Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

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Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par dge » 28 avr. 2017, 21:03

Mozart – Cosi fan tutte
Opéra bouffe en deux actes sur un livret de Lorenzo da Ponte
Crée à Vienne, Burgtheater le 26 janvier 1790

Direction musicale : Hartmut Haenchen
Mise en scène : David Bösch
Décors : Falko Herold
Costumes : Bettina Walter
Lumières : Michael Bauer

Fiordiligi : Veronika Dzhioeva
Dorabella : Alexandra Kadurina
Guglielmo : Vittorio Prato
Ferrando : Steve Davislim
Despina : Monica Bacelli
Don Alfonso : Laurent Naouri

Chœur du Grand Théâtre
Direction : Alan Woodbridge

Orchestre de la Suisse Romande


Représentation du 2 mai 2017

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Des trois opéras que Mozart a composés sur un livret de da Ponte, Cosi fan tutte est celui qui a mis le plus de temps à s’installer au répertoire, la faute semble t-il à un livret que beaucoup d’analystes au XIXème siècle jugeaient indigne de Mozart. Le livret n’était pris qu’au premier degré de ses invraisemblances et était surtout jugé trop frivole voire grivois alors que le deuxième titre de l’ouvrage, L’école des amants aurait dû ouvrir d’autres perspectives. Il n’est pas jusqu’à Wagner de déclarer cet opéra non viable sur scène. L’œuvre subit aussi quelques forfaitures qui voyaient la musique récupérée pour l’adapter sur un autre livret. Ce n’est qu’au milieu du XXème siècle que l’ouvrage est sorti de son anonymat, la libération des mœurs permettant des lectures plus « audacieuses ». Aujourd’hui Cosi a repris toute sa place dans le corpus opératique de Mozart, tant par ses qualités musicales (opéra de l’île déserte pour Ricardo Muti) que pour les interprétations plus ou moins introspectives sur l’amour et la fidélité qu’il peut susciter avec des bonheurs divers, l’une des plus séduisantes étant celle proposée par Michael Hanecke à Madrid.

Il n’y a rien ou presque de ces introspections dans la lecture que nous propose David Bösch qui ne cherche pas à sonder le livret et ne retient que la partie comique de l’intrigue la tirant même souvent vers la comédie de boulevard. Pari parfaitement réussi tant la mise en scène est enlevée et cohérente dans sa globalité.

L’action est située à la fin des années 50 comme le suggèrent les costumes de Bettina Walter servant à merveille les excentricités des personnages. Le décor imposant dû à Falko Herold occupe toute la largeur du plateau : sur une face un bar tenu par Don Alfonso et sa serveuse Despina, avec plusieurs centaines de bouteilles disposées sur les étagères, un juke-box, un babyfoot, un jeu de fléchettes ; sur l’autre face la chambre des deux sœurs. L’ensemble tourne sur lui-même mais l’essentiel de l’action se déroule au bistrot, lieu propice aux rencontres et aux paris stupides. L’espace chambre est curieusement peu utilisé mais permet d’attester la consommation de la relation entre Fiordiligi et Ferrando d’une part, Dorabella et Guglielmo d’autre part lorsqu’ils poussent enlacés la porte du bar au deuxième acte.

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Ferrando et Guglielmo sont des loubards désœuvrés qui après leur pari avec Don Alfonso reviendront déguisés en rockers, micro et ampli portatif à l’appui. Dans cet espace réduit, faisant fi des invraisemblances du livret, David Bösch entraîne ses personnages dans un tourbillon qui ne s’arrête jamais avec une grande inventivité de gags parfois un peu potaches voire grivois. On fume, on boit, on se paluche, on met des glaçons dans les corsages des femmes, et on remet même sa petite culotte abandonnée sur le parquet par l’un des amants en guise de trophée pour signer sa victoire. La direction d’acteurs est bien sûr d’une grande précision et la mécanique fonctionne parfaitement en particulier au premier acte. Lors de la scène finale, David Bösch joue parfaitement l’ambivalence de la situation : les anciens couples se reforment comme le suggère le livret mais avec une distance et un désenchantement qui laissent peu d’espoir sur leur pérennité. D’ailleurs au rideau final Fiordiligi viendra saluer avec Ferrando, Dorabella avec Guglielmo, ce qui est sans doute une manière pour le metteur en scène d’écrire le prolongement de l’histoire.

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La distribution est très homogène et ce sont véritablement six chanteurs-acteurs qui sont réunis et s’engagent avec une délectation évidente dans ce parti pris de mise en scène. A aucun moment le rythme imposé ne faiblit.
La soprano sud-ossétienne Veronika Dzhioeva possède des moyens imposants. Son soprano dramatique est superbement projeté, le grave est profond, l’aigu facile et sa Fiordiligi ne manque pas d’allure. Mais il lui manque, pour ce répertoire, la capacité d’alléger et de nuancer un peu plus, en particulier dans Per pietà, ben mio, perdona…qualités si importantes pour trouver le style mozartien. C’est avec intérêt qu’on aimerait l’entendre dans d’autres répertoires où ses moyens pourraient s’exprimer plus naturellement.
Alexandra Kadurina est une Dorabella pleine de charme, piquante et délurée. La mezzo ukrainienne possède un beau timbre clair et une belle technique et malgré quelques duretés compose un personnage attachant auquel il est bien difficile de résister.
Malheureusement annoncé souffrant, Steve Davislim (Ferrando) montre quand même l’étendue de ses moyens et son affinité pour ce répertoire. Un’aura amorosa est donné avec infiniment de lyrisme et de nuances et il est dommage que son indisposition altère un peu la souplesse de sa ligne de chant. Il trouve en Vittorio Prato (Guglielmo) un partenaire à l’abattage impressionnant, avec une voix claire souple.
En Don Alfonso devenu barman Laurent Naouri trouve un rôle à la mesure de ses talents d’acteurs. A la fois manipulateur et désabusé il impressionne par son incarnation du personnage tout en apportant le plus grand soin au phrasé. Il trouve dans la Despina de Monica Bacelli une exceptionnelle alliée, loin des soubrettes légères que l’on distribue parfois. Que ce soit pour son personnage propre ou pour ses avatars quand elle se déguise en médecin puis en notaire la mezzo italienne impressionne par sa composition scénique et la qualité de son chant. Son dynamisme et son charisme ajoutent si besoin était une dose de folie supplémentaire aux péripéties de la comédie.

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Après ses remarquables lectures de Tristan et d’Elektra il y a quelques semaines dans la fosse de l’Opéra de Lyon, la direction de Hartmut Haenchen parait bien sage. Il n’y a rien d’indigne mais il manque un peu de vivacité et de jaillissements et une palette de couleurs plus variée. L’Orchestre de la Suisse Romande montre l’excellence de ses pupitres, en particulier les bois.

Beau succès au rideau final de la part d’un public qui s’est bien amusé.




Gérard Ferrand

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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par dge » 06 mai 2017, 13:01

CR publié ci-dessus

Stefano P

Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par Stefano P » 06 mai 2017, 13:20

dge a écrit :
28 avr. 2017, 21:03
On fume, on boit, on se paluche, on met des glaçons dans les corsages des femmes, et on remet même sa petite culotte abandonnée sur le parquet par l’un des amants en guise de trophée pour signer sa victoire.
Finalement, on en arrive au point où une critique de Cosi fan tutte pourrait être reprise mot pour mot pour celle d'un film de Max Pécas...

(L'affiche est en effet redondante, je la supprime.)

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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par dge » 06 mai 2017, 13:43

C'est un peu limite troll...
Mais ce n'est que mon avis.

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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par Adalbéron » 06 mai 2017, 14:05

Surtout, quel historien du XVIIIe faut-il avoir lu pour croire qu'on vivait au XVIIIe comme dans l'Angleterre victorienne ?
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth

Stefano P

Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par Stefano P » 06 mai 2017, 14:15

Adalbéron a écrit :
06 mai 2017, 14:05
Surtout, quel historien du XVIIIe faut-il avoir lu pour croire qu'on vivait au XVIIIe comme dans l'Angleterre victorienne ?
Là, franchement, je ne vois pas le rapport avec la critique de notre ami ; il ne parle pas du tout de cela me semble-t-il...

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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par Adalbéron » 06 mai 2017, 14:28

Stefano P a écrit :
06 mai 2017, 14:15
Adalbéron a écrit :
06 mai 2017, 14:05
Surtout, quel historien du XVIIIe faut-il avoir lu pour croire qu'on vivait au XVIIIe comme dans l'Angleterre victorienne ?
Là, franchement, je ne vois pas le rapport avec la critique de notre ami ; il ne parle pas du tout de cela me semble-t-il...
Non je parlais de ta remarque qui semble considérer que Cosi doit être d'une pureté morale absolue.
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth

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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par Stefano P » 06 mai 2017, 14:41

Adalbéron a écrit :
06 mai 2017, 14:28
Non je parlais de ta remarque qui semble considérer que Cosi doit être d'une pureté morale absolue.
Ah bon, parce que le seul choix pour une mise en scène de Cosi, c'est entre le vaudeville, la gaudriole ou la "pureté morale absolue" ? L'inconstance et le libertinage, c'est les claques sur le derrière, les glaçons dans le corsage et les culottes qui traînent ? Feydeau et Neuf semaines et demi, en quelque sorte ? Pour le coup, ce serait à moi de te demander chez quel historien du XVIIIe tu as puisé une vision aussi manichéenne...

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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par Adalbéron » 06 mai 2017, 15:44

Stefano P a écrit :
06 mai 2017, 14:41
Adalbéron a écrit :
06 mai 2017, 14:28
Non je parlais de ta remarque qui semble considérer que Cosi doit être d'une pureté morale absolue.
Ah bon, parce que le seul choix pour une mise en scène de Cosi, c'est entre le vaudeville, la gaudriole ou la "pureté morale absolue" ? L'inconstance et le libertinage, c'est les claques sur le derrière, les glaçons dans le corsage et les culottes qui traînent ? Feydeau et Neuf semaines et demi, en quelque sorte ? Pour le coup, ce serait à moi de te demander chez quel historien du XVIIIe tu as puisé une vision aussi manichéenne...
Non, ne crois pas avoir une vision manichéenne de quoi que ce soit. :) Le libertinage, ça n'est pas que ça évidemment, tu as tout à fait raison, c'est aussi un esprit, des jeux spirituels, des taquineries plus délicates, mais il ne faut pas pour autant expurger cette dimension-là je crois, c'est le siècle du sensualisme et du matérialisme tout de même, on passe aisément du libertinage à la licence. Frears, en adaptant Les Liaisons dangereuses, a bien dû figurer explicitement les conditions d'écriture de la lettre écrite sur le dos d'une femme par Valmont, alors qu'il s'agit dans le texte d'un jeu littéraire. Chez Fragonard, les allusions au plaisir du corps sont plus ou moins subtiles.

C'est ton message en fait qui m'a agacé (parce que je ne suis évidemment pas pour faire un Cosi vaudeville, loin de là), avec l'affiche de film, dans lequel tu semblais sous-entendre que cette mise en scène - que je n'ai pas vue - faisait de Cosi une œuvre beauf et vulgaire, alors que ce qui est décrit ne me semble pas hors-sujet. C'est une lecture qu'on peut faire en toute légitimité (faut lire la correspondance de Mozart... :wink:)
J'aime bien lire Arlette Farge, elle a écrit un Essai pour une histoire des voix au XVIIIe, très bien écrit et très intéressant à parcourir. Mais c'est vrai qu'elle s'intéresse peu aux salons.
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eustochium
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Re: Mozart - Cosi fan tutte - Haenchen / Bösch - Genève-O4-05/2017

Message par eustochium » 12 mai 2017, 22:37

J'ai passé, une fois n'est pas coutume, une bonne soirée à l'Opéra des nations.
Certes, l’acoustique n'est pas des plus plaisantes, mais...
Exceptionnelles Fiordiligi (Veronika Dzhioeva) et Dorabella (Alexandra Kadurina). Ce "Come Scoglio"...
A coté, Guglielmo (Vittorio Prato) et Ferrando (Steve Davislim) tiennent difficilement la comparaison, en particulier Steve Savislim dont les aigus laissent à désirer (un aura amorosa...triste massacre).
J'ai trouvé Despina (Monica Bacelli) très inégale, Laurent Naouri (Don alfonso) magnifique (mais quelle présence sur scène !!!)
Le choeur très bon, comme à son habitude.
Il m'a semblé qu'il y a eu quelques imprécisions à l'orchestre, mais ce n'est pas ma spécialité.
J'ai apprécié la mise en scène, même si certains passages n'étaient pas forcément nécessaires (sans me faire crier au scandale non plus).
Mention spéciale pour les décors et les lumières. On n'était pas dans un simple éclairage, mais dans une atmosphère, quelque chose de très juste...

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