Wagner - Tristan und Isolde - Chung - vc - Pleyel - 13/10/12

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Message par Leyla » 14 oct. 2012, 12:24

J'aimerais réentendre ce ténor en bonne santé, car je ne suis pas sûr qu'il chante vraiment bien en temps normal. Par ailleurs, fallait-il qu'il se présente aussi mal, tant sur le plan de l'attitude (Tristan est un héros, si écrasé qu'il soit) que sur le plan vestimentaire (pantalon tirebouchonnant, chaussures fatiguées...).
Quant à Nina Stemme, merveilleuse chanteuse, pourrait-elle penser qu'Isolde, même en concert, ne saurait boire au goulot d'une bouteille en plastique toutes les cinq minutes ? On est loin avec elle, en concert, de la présence dramatique, de la tenue de quelques divas du présent et surtout du passé, qui savent porter le théâtre sur la scène de concert.

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Message par Bernard C » 14 oct. 2012, 12:44

Leyla a écrit :J'aimerais réentendre ce ténor en bonne santé, car je ne suis pas sûr qu'il chante vraiment bien en temps normal. Par ailleurs, fallait-il qu'il se présente aussi mal, tant sur le plan de l'attitude (Tristan est un héros, si écrasé qu'il soit) que sur le plan vestimentaire (pantalon tirebouchonnant, chaussures fatiguées...).
Quant à Nina Stemme, merveilleuse chanteuse, pourrait-elle penser qu'Isolde, même en concert, ne saurait boire au goulot d'une bouteille en plastique toutes les cinq minutes ? On est loin avec elle, en concert, de la présence dramatique, de la tenue de quelques divas du présent et surtout du passé, qui savent porter le théâtre sur la scène de concert.
ce sont des artistes ,pas des clowns mondains en noeud pap .
En plus Stemme est une suédoise moderne. D'abord la musique .
Le public est bien en jean !

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Message par Leyla » 14 oct. 2012, 12:50

quetzal a écrit :
Leyla a écrit :J'aimerais réentendre ce ténor en bonne santé, car je ne suis pas sûr qu'il chante vraiment bien en temps normal. Par ailleurs, fallait-il qu'il se présente aussi mal, tant sur le plan de l'attitude (Tristan est un héros, si écrasé qu'il soit) que sur le plan vestimentaire (pantalon tirebouchonnant, chaussures fatiguées...).
Quant à Nina Stemme, merveilleuse chanteuse, pourrait-elle penser qu'Isolde, même en concert, ne saurait boire au goulot d'une bouteille en plastique toutes les cinq minutes ? On est loin avec elle, en concert, de la présence dramatique, de la tenue de quelques divas du présent et surtout du passé, qui savent porter le théâtre sur la scène de concert.
ce sont des artistes ,pas des clowns mondains en noeud pap .
En plus Stemme est une suédoise moderne. D'abord la musique .
Le public est bien en jean !
Entre "clowns mondains" et tenue il y a une différence. Par ailleurs, peu m'importe que Madame Stemme soit une "suédoise moderne" : ce n'est pas elle que je veux voir, mais d'une part l'artiste sur une scène, et d'autre part l'incarnation d'un personnage mythique.
Quant au public, je trouve regrettable qu'il soit en jeans. Assister à un concert, à un opéra, c'est une cérémonie (rien à voir avec la "mondanité") qui n'est pas à mettre sur le même plan qu'une balade à la campagne.

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Message par Bernard C » 14 oct. 2012, 12:52

dongio a écrit :On n'aura eu d'yeux et d'oreilles au cours du prélude du I que pour le chef et l'orchestre. Tassé dans son fauteuil, le geste long, Mikko Frank obtient du Philharmonique de Radio France un son clair et une dynamique rapide qui surprend. Pas de clair obscur, pas de longues phrases suspendues, pas d'aurore boréale mystique auxquels on aurait pu s'attendre et que Kleiber au disque ou, dans la fosse, Salonen, nous avaient fait partager. Le drame avance d'emblée et semble courir vers sa conclusion. Etrange impression, malgré l'excellence des pupitres dans leur ensemble, et le son fondu que le chef obtient de tous les instruments. Version concert se respectant, les solistes assis devant l'orchestre de part et d'autre du chef : Brangaene (Sarah Connolly), Isolde (Nina Stemme), puis Tristan (Christian Franz) et Kurwenal (Detlef Roth). Immobiles, hiératiques , concentrés, mais Tristan tassé, ramassé, déjà frappé.
Le drame avance vite mais soudain, aux dernières mesures du prologue, quelque chose s'anime : l'oeil d'Isolde s'enflamme, le corps prend vie avant que Stemme ne se lève de sa chaise, et Isolde tout entière apparaît soudainement. Le théâtre surgit ainsi de par la volonté physique d'une artiste absolument hors norme, à l'admirable silhouette, et qui va devant nous envahir la scène, la salle, l'espace et s'investir, se consumer devant nous. Il faut dire en effet d'emblée, comme d'autres, comme tant d'autres, l'ahurissante performance de Nina Stemme, le stupéfiant engagement vocal de l'artiste, la crucifiante prise de possession du rôle qu'elle fait sien, qu'elle intègre, et qui la possède entièrement. Qu'aurait été cette soirée si mise en scène il y avait eu, si Stemme avait été intégrée aux passionnantes réflexions de Sellars à Paris ou de Chéreau à Milan ? Il eût sans doute été impossible de se remettre facilement de ce coup de poing vocal et scénique asséné hier soir. L'immensité de la voix, la qualité de la tessiture dans son ensemble, des graves terriens jusqu'aux aigus glorieux, assurés avec une maîtrise rare de nos jours car frappés de pleine masse et de plein fouet, la ligne vocale jamais malmenée mais assurée avec gourmandise et aplomb, tout , absolument tout, fait de cette prestation, de cette incarnation, un moment exceptionnel, rare, et renversant. Faut- il dès lors comparerWaltraud Meier, autre Isolde de légende de ces dernières années, à Nina Stemme ? Fi de cette comparaison, les deux artistes ayant leur génie propre et leurs capacités intrinsèques pour investir les rôles qu'elles visitent. Impossible d'évoquer l'une devant l'autre : la scène était présente avec l'une ,l'engagement physique génial de cette dernière faisant rendre les armes. Mais hier soir l'autre, par l'engagement vocal pur, par le truchement simple de la voix, du regard, du port de tête et du corps, et en l'absence de scène, atteignait des sommets d'émotion identique et où l'oxygène était rare.
Sarah Connolly répondait à cette incarnation avec une magnifique véhémence, et poussant à l'extrême un engagement avec une voix saine, et riche, et habitant les longues phrases du II avec une poésie exemplaire. L'autre immense bonheur de la soirée fut donné par le Roi Marke de Peter Rose : voix sonore, art du phrasé propre à un grand Liedersänger, attention portée à chaque mot, à chaque inflexion de douleur, de colère, de résignation. Stupéfiante incarnation là aussi, même si n'atteignant pas les sommets suffocants où règnaient Kurt Moll au disque, ou l'immense Salminen avec Chéreau qui malgré une voix plus atteinte par les ans, arrivait à l'absolu par le geste, la stature, le regard, l'attitude. Grands bravos aussi au sensible et magnifique Kurwenal de Detlef Roth, humain, compassionnel, fraternel. Applaudissements au Melot de Richard Berkeley-Steele, au Marin et Pascal Bourgeois, au Berger de Christophe Poncet . Et grand, très grand respect au cor anglais, véritable protagoniste éploré du III.
Tristan...on a dit Christian Franz malade hier soir, avalant pilules sur cachets, ceci expliquant l'attitude du chanteur tournant de temps en temps le dos au public. On a dit à quel point la posture du chanteur aura intéressé au I : tassé, ramassé, déjà meurtri, déjà coupable de cet amour que le regard d'Isolde posé sur lui malade aura posé. Et le simple « Was ist ? Isolde ? » sensationnel du I faisait espérer, par la douceur caressante avec laquelle le nom de l'aimée était évoquée après l'effroi de la question, une incarnation mémorable. De beaux, de très beaux moments auront alterné au cours de la soirée avec un chant émis en force, avec une ligne vocale tendue à se rompre, qui auront hélas repoussé à l'arrière dans cette distribution un chanteur honorable qui a le mérite d'assurer crânement dans des conditions difficiles pour lui hier soir ce rôle impossible entre tous. Le sublime duo du II à compter de « O sink hernieder Nacht der Liebe » sera ainsi déséquilibré du fait de Franz incapable d'assurer les longues phrases de pair avec Stemme, et subissant de minimes décalages. Le III le verra en difficultés plus d'une fois, et se réfugiant de façon ponctuelle dans le falsetto ou le Sprechgesang. Rien de déshonorant, tout d'honorable, mais à cause de la maladie, le bémol de la soirée.
On l'aura dit : après un début clair et à mon sens trop allant, Mikko Frank retrouve un discours plus ample, dont la noirceur au prélude du III aura été le point culminant. Trouvant une fluidité remarquable, les pupitres dans leur ensemble auront suivi le drame avec un engagement et une profondeur de son tout à fait sensationnels. Plus qu'un soutien, c'est à une narration orchestrale que l'on aura assisté hier soir, le chef montrant son aptitude à maintenir une ligne tout au long du drame, culminant dans une mort d'Isolde éthérée et pleine de chair, suivant celle que, de toute fraîcheur après les deux longs actes crucifiants qu'elle nous avait offert, Nina Stemme chantait en la culminant sur un « höchste Lust » piano et tenu encore...
Ovations sans fin pour les artistes, applaudissements nourris de l'orchestre pour son chef. Moment wagnérien d'exception, rarement entendu à Paris ces dernières saisons. Sauf pour le Tannhäuser de l'ONP et la Walkyrie du TCE...mais où encore brillait la lumière et l'airain de Nina Stemme l'incomparable.
merci pour cet excellent topo comme d'hab.
Bravo
bernard

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Message par philipppe » 14 oct. 2012, 13:48

Jusqu'à présent je n'avais entendu Stemme que 2 fois : en récital avec piano en 2009 à Pleyel, et avec orchestre l'an dernier. La prestation d'hier soir m'a donc confirmé qu'elle n'est pas qu'une grande voix, qu'elle est aussi une présence dramatique accomplie, ce que Quetzal signalait dans ses récits récents. Et je me rappelle en effet avec quel abattage fantastique elle avait, en bis, donné "je ne t'aime pas" de Weil en 2009 : humour, désir, fantaisie, tout était là posé en quelques instants.

Ce que j'ai aimé dans son interprétation d'hier, c'est qu'elle donnait l'impression d'être heureuse, en tant que chanteuse mais aussi en tant qu'isolde. Hors c'est quelque chose que j'ai souvent pensé, que Tristan et Isolde ce pouvait être une histoire de joie et non pas seulement une expérience de l'aneantissement et de l'échec. En scène, je n'ai jamais vu cela representé; même Chéreau qui sait pourtant si bien "relire" les textes d'opera n'a pas eu cette intuition.
Son Tristan était marqué par l'hypothèse que les deux protagonistes était marqué par la dépression des avant le début du drame.

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Message par Bernard C » 14 oct. 2012, 15:06

philipppe a écrit :
Ce que j'ai aimé dans son interprétation d'hier, c'est qu'elle donnait l'impression d'être heureuse, en tant que chanteuse mais aussi en tant qu'isolde. Hors c'est quelque chose que j'ai souvent pensé, que Tristan et Isolde ce pouvait être une histoire de joie et non pas seulement une expérience de l'aneantissement et de l'échec..
C'est très juste et comme toi je trouve ce personnage exaltant , la fraîcheur d'une Isolde furieuse puis heureuse d'aimer .

et puis ces incroyables couleurs , par exemple dans le I,3
schmerzlich bitter ( "Wie lenkt'er sicher den Kiel zu König Markes Land ?")
avant d'altérer furieusement la voix pour respecter l'indication grell und hefitg(/i]("Den Zins ihm auszuzahlen, den er aus Irland zog!")

ça s'est incroyable

et l’inouïe puissance du "Fluch dir, Verruchter" , on n'a tout de même pas entendu ça depuis Nilsson .

--

Carvalho
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Message par Carvalho » 14 oct. 2012, 15:06

Bonjour
Nouveau sur le forum, j'ai également été bouleversé par Nina Stemme hier soir et cela me donne envie d'acheter un de ses enregistrements de Tristan.
J'en ai trouvé un avec Domingo et Pappano au covent garden et un deuxième plus récent avec Minkowsky.
Si le premier me tente pour Domingo, je me demande si à l'époque Stemme n'était pas encore un peu jeune et si elle ne maitrise pas mieux le rôle dans le 2em ?
Qu'en pense nos experts du forum ?
:?:

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aparte

Message par Bernard C » 14 oct. 2012, 15:14

philippe78 a écrit :bonjour
juste quelques mots car je suis encore bien épuisé ce matin après cette soirée..
tout d 'abord côté mondanités j étais au rang C de l orchestre donc l alignement parfait pour profiter du spectacle , 3 rangs juste devant moi quetzal et 5 rangs devant dans l alignement parfait Stemme
sur quetzal tout d 'abord je suis ravi de voir qu' à côté de l'aspect cérébral , documenté, brillant de ses ruborqies ici il sait vivre de manière émotionnelle le spectacle ( se lever, crier bravo ..)
bon j avoue j ai pas eu le courage de l aborder aux entractes..
( ps je sais j'ai un style un peu ironique parfois et violent ici mais c'est pour cacher une ceretaine timidité )
C'est très dommage Philippe , d'autant que je ne suis pas un sauvage .


nb
( il est vrai que certains spectateurs à l'age respectable qui sont à côté de moi parfois se bouchent les oreilles tellement je crie ... :wink: c'était le cas pour Barbe Bleue ; ceci dit moi je ne supporte pas qu'ils ronflent , toussent ou bouffent des bonbons .
je suis d'accord avec toi , B.B était encore une totalité plus aboutie que cet admirable Tristan. Mais qu'aurait dit "Leyla " de la tenue de Goerne ? Il (elle ?) s'en serait évanoui (e) d'effroi :lol: )

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Message par Bernard C » 14 oct. 2012, 15:40

Leyla a écrit :(...)
Quant au public, je trouve regrettable qu'il soit en jeans. Assister à un concert, à un opéra, c'est une cérémonie (rien à voir avec la "mondanité") qui n'est pas à mettre sur le même plan qu'une balade à la campagne.
Respecter l'opéra et la musique ce n'est pas aller à la messe le dimanche ou se montrer au balcon , ou faire cocktail à l'entracte , ou exposer ses bijoux en montant les marches .

ça c'est autre chose qui ne m’intéresse absolument pas .

La cérémonie du spectacle est intérieure .
Certains connards en habits noirs et en robe plus ou moins "habillée" me sont insupportables quand sous l'apparence de la solennité du moment ils manifestent la plus grande des vulgarités par leur babillement idiot , leur arrivée en retard , les bruits de leur corps pendant la musique , leur ennui pendant le II acte parce qu'il n'y a pas "assez d'action" , leur ricanement bruyant etc...

La cérémonie , c'est l’extrême concentration qu'on met à cet instant attendu , précieux entre tous , cette attente sacrée de ce vrai moment de bonheur , ce respect pour l'artiste même défaillant , cette respiration suspendue pour que rien n'altère l'harmonie offerte .

ça c'est la cérémonie du concert ou du spectacle de l'art .

C'est le silence devant " Nighhawks" de Hopper et peu importe que j'aie ma chemise blanche déboutonnée et mes jeans bleus délavés , et que Goerne semble ne pas s'être rasé depuis 3 jours et que Kurwenal porte des slim pants en baryton allemand contemporain qu'il est .

Et si Stemme a besoin de boire son 1/2 vitel pour que son gosier puisse être hydraté ( ce qu'elle ferait dans un spectacle dans les coulisses ) c'est parfait .

Et comme c'est une "jeune" Isolde , si héroïque mais si humaine , et bien ça colle parfaitement . En tout cas moi j'aime ça .

Bien plus que les "divas" bien brunchées et bien lisses .

question de style , chacun ses goûts hein !

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Message par philipppe » 14 oct. 2012, 15:51

quetzal a écrit :


C'est très juste et comme toi je trouve ce personnage exaltant , la fraîcheur d'une Isolde furieuse puis heureuse d'aimer .

et puis ces incroyables couleurs , par exemple dans le I,3
schmerzlich bitter ( "Wie lenkt'er sicher den Kiel zu König Markes Land ?")
avant d'altérer furieusement la voix pour respecter l'indication grell und hefitg(/i]("Den Zins ihm auszuzahlen, den er aus Irland zog!")



ça s'est incroyable

et l’inouïe puissance du "Fluch dir, Verruchter" , on n'a tout de même pas entendu ça depuis Nilsson .

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Oui suis d'accord les imprécations initiales étaient fabuleuses, je ne les ai jamais
entendues comme cela; en revanche un peu en retrait sur "er sah mich in Den Augen" où il n'y avait pas le legato et le piano sublime que j'aime et que je par exemple Price fait miraculeusement dans son enregistrement, et que Meier fait certains soir d'une façon bouleversante.
Plus encore que la Liebestod j'ai trouvé sublime sa première déploration devant le corps mort de Tristan " nur eine Stunde".

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