Tchaïkovsky-Chtchedrine- L'ange russe- Accentus-M.Korovitch-Opéra de Rouen 28.03.17

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Tchaïkovsky-Chtchedrine- L'ange russe- Accentus-M.Korovitch-Opéra de Rouen 28.03.17

Message par pingpangpong » 29 mars 2017, 16:02

Piotr Ilitch Tchaïkovsky extraits de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome
Rodion Chtchedrine L’Ange scellé

Direction musicale Marc Korovitch
Chorégraphie Lars Scheibner
Lumières Rico Heidler
Flûte Mathilde Calderini
Danseur Clarissa Gehring
accentus
Solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine
Production
Coproduction accentus, Opéra de Rouen Normandie.


Il y a quelques années, le choeur Accentus avait ajouté à son répertoire, déjà fort étendu et varié, le chant orthodoxe russe avec la Liturgie de Saint Jean Chrysostome et les Vêpres de Rachmaninov, programme dont il reste un enregistrement paru en 2010 chez Naïve.

Le concert proposé à l'Opéra de Rouen Normandie où l'Ensemble fondé par L.Equilbey est en résidence, prolonge en quelque sorte ce projet avec des extraits d'une autre liturgie de Saint Jean Chrysostome, celle de Tchaikovsky, dont de larges extraits avaient déjà été donnés en 2010 dans ce même théâtre.
Rappelons que Piotr Ilitch brava un interdit en composant de la musique religieuse à une époque où celle-ci était la chasse gardée du clergé. Il ouvrit ainsi la voie à des musiciens qui surent y apporter leur inspiration autant qu'un savoir-faire propre à la musique savante.

Et Rodion Chtchedrine de s'inscrire dans ce courant, créant une œuvre condensant mille ans d'une spiritualité jamais éteinte malgré la volonté d'éradication d'un régime inique, ce qui obligea le compositeur à maquiller ses intentions, lui petit-fils de prêtre, sous un titre moins ouvertement connoté que ceux choisis par ses illustres aînés.
Ni Liturgie, ni Vêpres, ni Messe, L'Ange scellé puise son inspiration dans un texte de Leskov écrit en 1860 à propos du schisme provoqué deux cents ans plus tôt et ayant abouti à la création du culte des Vieux Croyants dont Moussorgsky tira le sujet de son opéra La Khovantchina.

L'histoire de Leskov tourne autour d'une icône scellée par un cachet de cire après sa confiscation aux Vieux Croyants par les autorités puis de sa restauration par un peintre ressuscitant ainsi la beauté, la foi et la liberté opprimées.

Créée en 1988 pendant les commémorations de la christianisation de la Russie, l'oeuvre intègre une écriture contemporaine par petites touches au sein d'un classique langage tonal.
Une flûte traversière se glisse parmi les voix du choeur mixte traditionnellement utilisé par Rachmaninov ou Tchaïkovsky, auquel se joignent deux voix d'enfants pour le mouvement sept.
L'apport contemporain se traduit, à travers une atonalité fluctuante, par des frappés des pieds ou des mains et des cris dans la quatrième partie, des changements de climats, d'angoisse et d'élévation spirituelle mêlées.
Ainsi la fulgurante beauté qui émane de cette œuvre forte ne doit pas nous faire oublier les souffrances d'un peuple qui semble ne devoir jamais finir de supporter oppression et tyrannie.

Alors que la première partie du concert se déroule de manière traditionnelle, l'oeuvre de Chtchedrine débutant par une impressionnante entrée par le fond de scène et les entrées latérales au parterre de la salle, fait l'objet d'une mise en espace élaborée demandant aux membres du choeur de lents et fréquents déplacements, le chef pivotant à 180° sur lui-même sur deux pupitres. La danseuse Clarissa Gehring évolue elle-même sur le plateau dans une chorégraphie inspirée, aidée de deux longues bandes de tissu rouge, impliquant même les membres d'Accentus, lesquels, précisons-le, sont habitués à participer à des mises en scène lyriques depuis quelques années maintenant. Ce n'est donc pas à une chorégraphie plaquée artificiellement et bêtement illustrative à laquelle nous assistons, mais bien à une interpénétration de la musique et de la danse, le corps de la danseuse étant comme mû par les voix qui l'encerclent, la tirent de sa gangue, expulsent ou protègent ce corps qui ne demande qu'à prendre son envol.
L'éclairage des lampes de lecture accrochées aux classeurs que les chanteurs tiennent en mains suffit à créer un halo rappelant le doux éclairage des églises.
La flûte de Mathilde Calderini, flûte du berger qui est d'ailleurs parfois remplacée par un hautbois, traverse l'oeuvre avec beaucoup d'à-propos et de finesse, donnant à ce chef-d'oeuvre une humble couleur pastorale mélancolique.
Malgré un évident manque de réverbération dû au lieu, Accentus déploie toute la puissance et l'intimité de cette musique délicate et fragile comme une icône, leur chef Marc Korovitch ne ménageant pas sa peine pour varier couleurs et nuances.


Si vous êtes à Perpignan le 7 avril, ne manquez pas cet éblouissant spectacle également redonné le 20 mai à La Seine Musicale.

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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