Bach : Passion selon StJean-Cappella Amsterdam/Orchestre du XVIIIème s./D.Reuss-Lyon/04/2017

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petitchoeur
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Bach : Passion selon StJean-Cappella Amsterdam/Orchestre du XVIIIème s./D.Reuss-Lyon/04/2017

Message par petitchoeur » 14 avr. 2017, 15:03

Jean-Sébastien Bach : PASSION SELON SAINT JEAN (BWV 245)


Thomas Walker : Évangéliste
Benoît Arnould :Jésus
Daniel Elgersma : contre-ténor
Stuart Jackson : ténor
André Morsch: basse

Cappella Amsterdam
Orchestre du XVIIIème Siècle

Daniel Reuss : direction


Chapelle de la Trinité à Lyon le 11 avril 2017.

« Oratorio spirituel que Bach traite à la façon d’un opéra sacré […] Le terrible récit des souffrances et de la mort du Christ lui tient trop à cœur pour ne pas chercher à frapper ses auditeurs par les moyens les plus éprouvés de la musique dramatique de son temps . Cette intensivité s’exprime en premier lieu dans les récitatifs de l’Evangéliste, d’une vigueur expressive exceptionnelle et d’une prodigieuse diversité. A lui d’assurer la narration des événements, laissant la place aux interventions de tous les acteurs du drame : Jésus en premier lieu, mais aussi Pilate, Pierre, la servante et les autres, de même que les gardes accompagnant Judas, la foule du peuple, des grands prêtres et des Juifs. Ainsi l’oratorio de la Passion représente-t-il aux oreilles de l’auditeur le drame par excellence, infiniment plus grandiose que ce que l’on joue d’ordinaire sur les scènes de l’époque […] C’est la musique qui se charge de mettre en scène le drame » Gilles Cantagrel in le programme du jour.
Dans la Passion selon Saint Jean, Bach respecte à la lettre le texte biblique qui est chanté par l’Evangéliste et commence son récit à l’arrestation de Jésus. Les commentaires sont réservés aux solistes (les airs sont peu nombreux) et au chœur qui joue le rôle des grands prêtres et de la foule. L’œuvre débute et s’achève par deux chœurs imposants. Le drame est présent dans toute l’œuvre par la longueur de la scène du jugement dans laquelle la foule intervient avec violence face à Jésus : « Crucifie-le», « Nous avons la loi », « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de César ». L’Evangéliste souligne l’action, comme à l’opéra, par une variété de tempi, de grands intervalles, des aiguës déchirants… Il multiplie les notes chantées sur un seul mot ou une seule syllabe pour souligner l’horreur et la douleur : Da nahm Pilatus Jesum und geisselte ihn (Alors Pilate prit Jésus et le flagella), Kreuzige, Kreuzige ! (Crucifie-le, crucifie-le !). Les moments les plus émouvants sont les vocalises qui accompagnent les pleurs de Pierre prenant conscience de sa trahison Da verleugnete Petrus abermal, und alsobald krähete der Hahn… (Alors Pierre nia à nouveau et, aussitôt, le coq chanta…) et le tremblement de terre provoquant le déchirement du voile du Temple Und siehe da, der Vorhang im tempel… (Regardez, le rideau du Temple…). Deux épisodes qui ne sont pas dans l’Evangile de Jean mais sont tirés de celui de Matthieu. Thomas Walker est un Evangéliste qui vit totalement ce récit grandiose : possédant une grande maîtrise technique il est souvent bouleversant. Benoît Arnould, le Christ, en contraste, intervient avec beaucoup de simplicité, doté d’une voix au timbre soyeux et velouté. Daniël Elgersma, contre-ténor à la voix puissante, est émouvant dans le magnifique air d’alto de la première partie Von den Stricken meiner Sünden… (Pour me délier des liens de mes péchés...) soutenu par les hautbois de Frank de Bruine et d’Alayne Leslie d’une beauté poignante et dans l’aria Es ist vollbracht ! (Tout est accompli !) en une symbiose magique avec la viole de gambe de Rainer Zipperling. André Morsh, basse, au timbre majestueux, nous retourne l’âme dans l’arioso de la deuxième partie Betrachte, meine Seel… (Mon âme…) accompagné par les violes d’amour d’Emilio Moreno et de Marten Boeken et dans ses deux autres airs. Carolyn Sampson, soprane, pleine de désarroi et de tristesse, est en harmonie avec les flûtes de Michael Schmidt-Casdorff et de Ricardo Kanji dans l’arioso Mein Herze… (Mon cœur…). Le ténor Stuart Jackson nous plonge dans le drame dans son air de la première partie Ach, mein Sinn… (Hélas, mon esprit…) et dans l’aria Erwäge, wie sein blutgefärber Rücken… (Vois comme son dos tâché de sang…) accompagné des violes d’amour, de la viole de gambe et du théorbe de Mike Fentross.
La Cappella Amsterdam est un acteur essentiel de cette tragédie, extatique dans les deux chœurs d’entrée et de fin, d’une violence barbare dans le procès de Jésus et d’une grande ferveur dans les chorals, beaux moments de respiration et de sérénité religieuse. Daniel Reuss dirige cet ensemble depuis 1990 avec une économie de moyens qui dénote une vielle connivence avec ses choristes. Sans geste superflu, il laisse une autonomie complète au soliste quand il est accompagné du seul continuo (au violoncelle Albert Brüggen est remarquable). Il a sous sa baguette l’Orchestre du XVIIIème siècle, expert dans ce répertoire, dont la plupart des membres recrutés par Frans Brüggen en 1981, son fondateur décédé en 2014, sont toujours présents.
Phalange talentueuse, chœur somptueux, solistes magnifiques: chacun peut rentrer chez soi avec à l’esprit les paroles du dernier choral annonciateur de la Résurrection: Reposez en paix, désormais je ne pleure plus.

Pierre Tricou

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