniques étaient mêlés, de la danse au chant, en passant par la pyrotechnie et les machines. La suite musicale présentée en introduction à l’œuvre, Abdelazer ou la Revanche du Maure, fait d’ailleurs échos à cette tradition esthétique, puisqu’il s’agit d’une musique de scène écrite par Purcell pour la pièce homonyme de la dramaturge Aphra Behn (un air pour soprano avait même été écrit par Purcell pour l’occasion).

Image
© Opéra Royal de Wallonie

La production présentée à l’Opéra Royal de Wallonie, déjà plusieurs fois montrée à Rouen et à Versailles et déjà chroniquée sur ODB, est mise en scène par Cécile Roussat et Julien Lubeck. Ces deux artistes polyvalents (ils ont été élèves à l’École Charles Dullin, au Cours Florent, au Centre National des Arts du Cirque, se sont formés à la danse contemporaine, à l’acrobatie, à l’art de la marionnette et à la magie) signent également les décors, les costumes et la chorégraphie de cette production. Le binôme semble avoir justement pris le parti de renouer avec l’esthétique du masque en proposant un spectacle polymorphe mêlant chant, danse, acrobatie et magie ; des chanteuses sont même invitées à danser et une danseuse à jouer du violoncelle. Les deux artistes n’hésitent pas également, fidèles à la pensée baroque, à exhiber l’artificialité de tout le dispositif scénique : on voit que les rochers sont fait de carton pâte, la mer est figurée par de longs tissus tendus sur le sol et remués par une soufflerie ou ondulés par des mains agiles, le sang du poisson percé de coups par Énée au deuxième acte jaillit en confettis rouges étincelants… Cécile Roussat et Julien Lubeck indiquent avoir souhaité mettre en avant « la portée symbolique des éléments naturels et divins qui entourent ces deux héros mythologiques », et c’est « la mer qui constituera la matrice de l’action […], messagère, maternelle ou guerrière ; havre de paix ou abysse de tourment ». Le très beau tableau final se conclut ainsi sur le déroulement de la robe de Didon, dont le tissu tendu aux deux extrémités des coulisses devient la représentation de la mer, dans laquelle la reine carthaginoise disparait finalement, tandis que brillent derrière elle une constellation d’étoiles, rappelant l’apothéose réservée par les dieux à beaucoup de héros malheureux. Si ce tableau final est très réussi, ce n’est pas toujours le cas d'autres scènes de l’opéra où le drame semble parfois « flotter » : on reste déçu par certains « creux » laissés dans la trame narrative qui devrait pourtant conduire le drame vers son terme fatal, ou bien l'on a été extrait de l’émerveillement éphémèrement installé, par exemple à la vue des danseuses désynchronisées et peu exigeantes techniquement.

Image
© Opéra Royal de Wallonie

Musicalement, on semble avoir assisté à ce qu’on appelle une soirée « sans », même si la déception globale est tempérée par certains beaux moments. La soprano italienne Roberta Invernizzi campe une fière Didon, mais dont la voix manque très souvent de couleur et de tenue ; le chant est tout au long de la soirée très peu nuancé, excepté dans le lamento final, où la chanteuse montre ses plus belles qualités. Benoît Arnoult est un Énée séduisant mais qui, lui aussi, nuance très peu son chant, forçant sa voix peu large mais n’imposant pas pour autant la superbe qui siérait au prince troyen. C’est bien dommage, car le timbre ne manque pas de charme. Katherine Crompton, à la voix peu assurée en début de représentation, parvient par la suite à donner à voir et entendre une honorable Belinda. L’Enchanteresse est ici chantée par un baryton, l’italien Carlo Allemano : si l’artiste fait montre d’un bel abattage technique, le chant manque singulièrement de mordant. Jenny Daviet est en Suivante d’une très grande délicatesse, son timbre fruité servant un chant ravissant. Caroline Meng en Première Sorcière est celle qui tire le plus son épingle du jeu, avec une voix bien projetée et de magnifiques graves poitrinés. Sa comparse Benedetta Mazzucato est moins exaltante. Oserait-on dire que le plus bel instant de la soirée fut l’intervention de l’Esprit à l’acte III ? Kamil Ben Hsain Lachiri, membre du Chœur de Chambre de Namur, est en effet doté d’un superbe timbre et a su, bien que sa partie soit d’une (trop) grande brièveté et chantée depuis les coulisses, moduler et nuancer son chant à la perfection.
Il faut dire que le Chœur de Chambre de Namur soumet des interventions remarquables de musicalité et d'intelligence : on n'a jamais été aussi attentif aux parties chorales de Dido & Æneas, tant à la musique qu'au texte. Bravo à eux.
La direction de Guy Van Waas manquait quelque peu de mordant, d’urgence, d’aspérités, principalement de consistance. Il faut dire que le continuo était écrasé par un trop grand nombre de violons, ce qui créait à l’oreille un certain déséquilibre chromatique. Les Agrémens sont cependant un très bel ensemble instrumental et les applaudissements nourris que leur a réservé le public de l'Opéra de Liège furent amplement mérités.

Clément Mariage
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
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Re: Purcell - Dido and Æneas - Van Waas/Roussat&Lubeck - Liège - 05/2017

Message par nugava » 09 mai 2017, 23:03

Ça fait du bien de sortir du 19è siècle. Surtout quand c'est mis en scène avec une telle grâce. C'est la première fois que je voyais (et entendais) cet opéra. La mort de Didon et le chœur final... Ça m'a retourné. Le travail du chœur de Namur est magnifique.

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Re: Purcell - Dido and Æneas - Van Waas/Roussat&Lubeck - Liège - 05/2017

Message par Adalbéron » 17 mai 2017, 10:42

J'ai publié ma critique en tête de ce petit fil, avec de belles photographies.
Navré pour le retard.
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Re: Purcell - Dido and Æneas - Van Waas/Roussat&Lubeck - Liège - 05/2017

Message par Stefano P » 17 mai 2017, 12:25

Adalbéron a écrit :
08 mai 2017, 13:27
L’Enchanteresse est ici chantée par un baryton, l’italien Carlo Allemano
Au début, c'est plutôt un contre-ténor qui était prévu, mais il a finalement été engagé ailleurs pour chanter Rigoletto... :eyes:

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Re: Purcell - Dido and Æneas - Van Waas/Roussat&Lubeck - Liège - 05/2017

Message par Adalbéron » 17 mai 2017, 16:47

Stefano P a écrit :
17 mai 2017, 12:25
Adalbéron a écrit :
08 mai 2017, 13:27
L’Enchanteresse est ici chantée par un baryton, l’italien Carlo Allemano
Au début, c'est plutôt un contre-ténor qui était prévu, mais il a finalement été engagé ailleurs pour chanter Rigoletto... :eyes:
J'imagine que c'est une petite blague, mais il faut rappeler que l'opéra baroque est beaucoup moins tatillon sur les changements de genre des chanteurs que les romantiques ou les rimskistes :wink:. Il faut une voix grave pour l'Enchanteresse : mezzo, contre-ténor ou baryton, on a peu près tout dans la discographie.
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