Tchaïkovski - La Pucelle d’Orléans - Jurowski/vc - Genève - 4/2017

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petitchoeur
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Tchaïkovski - La Pucelle d’Orléans - Jurowski/vc - Genève - 4/2017

Message par petitchoeur » 12 avr. 2017, 19:42

Piotr Illitch Tchaïkovski :La Pucelle d’Orléans (Orleanskaya Deva).

Opéra en 4 actes & 6 tableaux.
Livret du compositeur, d’après diverses œuvres dont Die Jungfrau von Orleans de Friedrich Schiller.
Créé le 25 février 1881 au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg.
Version de concert en coproduction avec l’Orchestre de la Suisse Romande


Direction musicale: Dmitri Jurowski

Jeanne d’Arc: Ksenia Dudnikova
Charles VII: Migran Agadzhanyan*
Agnès Sorel: Mary Feminear*
Dunois: Roman Burdenko
Lionel: Boris Pinkhasovich
L'archevêque: Marek Kalbus
Raymond: Boris Stepanov
Thibaut: Alexey Tikhomirov
Bertrand: Alexander Milev*
Loré: Peter Baekeun Cho
Un soldat: Aleksandar Chaveev
Une voix d'ange: Iulia Elena Preda

Chœur du Grand Théâtre
Direction: Alan Woodbridge
Orchestre de la Suisse Romande

*Membre de la Troupe des Jeunes solistes en résidence
Version de concert en coproduction avec l’Orchestre
de la Suisse Romande



Au Victoria Hall à Genève le 10 avril 2017.

La Pucelle d’Orléans, créée le 25 février 1881 (selon Piotr Kaminski in Mille et un opéras, Fayard, Paris 2003 ou le 13 février de la même année selon André Lischke dans le programme du jour), est fort mal reçue par la presse : « Il y a beaucoup de passages creux et ennuyeux », « La Pucelle d’Orléans est un ouvrage faible d’un compositeur de talent »…Tchaïkovski en fut fort affecté. Il procéda à plusieurs retouches pour Prague (1882) où La Pucelle fut bien accueillie par le public et pour Saint Petersbourg (1884), dernière production russe du temps du vivant du compositeur. La Pucelle ne sera montée au Bolchoï qu’en 1992 et Il faut attendre 1976 pour que l’œuvre soit enfin créée en France en vc par Radio-France avec Elena Arkhipova et 1998 en version scénique à Strasbourg. Le Bolchoï en tournée vient d’en offrir aux publics toulousain le 15 mars et parisien, à la Philharmonie, le 17 mars 2017 une version de concert particulièrement brillante dirigée par Tugan Sokhiev. Voir le lien sur ODB : viewtopic.php?f=6&t=18622. Tchaïkovski, qui peina à écrire lui-même le livret, modifie le texte de Schiller et s’affranchit fortement de la vérité historique. Si sa Jeanne finit bien sur le bûcher, c’est après être tombée dans les bras de Lionel, chevalier bourguignon allié des Anglais ! Amour consommé et faute châtiée !
Comment expliquer la rareté de La Pucelle sur les scènes des maisons d’opéras ? Elle nécessite une distribution souvent difficile à réunir : neuf chanteurs de haut vol dont une mezzo dans le rôle redoutable de Jeanne. Musicalement l’œuvre est très inégale : de nombreuses parties tonitruantes « guerrières » ou « royales », des fins d’actes ou de tableaux interminablement ponctuées d’accords de percussions, de trompettes, de tuba, de cors, renforcés par des écrasements violents d’archets sur les cordes, des chœurs héroïques, des accompagnements de batteries d’une grande banalité. Heureusement compensés par quelques beaux moments. Et d’abord un premier acte fort intéressant par sa progression dramatique. Débutant par l’exhortation de Thibaut, père de Jeanne, lui intimant l’ordre de prendre un époux protecteur dans ce temps de guerre, ce qu’elle refuse, appelée à une autre destinée. Suivie de la débandade des paysans (première intervention du choeur) fuyant l’envahisseur et de l’affirmation prophétique par Jeanne de la mort d’un des chefs de l’armée anglaise ce que personne ne croit. Et pourtant cette mort est confirmée peu après par un soldat qui a pu traverser les lignes ennemies. Ce qui justifie une prière de louange. Jeanne se décide alors à prendre les armes et à abandonner sa Lorraine avec mélancolie : « Oui, l’heure est venue…Adieu montagnes et vous prairies que j’aimais… », qui est l’un des plus beaux airs de Tchaïkovski. L’inquiétude la paralyse alors: « Mais aurais-je le courage ?… ». C’est fortifiée par un chœur angélique que Jeanne se décide enfin et que s’achève cet acte. D’autres airs de la partition sont réussis : celui d’Agnès Sorel au second acte : « Si la force ne t’est pas donnée… » et le grand duo d’amour du IVème acte entre Jeanne et Lionel « O doux et merveilleux rêve ».
La Pucelle est servie ce soir par une très belle distribution : Ksenia Dudnikova est imposante dans le rôle difficile de Jeanne : voix de mezzo puissante sans aucune faiblesse accrochant les notes aiguës avec grande facilité et donnant à son personnage toute l’autorité d’une Jeanne qui ne peut être autre que « masculine »! Alexey Tikhomirov, est doté d’un timbre sombre et ténébreux qui sied au personnage particulièrement odieux de Thibaut qui n’hésite pas à accuser sa fille d’être l’instrument du démon. Mary Feminear est une Agnès Sorel positive et réconfortante, seule voix de soprane de la partition (elle était un Eros truculent dans le Giasone de Cavalli donné à Genève en janvier dernier). Migran Agadzhanyan, en Charles VII, déçoit un peu par un style belcantiste qui n’est celui d’aucun des autres chanteurs. Il est vrai que ce rôle est ingrat. Lionel, Boris Pinkhasovitch, est en belle harmonie avec Jeanne dans le duo d’amour du IVème acte. Raymond, prétendant de Jeanne, Boris Stepanov, est un ténor à la voix enchanteresse et au timbre d’une grande douceur bien faite pour séduire Jeanne. Si Roman Burdenko, Dunois, Alexander Milev, Bertrand, allient voix puissantes et timbres séduisants, Marek Kalbus en Archevêque a quelques difficultés à s’imposer face à l’orchestre et à ses partenaires.
Le Chœur du Grand Théâtre de Genève, magnifiquement préparé par Alan Woodbridge intervient avec force tout au long de la partition : paysans paniqués par la débâcle, voix du Ciel, ménestrels distrayant Charles VII, peuple glorifiant Dieu et Jeanne de les avoir sauvés, acclamant le roi à Reims et commentant la mort de Jeanne sur le bûcher. Dmitri Jurowski mène l’Orchestre de la Suisse Romande, parfait de tous ses pupitres, le chœur et les solistes avec toute l’énergie nécessaire à cette partition profuse, généreuse, tempétueuse ponctuée de quelques moments de grâce.
Grand succès d’un public chauffé à blanc (et sans jeu de mots de mauvais goût…) par ce déferlement de notes.

Pierre Tricou
PS : diffusion sur Espace2 le samedi 22 avril 2017 à 20h

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MariaStuarda
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Re: Tchaïkovski - La Pucelle d’Orléans - Jurowski/vc - Genève - 4/2017

Message par MariaStuarda » 13 avr. 2017, 15:00

Merci petit :coeur2:
J'aimerai bien écouter ça, excité que je suis encore par le concert à la Philharmonie.

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