Offenbach : Vie Parisienne-Lévy/Savary- Saint-Etienne 1/2017

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petitchoeur
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Offenbach : Vie Parisienne-Lévy/Savary- Saint-Etienne 1/2017

Message par petitchoeur » 05 janv. 2017, 19:01

Jacques Offenbach : La Vie parisienne
Opéra bouffe créé à Paris au Théâtre du Palais Royal le 31 octobre 1866. Livret de Meilhac et Halévy. Version adaptée par Jérôme Savary en 2004.

DIRECTION MUSICALE : BENJAMIN LEVY
MISE EN SCÈNE ET ADAPTATION : JÉRÔME SAVARY
RÉALISATION : FRÉDÉRIQUE LOMBART
DÉCORS : MICHEL LEBOIS
COSTUMES : MICHEL DUSSARAT
RÉALISATION LUMIÈRES : PATRICE WILLAUME
CHORÉGRAPHIE : NADÈGE MARUTA
CHEF DE CHŒUR : LAURENT TOUCHE

GABRIELLE LA GANTIÈRE : MÉLANIE BOISVERT
MÉTELLA : PAULINE SABATIER
LA BARONNE DE GONDREMARCK : ÉLODIE HACHE
PAULINE : OLIVIA DORAY
LE BARON DE GONDREMARCK : LIONEL PEINTRE
BOBINET : CHRISTOPHE BERRY
GARDEFEU : GUILLAUME ANDRIEUX
LE BRÉSILIEN, FRICK : MARC LARCHER
PROSPER, ALPHONSE ET LE MAJOR : ANTOINE NORMAND
ALFRED ET URBAIN : JACQUES CALATAYUD
MME DE QUIMPER-KARADEC : MARIE-JOSÉ DOLORIAN
CLARA, MME GALIPETTE : ROSELYNE GIRAUD*
CHARLOTTE, LE COUCOU : AMÉLIE GRILLON*
LÉONIE, ROCHE TROMPETTE : VÉRONIQUE RICHARD*
LOUISE, FOLLE VERDURE : CATHERINE SÉON*
LA VOYAGEUSE : FRANÇOISE CABANAC*
GONTRAN, TRÉBUCHET, JOSEPH, OFFENBACH : FRÉDÉRIC FOGGIERI*
UN EMPLOYÉ, L’ÉTOILE DU BOLCHOÏ : ZOLTAN CSEKÖ*
*artistes du Chœur Lyrique de Saint-Etienne Loire
DANSEURS DE CANCAN : SABINE LE ROC (SOLISTE), GIUSEPPE PREZIOSA (SOLISTE), ERICA BAILEY, TIFANY BIANCARELLI, ARIANE BREDELOUP, HÉLÈNE CHARMETTAN, RENAUD DALLERAC, SÉBASTIEN DUVERNOIS, ÉMILIE ELIAZORD, CLAIRE GILBERTAS, BÉRÉNICE PRETAT
ORCHESTRE SYMPHONIQUE SAINT-ÉTIENNE LOIRE
CHŒUR LYRIQUE SAINT-ÉTIENNE LOIRE
Reconstitution de la partition : Raphaël Danis (éditions Salabert)
Production : Compagnie Jérôme Savary, Opéra-Théâtre de Metz-Métropole


En 1866, durant les répétitions, Meilhac et Halévy étaient persuadés de l’échec de la Vie parisienne. Les chanteurs estimaient même inutile d’apprendre les 4ème et 5ème actes (la version de 1866 comportait 5 actes) : on baisserait définitivement le rideau dès le 3ème sous les sifflets. Seul Offenbach était confiant. Ce fut un triomphe et la Vie parisienne tint l’affiche pendant un an ! « Le public… acclama l’hymne délirant à la cité merveilleuse, la joie trépidante de l’aventure parisienne, les personnages pittoresques et légers -légers comme ceux qui applaudissaient : légers jusqu’à l’insignifiance…Du prologue à l’éblouissant final tout paraissait arrosé de champagne. Sa mousse dissimulait l’avertissement : attention, danger. » (Alain Decaux in Offenbach, roi du Second Empire, Librairie Académique Perrin, 1966). Pour Alain Decaux, la Vie parisienne est le signe avant-coureur de la défaite et de l’effondrement du régime et il ajoute plus loin : « une civilisation condamnée cherche -toujours- l’oubli dans le plaisir. Cela Halévy le discernait. Mieux que personne, il sentait avec Offenbach le climat de cette fin de règne, de cette fin d’époque, le climat de la Vie parisienne ». Offenbach devient la vedette du Second Empire et de sa cour. La fin du régime interrompt cette période heureuse et l’oblige à quitter Paris, victime de xénophobie (malgré la nationalité française obtenue dès 1860). Un seul personnage de la Vie parisienne semble lucide : le Brésilien quand il chante dans son grand air du 1er acte : « Deux fois je suis venu déjà, j’avais de l’or dans mes valises, des diamants à ma chemise, combien a duré tout cela ? Le temps d’avoir deux cents amis, et d’aimer quatre ou cinq maîtresses, six mois de galantes ivresses, et plus rien, ô Paris ! Paris ! »
Cela explique-t-il le succès aujourd’hui de la Vie parisienne ? Le désenchantement de nos concitoyens les pousse-t-il à « l’oubli dans le plaisir »? Ou bien est-ce la musique ? On peut toujours dauber sur la partition d’Offenbach (beaucoup l’ont fait). Les faiblesses existent. Mais Offenbach sait être efficace, trousser un air facile à reconnaître et à mémoriser. Le rythme est présent partout et l’on ne s’ennuie jamais. Il excelle dans les ensembles d’une gaieté endiablée : pensons à « mon habit a craqué dans le dos », à « fermons les yeux » ou aux scènes finales du 3ème acte « tout tourne, tout danse » et du dernier acte « célébrons Paris ». Est-ce le livret ? Henri Meilhac et Ludovic Halévy (fils de Jacques-Fromental Halévy qui fut le professeur de composition d’Offenbach) savent manier l’humour, l’extravagance, le pastiche avec brio. Fantaisie et bouffonnerie, folie et invraisemblance (le baron de Gondremarck est bien naïf…) fonctionnent à merveille.

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Est-ce le spectacle troussé avec gourmandise par Jérôme Savary, donné à l’Opéra Comique dans l’hiver 2004/2005 et magnifiquement réalisé aujourd’hui par Frédérique Lombart qui fut sa collaboratrice artistique à partir de 1995? « J’aime le parcours d’Offenbach. Il est pour moi un maître. Car, comme Shakespeare et Molière, il ne se contentait pas d’écrire, il dirigeait aussi une troupe et lui insufflait la folie » (Jérôme Savary dans le programme des représentations de 2004/2005). Le fondateur du Grand Magic Circus et ancien directeur de l’Opéra Comique nous distille une soirée d’un champagne follement pétillant dans des décors d’un kitsch napoléonien (le « Petit » bien sûr, comme aurait dit Victor Hugo) de Michel Lebois , avec des costumes éblouissants de couleurs et de frous-frous dessinés par Michel Dussarat. La troupe de danseurs de Cancan dirigée par Nadège Maruta (ancienne du Moulin Rouge, collaboratrice de Jérôme Savary dans la Veuve Joyeuse à Genève et dans La Périchole au TCE) assure la partie la plus spectaculaire de cette folie parisienne. Troupe de choc avec deux solistes endiablés : Sabine Le Roc et Giuseppe Preziosa . Quel plaisir d’apercevoir les dessous froufroutants et tricolores des danseuses de Cancan…

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Benjamin Lévy dirige l’Orchestre Symphonique de Saint-Etienne Loire et le plateau avec toute la légèreté souhaitable et ses changements de tempi, ses forte/piano renforcent la dynamique voulue par Offenbach et Jérôme Savary. Le Chœur Lyrique de Saint-Etienne Loire (préparé par Laurent Touche) participe avec talent à la joie générale. Elodie Hache est une baronne de Gondremark à la belle prestance et dotée d’une voix bien projetée au timbre séduisant.

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Olivia Doray, en Pauline, est excellente -un joli timbre- dans son duo du IIIème acte avec le baron (L’amour, c’est une échelle). Pauline Sabatier possède l’abattage, la puissance, le piquant et le sens de la réplique de Métella. Elle sait, avec belle nostalgie, chanter la lettre de recommandation du baron de Frascata. Elle est vraiment amoureuse de Gardefeu. Mélanie Boisvert est une Gabrielle espiègle et une veuve de colonel convaincante malgré son état grippal de ce soir. Madame de Quimper-Karadec est chantée par la voix chaleureuse et profonde de Marie-José Dolorian.

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Guillaume Andrieux , Gardefeu, à la voix bien placée et au timbre clair, pourrait, par ses qualités de comédien, embobiner n’importe quel touriste en mal de guide. Christophe Berry, Bobinet, est émouvant dans son rôle d’amoureux éconduit et de faire-valoir de Gardefeu. Lionel Peintre est un baron de Gondremark gourmand (il est venu à Paris pour s’en fourrer jusque -là) et « coincé » par son éducation rigide : il sait jouer sur les deux facettes de ce personnage tourmenté. Marc Larcher joue et chante un Brésilien sûr de lui avec une aisance sud-américaine et communicative. Antoine Normand et Jacques Catalayud sont réjouissants dans leurs multiples rôles. Ce sont les artistes du Chœur Lyrique de Saint-Etienne Loire qui tiennent fort bien tous les petits rôles.
Immense succès pour les trois représentations dans ce Grand Théâtre Massenet (si confortable !) de Saint-Etienne.

Pierre Tricou

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