L'adéquation entre la musique et le texte n'est pas aussi renversante que chez Strauss, c'est évident.
Mais hier, j'ai été pris par la fureur dégagée par le plateau.
Lulu ne m'a jamais donné cette impression (je n'ai pas vu Die Soldaten, hélas)
Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
la mélodie est immorale
Nietzsche
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Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
C'est certes moins directement fort que chez Strauss.PlacidoCarrerotti a écrit : ↑27 avr. 2017, 10:37Je ne trouve pas que ce soit une offre forte justement. Comme Lulu, d'ailleurs. Leurs livrets sont puissants, très naturalistes, mais finalement, la musique n'est pas aussi crue, brutale. Bien avant Internet, j'avais été a priori fasciné en voyant des photos terrifiantes avec le tambour-major. Mais je n'ai rien retrouvé de tel dans la partition. J'y retourne de temps à autres, au prétexte d'une distribution exceptionnelle.
Dans son très beau texte posté par David, Mortier dit qu'elle fait peur, moi elle me fait chier: rien ne m'émeut.
J'ai été bien davantage bouleversé par Die Soldaten (mais il faut éviter de craquer devant les malheurs de l'autre Marie en se mettant à penser à ceux de Cunégonde dans Candide). Quant à Lear, ça m'a juste horrifié (et le grotesque du livret est traité trop sérieusement).
En ce sens, c'est peut-être beaucoup plus troublant, parce que tout est mené sur le mode d'une ironique désillusion. C'est plus amer, plus acerbe, plus cinglant (c'est ce qui fait de Wozzeck une oeuvre expressionniste post-Grande Guerre typique sans doute). J'ai du mal à comprendre en quoi ça serait moins cru que Strauss notamment. Chez Strauss, tout est sublimé, c'est fastueux, grandiose (mais oui, un grandiose qui brinquebale). Le contexte socio-culturel dans lequel se déroule les drames des oeuvres n'est pas du tout le même également. D'un côté, on est chez les princes antique, de l'autre chez le "petit peuple" du XIXe.
Par exemple : ce qui se passe à l'orchestre après la mort de Marie (scène 2/3 de l'acte III), c'est ce qu'il y a de plus directement saisissant, c'est très efficace dramatiquement, jusqu'à être insupportable. Ça ne t'impressionne pas du tout ça ?
Lear c'était tonitruant pourtant...
J'ai hâte de découvrir Die Soldaten...
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth
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Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
Pareil : Wozzeck me procure un plaisir intellectuel mais ne m'a jamais provoqué la moindre émotion et il y a des tunnels où je m'ennuie. Pourtant je l'ai toujours vu dans des conditions exceptionnelles, tant scéniquement que vocalement.PlacidoCarrerotti a écrit : ↑27 avr. 2017, 10:37Je ne trouve pas que ce soit une offre forte justement. Comme Lulu, d'ailleurs. Leurs livrets sont puissants, très naturalistes, mais finalement, la musique n'est pas aussi crue, brutale. Bien avant Internet, j'avais été a priori fasciné en voyant des photos terrifiantes avec le tambour-major. Mais je n'ai rien retrouvé de tel dans la partition. J'y retourne de temps à autres, au prétexte d'une distribution exceptionnelle.
Dans son très beau texte posté par David, Mortier dit qu'elle fait peur, moi elle me fait chier: rien ne m'émeut.
Lulu c'est différent : pour moi c'est un vaudeville (ce qu'avait d'ailleurs très bien fait ressortir la production du Châtelet dans les années 90) et je ne me lasse jamais de son côté comédie acide très cabaret des années 30. Par ailleurs, le milieu du 2e acte, avec ces "Oh Freiiii....heiiiit....." époumonés dans l'aigu par Lulu sur un sublime crescendo lyrique à l'orchestre, quasi Straussien, ça me fait fondre à chaque fois.
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Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
Wozzeck est une œuvre émotionnellement extrêmement puissante qui me bouleverse chaque fois, qui m'obsède, et dont je ne me lasse jamais avec ou sans partition.
Il suffit d'entendre l'enregistrement de Böhm, ou l'interprétation étonnamment incisive de Salonen ( en VC au TCE avec Philharmonia en 09 ) pour s'en convaincre.
C'est LA musique expressionniste presque saignante avec Erwartung de Schönberg.
Il ne s'agit pas d'expressionnisme post Grande Guerre, parce que ça n'a rien à voir avec la neue Sachlichkeit à la Hindemith qui est à la fois l'issue et la réaction par rapport à l'expressionnisme d'avant la Grande Guerre.
Elektra est aussi la musique expressionniste, mais il y a également le côté luxuriance à l'Art Nouveau.
Effectivement Lulu s'écarte déjà de l'expressionnisme proprement dit pour s'approcher discrètement de l'esthétique de cabaret de neo-classicisme à la Stravinski ou Poulenc.
Die Soldaten sont une œuvre forte neo-expressionniste que fait la collision des éléments hétérogènes.
Die Soldaten sont foisonnants alors que Wozzeck est concentré.
Zimmermann est expressionniste post-moderne, et dans ce sens héritier de Mahler.
Pour moi Wozzeck est la musique la plus forte.
Il suffit d'entendre l'enregistrement de Böhm, ou l'interprétation étonnamment incisive de Salonen ( en VC au TCE avec Philharmonia en 09 ) pour s'en convaincre.
C'est LA musique expressionniste presque saignante avec Erwartung de Schönberg.
Il ne s'agit pas d'expressionnisme post Grande Guerre, parce que ça n'a rien à voir avec la neue Sachlichkeit à la Hindemith qui est à la fois l'issue et la réaction par rapport à l'expressionnisme d'avant la Grande Guerre.
Elektra est aussi la musique expressionniste, mais il y a également le côté luxuriance à l'Art Nouveau.
Effectivement Lulu s'écarte déjà de l'expressionnisme proprement dit pour s'approcher discrètement de l'esthétique de cabaret de neo-classicisme à la Stravinski ou Poulenc.
Die Soldaten sont une œuvre forte neo-expressionniste que fait la collision des éléments hétérogènes.
Die Soldaten sont foisonnants alors que Wozzeck est concentré.
Zimmermann est expressionniste post-moderne, et dans ce sens héritier de Mahler.
Pour moi Wozzeck est la musique la plus forte.
- lionrougeetblanc
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Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
En parcourant le fil je remarque que rien n'est dit de la prestation du jeune baryton Mikhail Timoshenko, découvert dans le film récent de Jean-Stéphane Bron, Opéra ... , qui était dans Wozzeck et sera dans Rigoletto.
Une courte séquence du magazine de l'ONP lui est consacrée :
https://www.operadeparis.fr/magazine/mi ... &utm_term=_
Une courte séquence du magazine de l'ONP lui est consacrée :
https://www.operadeparis.fr/magazine/mi ... &utm_term=_
Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
l'ONP brade,
pour les abonnés : 1 place achetée = 1 place offerte
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Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra
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Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
Il faut dire qu'hier soir, la salle était vraiment à moitié vide...
Pourtant, c'est toujours aussi exceptionnel, d'une homogénéité rare.
Si je n'arrive toujours pas à comprendre certains choix de Marthaler, la mise en scène m'a fait beaucoup plus d'effets hier soir, d'autant plus que j'ai remarqué plein de détails que je n'avais pas vu à la première. Je crois qu'il ne faut pas chercher un sens précis à cette transposition : c'est l'atmosphère ici qui compte, l'effet, l'impression sur le spectateur ; toutes ces répétitions obsessionnelles (Wozzeck et les chaussures des enfants, le pianiste et sa lumière, le Docteur et les toilettes), les positions stationnaires (le Fou reste assis du début jusqu'à son intervention, le pianiste jusqu'à la scène 3 du III, le Tambour Major reste aussi immobile pendant l'acte I, un enfant pris de convulsion reste pendant une scène derrière la tente, les enfants récitent ensemble face public leur texte à la fin), créent l'impression d'une vaste machinerie dégénérée, font naître un malaise qui rend cette heure et demie beaucoup plus forte encore.
Tous les chanteurs sont formidables, investis comme rarement, et la direction d'orchestre est absolument admirable !
Oui c'était un vrai plaisir de l'entendre et de le voir après avoir vu le film ! Ce qu'il fait est très bien, très sensible, il a un très beau timbre, mais il est un peu sous-dimensionné pour cette œuvre à Bastille.lionrougeetblanc a écrit : ↑03 mai 2017, 06:58En parcourant le fil je remarque que rien n'est dit de la prestation du jeune baryton Mikhail Timoshenko, découvert dans le film récent de Jean-Stéphane Bron, Opéra ... , qui était dans Wozzeck et sera dans Rigoletto.
Une courte séquence du magazine de l'ONP lui est consacrée :
https://www.operadeparis.fr/magazine/mi ... &utm_term=_
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Re: Berg - Wozzeck - Schønwandt/Marthaler - ONP - 04-05/2017
Je suis d'accord avec ta phrase de conclusion, mais c'est peut-être justement à cause de sa force, sa densité, son "coup de poing" que je ne peux voir ou entendre cet opéra qu'à très petite dose !Verdiprati a écrit : ↑28 avr. 2017, 02:52Wozzeck est une œuvre émotionnellement extrêmement puissante qui me bouleverse chaque fois, qui m'obsède, et dont je ne me lasse jamais avec ou sans partition.
Il suffit d'entendre l'enregistrement de Böhm, ou l'interprétation étonnamment incisive de Salonen ( en VC au TCE avec Philharmonia en 09 ) pour s'en convaincre.
C'est LA musique expressionniste presque saignante avec Erwartung de Schönberg.
Il ne s'agit pas d'expressionnisme post Grande Guerre, parce que ça n'a rien à voir avec la neue Sachlichkeit à la Hindemith qui est à la fois l'issue et la réaction par rapport à l'expressionnisme d'avant la Grande Guerre.
Elektra est aussi la musique expressionniste, mais il y a également le côté luxuriance à l'Art Nouveau.
Effectivement Lulu s'écarte déjà de l'expressionnisme proprement dit pour s'approcher discrètement de l'esthétique de cabaret de neo-classicisme à la Stravinski ou Poulenc.
Die Soldaten sont une œuvre forte neo-expressionniste que fait la collision des éléments hétérogènes.
Die Soldaten sont foisonnants alors que Wozzeck est concentré.
Zimmermann est expressionniste post-moderne, et dans ce sens héritier de Mahler.
Pour moi Wozzeck est la musique la plus forte.