Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/2013
Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Le choc à tous égards.
Était ce Tristan und Isolde ?
Pourquoi n'avais je jamais compris Salomé ainsi ?
Que vais je vous raconter ? Dire les choses de la mise en scène ?
Vous m'en voudrez peut être
Était ce Tristan und Isolde ?
Pourquoi n'avais je jamais compris Salomé ainsi ?
Que vais je vous raconter ? Dire les choses de la mise en scène ?
Vous m'en voudrez peut être
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v
Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Sofia Jupither , coup d'essai coup de maître.
Apprendre à lire , c'est ce que m'a appris Lacan . Jupither sait lire et elle connaît ses bases : une terrasse en trois plans gris sur le sol du désert caillouteux , terrasse d'une luxueuse demeure où le regard penetre par de vastes baies .
L'intérieur renvoie ces lumières des Rubens opulents , les ors des cadres , des miroirs , des choses se passent entre hommes et femmes , fête et plaisirs.
là en contre bas la trappe d'une fosse .
Loin , la lune et ses crateres :"regardez la lune , la lune est très étrange , On dirait une femme qui sort d'un tombeau".
Le dispositif est d'une grande simplicité, la structure est classique , elle est idéale pour construire l'essentiel : les plans où va se déployer la dynamique dramatique .
Hommes en noir , Jokanaan en Jean Baptiste , Salomé en Salomé orientale .
Pour Salomé la lune "a la beauté d'une vierge" ...je ne l'avais jamais entendu chanté ainsi ...
Puis naît une infinie compassion : "comme il fait noir là dedans ! cela doit être terrible. ..Cela ressemble à une tombe".
Le surgissement de Jokanaan de la citerne , c'est le "premier regard" celui auquel on ne pourra plus échapper.
Toute l'architecture dramatique semble construite sur ce : " Ich muss ihn näher besehn".
Stemme et l'admirable Jokanaan de Josef Wagner , dans un travail du corps inouï où chaque intention est dite dans la note et dans le geste vont jusqu'à l'image finale être portés par ce non-dit du désir .
(Non Salomé n'est pas une folle monstrueuse livrée à des instincts gouvernés par la volonté d'une mère perverse. )
"Dein Mund ist wie ein Korallenzweig in der Dämm'rung des Meer's" ( ta bouche est comme une branche de corail dans le crepuscule de la mer)
C'est bien la première fois que je pleure sur ce chant.
Et quand après que Narraboth se soit suicidé devant tant d'amour , Jokanaan dit si tendrement , avant de la maudire comme disant l'impossible:" Ich will dich nicht ansehn .Du bist verflucht Salome .Du bist verflucht. " On comprend que s' ils ne se rejoindront jamais au fond du jardin comme Pelleas et Mellisande pour un "dernier baiser" , un rendez vous est pris .
Pour ce rendez vous Salome est prête à tous les prix , ce que l' incestueux Herodes lui offre : la danse .
Inoubliable scène , la plus troublante car la plus signifiante dans la trame textuelle : l'envers de la danse de G. Moreau ou peut être sa traduction violente ...sous les voiles qui voilent , une femme qui se livre à une tournante .
La performance de Stemme dans cette scène restera sans précédent , femme retirant et jetant au loin sa culotte , ce geste trivial et infiniment impudique marque l'instant où le corps cessant d'être sujet ne lui appartient plus , objet tribal marchandisable .
Elle peut commander la mort de Baptiste car c'est dans l'union par delà la mort ( comme Tristan et Isolde ) que les choses se résolvent.
Corps à corps , jamais ne fut plus doux le monologue final : "Hat es nach Blut geschmeckt ? Nein ! Doch es schmeckte vielleicht nach Liebe..."
Beauté des corps , beauté du chant , admirable direction de Lawrence Renes ( il faut que Jordan aille prendre quelques cours d'interprétation straussienne auprès de ce jeune chef )
Dire que ce fut un triomphe considérable , oui .Ici plus encore que pour la Fanciulla ou Turandot ....un peu comme pour Tristan und Isolde il y a des années.
( alors que la mise en scène a plus d'une fois déconcerté).
Est il utile que je dise que jamais en 40 ans je n'ai entendu de Salome comme Nina Stemme ce soir ?
Apprendre à lire , c'est ce que m'a appris Lacan . Jupither sait lire et elle connaît ses bases : une terrasse en trois plans gris sur le sol du désert caillouteux , terrasse d'une luxueuse demeure où le regard penetre par de vastes baies .
L'intérieur renvoie ces lumières des Rubens opulents , les ors des cadres , des miroirs , des choses se passent entre hommes et femmes , fête et plaisirs.
là en contre bas la trappe d'une fosse .
Loin , la lune et ses crateres :"regardez la lune , la lune est très étrange , On dirait une femme qui sort d'un tombeau".
Le dispositif est d'une grande simplicité, la structure est classique , elle est idéale pour construire l'essentiel : les plans où va se déployer la dynamique dramatique .
Hommes en noir , Jokanaan en Jean Baptiste , Salomé en Salomé orientale .
Pour Salomé la lune "a la beauté d'une vierge" ...je ne l'avais jamais entendu chanté ainsi ...
Puis naît une infinie compassion : "comme il fait noir là dedans ! cela doit être terrible. ..Cela ressemble à une tombe".
Le surgissement de Jokanaan de la citerne , c'est le "premier regard" celui auquel on ne pourra plus échapper.
Toute l'architecture dramatique semble construite sur ce : " Ich muss ihn näher besehn".
Stemme et l'admirable Jokanaan de Josef Wagner , dans un travail du corps inouï où chaque intention est dite dans la note et dans le geste vont jusqu'à l'image finale être portés par ce non-dit du désir .
(Non Salomé n'est pas une folle monstrueuse livrée à des instincts gouvernés par la volonté d'une mère perverse. )
"Dein Mund ist wie ein Korallenzweig in der Dämm'rung des Meer's" ( ta bouche est comme une branche de corail dans le crepuscule de la mer)
C'est bien la première fois que je pleure sur ce chant.
Et quand après que Narraboth se soit suicidé devant tant d'amour , Jokanaan dit si tendrement , avant de la maudire comme disant l'impossible:" Ich will dich nicht ansehn .Du bist verflucht Salome .Du bist verflucht. " On comprend que s' ils ne se rejoindront jamais au fond du jardin comme Pelleas et Mellisande pour un "dernier baiser" , un rendez vous est pris .
Pour ce rendez vous Salome est prête à tous les prix , ce que l' incestueux Herodes lui offre : la danse .
Inoubliable scène , la plus troublante car la plus signifiante dans la trame textuelle : l'envers de la danse de G. Moreau ou peut être sa traduction violente ...sous les voiles qui voilent , une femme qui se livre à une tournante .
La performance de Stemme dans cette scène restera sans précédent , femme retirant et jetant au loin sa culotte , ce geste trivial et infiniment impudique marque l'instant où le corps cessant d'être sujet ne lui appartient plus , objet tribal marchandisable .
Elle peut commander la mort de Baptiste car c'est dans l'union par delà la mort ( comme Tristan et Isolde ) que les choses se résolvent.
Corps à corps , jamais ne fut plus doux le monologue final : "Hat es nach Blut geschmeckt ? Nein ! Doch es schmeckte vielleicht nach Liebe..."
Beauté des corps , beauté du chant , admirable direction de Lawrence Renes ( il faut que Jordan aille prendre quelques cours d'interprétation straussienne auprès de ce jeune chef )
Dire que ce fut un triomphe considérable , oui .Ici plus encore que pour la Fanciulla ou Turandot ....un peu comme pour Tristan und Isolde il y a des années.
( alors que la mise en scène a plus d'une fois déconcerté).
Est il utile que je dise que jamais en 40 ans je n'ai entendu de Salome comme Nina Stemme ce soir ?
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Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Merci Bernard de cette évocation. Toi, et un ami qui était sur place, allez me faire regretter d'avoir opté pour la Salomé zurichoise de Nina.
(sais-tu s'il est possible de réécouter la retransmission d'hier?)
(sais-tu s'il est possible de réécouter la retransmission d'hier?)
Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Je ne sais pas YannickSnobinart a écrit :Merci Bernard de cette évocation. Toi, et un ami qui était sur place, allez me faire regretter d'avoir opté pour la Salomé zurichoise de Nina.
(sais-tu s'il est possible de réécouter la retransmission d'hier?)
as tu essayé le lien?
Je répondrai à toute demande factuelle sur le spectacle.
Je suis déjà sur le retour.
Amitié
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v
Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Le compte rendu du Svenska Dagbladet qui dévoile quelques détails ( je vais donc un peu préciser , ce sera moins de surprise pour les futurs spectateurs , mais la surprise n'est pas si importante )
http://www.svd.se/kultur/scen/nina-stem ... 781494.svd
( traduction approximative du chapeau :
Nina Stemme fait un magnifique portrait
Décoiffante Sofia Jupither qui nous propose un huis clos psychologique bien ciselé pour ses débuts impressionnants en tant que metteur en scène d'opéra.Mais surtout , du début à la fin ,la performance de Nina Stemme . )
Quelques précisions , car il n'est pas certain que Bo Lofvendahl ait eu une vison bien approfondie de la conception de Jupither .
-Salome n'est pas "abusée" . Elle se livre explicitement à une tournante , selon sept séquences dont elle mène la "chorégraphie" sexuelle , un voile à la main .
A la fin seulement le corps est disloqué de mains en mains en ronde folle , comme la musique le dit .
-La "transgression" littérale la plus franche est l'absence de décapitation de Jokanaan : Le corps est remonté comme l'article et les photos le montrent , il a été égorgé et le sang coule .Le sang est très présent dans cette scène finale , au delà de l'amertume du baiser sur la bouche .C'est une idée forte de la mise en scène .
Salomé est égorgée enlacée à Jokanaan .
Deux choses importantes qui structurent cette mise en scène et dont il faut se souvenir :
-"Wie süss ist hier die Luft ! Hier kann ich atmen ..." ( Comme l'air est frais ici , enfin je respire ) chante Salomé sortant sur la terrasse de la Villa .
-"Und das Geheimnis des Liebe ist grösser als das Geheimnis des Todes ..." ( Le mystère de l'amour est plus grand que le mystère de la mort)
Et nous savons qu'Oscar Wilde renchérit ( ce qui n'a pas été gardé dans l'oeuvre de Strauss mais qui est le fond de ce drame : "Il ne faut regarder que l'amour "
Jupither , Stemme et Wagner jouent ce jeu là , bien plus que les "dysfonctions familiales" , même s'il n'est pas question de les nier ( La Villa pourrait être celle d'un magnat des années 60 comme le laissent entendre les costumes, peu importe)
Les affirmations "féministes" , "politiques" de la mise en scène ne sont pas essentielles , ce qui se joue est bien de l'universel malentendu :"Pourquoi ne m'as tu pas regardée , Iokanaan ? Derrière tes mains et et tes blasphèmes tu as caché ton visage. Tu as mis sur tes yeux le bandeau de celui qui veut voir son Dieu. Et bien ,tu l'as vu ton Dieu , Iokanaan , mais moi, moi...tu ne m'as jamais vue. si tu m'avais vue , tu m'aurais aimée . Moi , je t'ai vu , Iokanaan ,et je t'ai aimé ."
( in Oscar Wilde pièce en I acte )
http://www.svd.se/kultur/scen/nina-stem ... 781494.svd
( traduction approximative du chapeau :
Nina Stemme fait un magnifique portrait
Décoiffante Sofia Jupither qui nous propose un huis clos psychologique bien ciselé pour ses débuts impressionnants en tant que metteur en scène d'opéra.Mais surtout , du début à la fin ,la performance de Nina Stemme . )
Quelques précisions , car il n'est pas certain que Bo Lofvendahl ait eu une vison bien approfondie de la conception de Jupither .
-Salome n'est pas "abusée" . Elle se livre explicitement à une tournante , selon sept séquences dont elle mène la "chorégraphie" sexuelle , un voile à la main .
A la fin seulement le corps est disloqué de mains en mains en ronde folle , comme la musique le dit .
-La "transgression" littérale la plus franche est l'absence de décapitation de Jokanaan : Le corps est remonté comme l'article et les photos le montrent , il a été égorgé et le sang coule .Le sang est très présent dans cette scène finale , au delà de l'amertume du baiser sur la bouche .C'est une idée forte de la mise en scène .
Salomé est égorgée enlacée à Jokanaan .
Deux choses importantes qui structurent cette mise en scène et dont il faut se souvenir :
-"Wie süss ist hier die Luft ! Hier kann ich atmen ..." ( Comme l'air est frais ici , enfin je respire ) chante Salomé sortant sur la terrasse de la Villa .
-"Und das Geheimnis des Liebe ist grösser als das Geheimnis des Todes ..." ( Le mystère de l'amour est plus grand que le mystère de la mort)
Et nous savons qu'Oscar Wilde renchérit ( ce qui n'a pas été gardé dans l'oeuvre de Strauss mais qui est le fond de ce drame : "Il ne faut regarder que l'amour "
Jupither , Stemme et Wagner jouent ce jeu là , bien plus que les "dysfonctions familiales" , même s'il n'est pas question de les nier ( La Villa pourrait être celle d'un magnat des années 60 comme le laissent entendre les costumes, peu importe)
Les affirmations "féministes" , "politiques" de la mise en scène ne sont pas essentielles , ce qui se joue est bien de l'universel malentendu :"Pourquoi ne m'as tu pas regardée , Iokanaan ? Derrière tes mains et et tes blasphèmes tu as caché ton visage. Tu as mis sur tes yeux le bandeau de celui qui veut voir son Dieu. Et bien ,tu l'as vu ton Dieu , Iokanaan , mais moi, moi...tu ne m'as jamais vue. si tu m'avais vue , tu m'aurais aimée . Moi , je t'ai vu , Iokanaan ,et je t'ai aimé ."
( in Oscar Wilde pièce en I acte )
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Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Pour toi Yannick ils viennent de le charger sur le site !!Snobinart a écrit : (sais-tu s'il est possible de réécouter la retransmission d'hier?)
http://sverigesradio.se/sida/avsnitt/28 ... ramid=2359
(pendant 30 jours )
Il te suffit de cliquer LYSSNA
ça commence vers la 15-17 eme minute...
Merci à Bruno de m'immortaliser la chose quand tu en auras le temps .Je t'en serai éternellement reconnaissant .
amitié
( le son de l'orchestre est écrasé , mais on a une idée ...)
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Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
OOOOOOOOhhhhhhh MERCI !!!!
Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
O
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Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Un plongeur devrait pouvoir retenir sa respiration sans problème pendant moins d'une minute...
" Vaut mieux en rire que s'en foutre " (Didier Super)
Re: Strauss - Salomé - Renes/Jupither - Stockholm - 11-12/20
Je n'ai jamais entendu sur scène (ni en enregistrement , mais j'ai peu de références en la matière) de Salomé qui respecte absolument l'indication Matt dans le monologue final comme Stemme l'assume .
Les deux "Ah!" de "Ah! Ich habe ..." sont défaits , extirpés d'une Salomé mat au sens propre !
place à la tragédie du baiser d'amour : 1:54:45
Les deux "Ah!" de "Ah! Ich habe ..." sont défaits , extirpés d'une Salomé mat au sens propre !
place à la tragédie du baiser d'amour : 1:54:45
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