Le personnage de Don Ottavio - A GARDER DISCUSSION DE FOND

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Message par Friedmund » 30 juil. 2005, 19:42

DavidLeMarrec a écrit :
Friedmund a écrit :Je n'y vois aucun inconvénient... mais à condition que vous acceptiez que c'est là l'équivalent d'un opera buffa, et que s'il y a donc des éléments seria, cela n'en remets pas pour autant en cause sa nature principalement buffa. :D
Principalement, je n'en sais rien. Le cadre annoncé est une comédie, en tout cas. Le Dom Juan de Molière est-il particulièrement bouffe, je n'en suis pas sûr. C'est surtout une forme plus souple.
Mais pourquoi le Don Juan de Mozart devrait-il être dans le même esprit que celui de Molière??? 8O Pourquoi pas Byron, du temps que l'on y est? Qu'ils partagent plus ou moins la même histoire, certes, mais de là à l'étendre à la même esthétique ou au même esprit...

Donc je ne vois pas ce que Molière vient faire dans ce débat.

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Message par DavidLeMarrec » 30 juil. 2005, 19:44

Friedmund a écrit :Un truc auquel je viens de penser... Le trio des masques... des déguisements, des quiproquos...
Ah bon, les héros sérieux ne se travestissent jamais pour affronter le danger ?

Quand aux quiproquos, où cela, dans le trio des masques ? Don Ottavio prend Elvira pour Anna ? Ou après, Don Gio prend Anna pour Zerline ?

ça ne sentirait pas le buffo à plein nez tou ça?

Friedmund - parti s'abriter dans un bunker le temps que l'orage passe...
Menu au choix :

- Come furia disparata ti sapr'o perseguitar.
- Pour te punir j'irai jusqu'aux enfers.

Le menu gastonomique Wälsung permet d'avoir accès aux deux.

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Message par Friedmund » 30 juil. 2005, 19:49

DavidLeMarrec a écrit :
Or vous me parlez sans cesse non seulement de cohabitation, mais surtout de cohabitation équilibrée en proportion entre le buffa et le seria en ce qui concerne la nature de l'oeuvre.
Non, non, on parle de cohabitation qui ne soit pas de l'ordre du "bouffe, moins quelques éléments utilitaires qui ne sont pas serio".
Il n'est pas question d'équilibre, mais de moins déséquilibré que ce que tu proposais (90% de bouffe, le reste n'étant pas serio pour autant).
J'ai déjà répondu: à 70-30, je signe.
DavidLeMarrec a écrit :
Et si pour toi les deux sont justement équivalents, si je te fais plaisir en disant dramma giocoso, me feras-tu plaisir en disant opera buffa? :wink:
Justement :
- je ne suis pas persuadé de l'équivalence, moi
- dramma giocoso est le terme officiel

A toi, ça ne devrait poser aucun problème, en revanche.
Je crois que c'est tout le débat.... La question n'est pas tant dans le terme de Dramma Giocoso, mais dans ce que l'on entend par ce terme.

Mais une chose est sûre, Don Giovanni est un dramma giocoso. Ce qui ne signifie pas pour autant que ce ne soit pas un opera buffa, le dramma giocoso en étant visiblement un des noms ou types. :wink:

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Message par Friedmund » 30 juil. 2005, 20:31

DavidLeMarrec a écrit :Le menu gastonomique Wälsung permet d'avoir accès aux deux.
Il ne faut cuisiner la chair du Wälsung avant d'en avoir eu la peau :wink:

Et au bout du compte, nous polémiquons, nous polémiquons, mais cela fait 10 pages de ce fil que rien ne vient profondément ni infirmer nettement mon propos, ni prouver le vôtre. Sachant que vous partiez d'une vision classique et moi d'une vision beaucoup plus iconoclaste, donc plus difficile à défendre, que vous étiez en attaque et moi en défense, et de surcroît à deux contre un, j'aurais quand même tendance à dire que pour le menu Wälsung il te faudra pour l'instant rester sur ta faim. :wink:

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Message par bajazet » 30 juil. 2005, 20:41

Friedmund a écrit :une chose est sûre, Don Giovanni est un dramma giocoso. Ce qui ne signifie pas pour autant que ce ne soit pas un opera buffa, le dramma giocoso en étant visiblement un des noms ou types. :wink:
Contours du Dramma giocoso.
Quelques éléments, à défaut de la définition du Grove, ou des lumières d?EdeB

1) La définition de Wikipedia alléguée par Friedmund, peut-être légitime, donne comme traduction de « dramma giocoso » : « joyful tragedy », ce qui fait douter du sérieux de cette source.
« Opera buffa (funny opera), also known as Commedia per musica (comedy for music), or Dramma giocoso per musica (joyful tragedy for music), is a form of opera. » (Wikipedia)

2) On trouve cette autre définition pour Dramma giocoso (http://www.music.vt.edu/musicdictionary ... ocoso.html):

« A kind of comic opera originating c. 1750, with sentimental or pathetic plots bordering on tragedy rather than the traditional lighthearted comic plots. »

3) Sur le contexte du « dramma giocoso » à Vienne dans les années 1780

a) www.unifr.ch/art/musicologie_cours_0102.htm
Cours: Mozart et les autres. L?opéra à Vienne sous le règne de Joseph II. Mardi, 15-17 h (SE)
Entre 1783 et 1790, grâce à un concours de circonstances favorables qui remontent, en grande partie, à la politique culturelle de l?empereur Joseph II, le Burgtheater de Vienne voit la culmination du genre italien "dramma giocoso". Le cours veut donner une analyse de Le nozze di Figaro, Don Giovanni, Così fan tutte, à partir du contexte musical et dramatique du répertoire viennois contemporain, représenté par les opéras de Paisiello, Salieri, Martin y Soler; il a pour but de montrer dans quelle mesure la nouvelle attitude esthétique et la complexité structurelle des chef-d??uvres de Mozart, bien qu?exaltées par la qualité supérieure de l? écriture et de l?imagination dramatique du compositeur de Salzbourg, sont la conséquence d?un véritable projet de renouvellement théâtral qui touche le "dramma giocoso" viennois dans son entièreté.


b) http://www.goldbergweb.com/fr/magazine/ ... /25047.php
« D?autre part, de nombreux traits de ses dramme giocosi [de Martin y Soler] sont tracés avec des éléments plus propres de la tragicomédie : Endymion, le Prince, Sylvain ou Clizia présentent toujours le contraste entre le sérieux de leur origine mythique et leur haut niveau social, et la fragilité de leurs réactions. Ce ne sont pas des caractères nettement bouffes ; un bon exemple en sont les arias Piú Bianca du Prince ou Lieti e amorosi i rai que chante Endymion : le traitement élégiaque et précieux ? en porcelaine délicate ? de ce personnage coïncide pleinement avec la personnalité du beau berger, personnification du sommeil éternel, du baiser argenté de la lune, si souvent chanté par les poètes. »(J.B. Otero)
Cela n'a guère de rapport avec DG, mais marque néanmoins, il me semble, la dimension hybride inhérente à la forme prise par le "dramma giocoso".


c) (sur le genre du "dramma giocoso, pris sur la longue durée)
:
« not the "commedia per musica" but the "dramma giocoso semiserio" with its middle-of-the-road language for middle-class audiences, its lighter burden of recitative and its greater simplicity of plot would hold, for the later eighteenth century, the strongest appeal. »
(http://www.cini.it/fondazione/09.pubbli ... estra.html)


4) et enfin :
« Este filibustero sensual se mueve entre destacadas figuras de la opera seria (Donna Anna, Don Ottavio, el Commendatore), tipos tragicómicos (Donna Elvira, Masetto) y personajes de la opera buffa (Zerlina, Leporello). Las categorías empiezan a resultar mixtas » (www.weblaopera.com/historia/histo4.htm)

P.S.
Je me demande si le caractère tenace de l'interprétation erronée de "dramma giocoso" en "action théâtrale mêlant éléments sérieux et éléments comiques", alors que littéralement cela signifie "comédie", n'a pas sa source justement dans la perception intuitive que Don Giovanni ne saurait être ramené au seul profil "buffo".

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Message par EdeB » 30 juil. 2005, 21:49

bajazet a écrit : 3) Sur le contexte du « dramma giocoso » à Vienne dans les années 1780

a) www.unifr.ch/art/musicologie_cours_0102.htm
Cours: Mozart et les autres. L?opéra à Vienne sous le règne de Joseph II. Mardi, 15-17 h (SE)
Entre 1783 et 1790, grâce à un concours de circonstances favorables qui remontent, en grande partie, à la politique culturelle de l?empereur Joseph II, le Burgtheater de Vienne voit la culmination du genre italien "dramma giocoso". Le cours veut donner une analyse de Le nozze di Figaro, Don Giovanni, Così fan tutte, à partir du contexte musical et dramatique du répertoire viennois contemporain, représenté par les opéras de Paisiello, Salieri, Martin y Soler; il a pour but de montrer dans quelle mesure la nouvelle attitude esthétique et la complexité structurelle des chef-d??uvres de Mozart, bien qu?exaltées par la qualité supérieure de l? écriture et de l?imagination dramatique du compositeur de Salzbourg, sont la conséquence d?un véritable projet de renouvellement théâtral qui touche le "dramma giocoso" viennois dans son entièreté.
Il serait bien temps qu'on commence à le dire et à l'écrire -la France a de bonnes années de retard en ce qui concerne la littérature vulgarisante....
Oui, entre autres choses.

De toute façon, dramma giocoso et opera buffa sont des synonymes... et des étiquettes opposées à opera seria, tout comme la comédie l'est de la tragédie (en ce qui concerne le théâtre).
Le terme a évolué et le genre a été aussi appellé opera semi seria (dans un tout autre contexte, celui de Naples, en 1789, pour la Nina Pazza per amore de Paisiello, mais là, on tombe dans le début du genre larmoyant) ou encore commedia semiseria (comme la Pie voleuse), et dérive ensuite jusqu'aux étiquettes de tragicommedia au XIXe.

Dans toutes ces appellations non seria (terme contemporain usité par les musicologues américains, mais relativement abandonné) , on trouve également :
dramma giocoso
opera semi seria
dramma eroico
(pas comique)
melodramma eroico giocoso (comédie)
opera buffa
burla
burletta
farsa
farsa giocosa
melodramma tocante il giocoso
(j'ai lu ce truc quelque part, mais je ne me souviens plus où !)
etc etc etc

C'est un faux ami en français qui a tiré vers cette mauvaise interprétation fort répandue, à savoir que le dramma giocoso était "dramatique" (dans le sens de "tragique, sérieux etc...") Donc ce serait un "drame joyeux/rigolo, donc tirant forcément sur la parodie"? Pas du tout, c'est simplement un genre qui n'est PAS du seria, et qui utilise des structures littéraires et musicales buffa avec ensembles, finales structurées de manière spécifique et mélange de tonalités des personnages. Non. C'est "théâtre comique" opposé au "théâtre sérieux" (= noble) [par ex, Ann Storace, engagée comme "prima buffa" était au début de sa carrière buffa spécialisée dans les personnages semi serie et chantait systématiquement un rondo ainsi qu'un machin à vocalise dans le genre seria]

Les subdivisions structurelles de la musique changent un peu de lieu en lieu, selon les époques, et s'infléchissent un peu selon les modes et les désidaratas, mais l'opposition reste dans le sens où les personnages mis en scène sont des personages contemporains, avec des intrigues qui n'ont rien d'historique ni de mythologique, et dont les caractéristiques peuvent aller de la farce pure (issue de la comedia dell' arte) à caractère semi-serio.

En plus, Vienne était un des laboratoires de l'évolution du genre sous Joseph II et le cahier des charges était très innovateur et très strict. Ce qui complique la chose, parce ce qui est valable pour Vienne ne l'est ni pour Paris, ni pour Milan, ni pour Naples etc...
Ne pas oublier pour Vienne, où l'on ne donnait plus de serie depuis belle l'heurette, que les chanteurs engagés au Burgtheater étaient TOUS des chanteurs qui avaient fait leurs preuves dans le seria, même si on n'en donnait plus... Cela fait quand même réfléchir sur le contexte spécifique de production de l'oeuvre !

Ceci dit, je ne vais pas faire ici un cours magistral hors de propos, et j'ai lu des dizaines de traités, thèses, bouquins sur la question sans commencer d'en faire le tour, sans compter la lecture de tous les livrets XVIIIe viennois sur lesquels j'ai pu mettre la main ; c'est impossible de résumer une question aussi complexe en quelques lignes.

Emmanuelle, de + en + ahurie à la lecture de ce fil

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Message par bajazet » 30 juil. 2005, 22:07

EdeB a écrit :dramma giocoso et opera buffa sont des synonymes... et des étiquettes opposées à opera seria, tout comme la comédie l'est de la tragédie (en ce qui concerne le théâtre).

[?] C'est "théâtre comique" opposé à "théâtre sérieux" (= noble)

Emmanuelle, de + en + ahurie à la lecture de ce fil
Mais pourquoi, ahurie ?

J'entends bien le clivage comédie / tragédie. Mais le problème n'est-il pas justement que la comédie au XVIIIe se caractérise par d'importants phénomènes d'hybridation ? Voir déjà au XVIIe ce qu'essaye Corneille avec Don Sanche d'Aragon, "comédie héroïque", qui correspond me semble-t-il à l'étiquette "melodramma eroico giocoso" que tu cites. Ce n'est pas une tragédie, mais ce n'est pas non plus une comédie au sens où nous l'entendrions communément.

Mon interrogation demeure sur le genre malgré tout "mixte" dont relèverait Don Giovanni, par ailleurs différent de la "comédie larmoyante". Encore une fois, que faire d'Anna et du Commandeur (et de tout ce qu'ils draînent dans l'action) dans une forme d'opera buffa ?

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Message par EdeB » 30 juil. 2005, 22:33

bajazet a écrit : Mon interrogation demeure sur le genre malgré tout "mixte" dont relèverait Don Giovanni, par ailleurs différent de la "comédie larmoyante". Encore une fois, que faire d'Anna et du Commandeur (et de tout ce qu'ils draînent dans l'action) dans une forme d'opera buffa ?
Ce n'est pas un genre mixte : c'est une des composantes normales du genre à Vienne. Le buffa/giocoso etc.. n'est pas forcément du comique pur jus où l'on se bidonne en permanence : l'alternative est donc assez large, me semble-t-il.... Quant à dire que dans telle oeuvre, on a 10% de buffo et 30% de serio, c'est totalement anachronique et hors de propos. Personne ne raisonne comme cela à l'époque : on a un genre aux règles relativement laches mais très précises, et qui n'est pas du seria (comme Giulio Cesare, Mitridate ou Antigona !)
On a des personnages qui varient dans leur emploi et qui agissent selon le canevas logique de leur structure d'origine (Leporello comme un valet, Anna comme une aristocrate) : après, évidemment, cela crée des effets de structures intéressants, aussi bien dans le livret que dans la partition.

Par ex, le personnage de la Comtesse dans La Scuola de' Gelosi (Salieri) a directement inspiré Da Ponte -piqué des tas de passages du texte- pour Elvire, et est déjà semi serio.
On a des exemples d'aristocrates vengeresses dans le buffa. Ce n'est pas un thème exceptionnel.
Par contre, le Commandeur/statue et son ressort surnaturel sont perçus comme faisant partie, littérairement parlant, d'un vieux machin dramatique dépassé et même vulgaire, destiné aux enfants et au peuple... Cela fait partie de l'histoire. Ceci dit, je n'ouvre pas le débat sur ce que Mozart et Da Ponte en ont tiré ou pas, de cette étape obligatoire de l'histoire. Ce n'est pas mon propos. Seulement, de repréciser que le thème historique de Don Juan est considéré comme faisant partie du répertoire comique, de foire, vulgaire et dépassé, déjà dès la première mise en musique du thème, avec l'Empio punito de Melani. (cf dossier correspondant sur ODB)

Voir aussi les hurlements de protestations des chanteurs dans Il Capricio drammatico de Bertati quand on leur propose de jouer/chanter Don Juan :

Ninetta (chanteuse) : L?action est invraisemblable ; le livret construit en dépit des règles ; la musique, je n?en sais rien, mais je présage qu?elle est encore pire.
L?imprésario Policastro : Mais croyez vous donc que l?on fasse attention aux règles ? On fait attention aux goûts du public, et on se fait souvent plus d?argent avec des niaiseries qu?avec des ?uvres bien composées, bien réglées et intelligentes.(sc. 2)

Cavaliere Tempesta (amateur d?opéra) : J?ai vu la nouvelle affiche exposée sur la place. Don Giovanni ou le convive de Pierre.
Guerina (chanteuse) : Non. De pierre.
Cavaliere Tempesta : Que ce soit de Pierre ou de pierre, voici ce que dit l?affiche. Comédie en un acte. En musique. Ah, ah ! comment une comédie peut-elle être en musique ? Les opéras se font en musique ; mais les comédies s?écrivent toujours en prose, et j?ai décidé que la votre sera une belle et étonnante porcherie. (sc. 5)

Cavaliere Tempesta : Je me suis informé, cher imprésario : vous faites passer cela pour une nouveauté, mais c?est vieux, très vieux, plus vieux que l?invention du tournebroche. Les comédiens jouent ça depuis deux siècles, avec grand tapage, mais uniquement pour la canaille.
L?imprésario Policastro : Mais notre comédie bien qu?elle soir tirée de l?espagnole de Tirso de Molina et de celle de Molière et de celle que nos comédiens [de la commedia dell?arte], quelle qu?elle soit, elle n?a jamais encore été vue.
(sc.9)

Je cite aussi un autre extrait du dossier ODB :
Longtemps après que Da Ponte se fût installé à New York, un de ses amis, le docteur John W. Francis, lui demanda comment il travaillait avec Mozart. A cette question que chacun se pose, ne demeure qu?une réponse évasive notée par le Dr Francis en 1865.

"Ses récits renforcèrent les témoignages sur l?énergie ardente, non, presque impétueuse que Mozart mettait dans son travail ; sa rapidité de décision, et son intellect aventureux. L?histoire de Don Juan est devenue familière de milliers de façons ; Mozart était déterminé à écrire cet opéra comme une ?uvre exclusivement sérieuse, et avait déjà bien avancé dans son travail. Da Ponte m?affirma qu?il lui avait fait des reproches à ce sujet et qu?il lui avait démontré avec urgence qu?il fallait que ce grand compositeur réintroduise la vis comica, de manière à obtenir un succès plus grand, et lui avait préparé le terrain avec le Batti, batti et Là ci darem la mano, Etc?."

Même si l?on peut considérer que cette affirmation de troisième main est fiable, il est peu probable que Mozart ait souhaité faire un opera seria à partir d?une ?uvre devenue essentiellement populaire et du domaine de la farce. Cependant elle rend bien compte de la perplexité des spectateurs de cet opéra "expérimental", si différent des autres opéras bouffes de la fin du XVIIIème siècle. Le dramma giocoso -qui signifie en réalité la même chose qu? opera buffa, "pièce de théâtre bouffonne"- revenait à ce que Mozart entendait créer depuis 1780 : un opéra mêlant, comme le faisait Shakespeare qu?il avait lu, passages joyeux et sérieux, métaphysique et trivialité, tout une vie scénique qui revenait aux Mystères médiévaux, aux légendes populaires et aux exempla de prédication dont était tirée la légende dont il créait l?un des derniers avatars majeurs
.
et j'ajouterais, ....ce qui était une composante NORMALE, pour Vienne et Prague, de ce genre de prédilection de Joseph II.
(cf aussi la lettre de Mozart où il indique ce qu'il souhaite écrire comme type d'opéra)
De toute façon, Da Ponte ment ou enjôlive, comme dans 92% des cas : il était bien placé pour savoir qu'on ne donnait plus de serie à Vienne, et que la troupe de Prague n'avait pas de chanteurs serie en son sein....
Il fait simplement son intéressant, écrivant au XIX où DG a déjà une connotation tragi-romantique (Da Ponte a sans doute causé à son pote de NY entre 1830 et 1838, date de sa mort...)
Si les propos sont "fiables", cela montre bien 1/ l'ignorance complète de son pote sur ce qu'est le seria -bon, c'est un new yorkais du XIXe, le malheureux, pouvait pas savoir. I l a mal compris les propos et les a déformés. 2/ ou bien que Da Ponte avait complètement oublié son "Petit Metastasio pour le nuls" en Europe et 40 ans de carrière classique... Aïe de lui !

"opéra expérimental" pour Prague, car Da Ponte et Mozart ont exporté les recettes viennoises spécifiques... d'ailleurs trop difficiles à avaler, puisque l'opéra ne fut pas créé dans les temps.

PS 1 : Dossier Don Giovanni sur http://site.operadatabase.com.site.hmt- ... page&pid=9

PS 2 : tu appelles cela "mixte" ou "hybridation", un spectateur du XVIIIe ne te comprendrait pas : c'est du "non seria", avec tout ce que cela implique.
Le fait que Don Giovanni soit l'avatar d'une farce de tréteaux complique l'affaire, mais cela ne devrait pas. Le thème n'est pas plus "sérieux" que des tas d'autres buffe donnés au Burgtheater.
Anna et le commandeur sont des personnages appartenant à une typologie sociale qu'on trouve souvent dans ce type d'oeuvres, qui montrent un spectre social très étendu. Qu'est-ce qui est surprenant là dedans ?

PS 3 : Rendez-nous Fra i due litiganti !! pour qu'on se rende compte ENFIN que les Nozze di Figaro n'étaient pas si révolutionnaires que cela.... et La Scuola de' Gelosi, tant qu'on y est !!

PS 4 : Je vais me coucher. Messieurs les donjuovanistes, bonsoir !

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Message par Friedmund » 30 juil. 2005, 22:44

Emmanuelle, merci pour ton savoir, qui était devenu ici indispensable, et la clarté avec lequel tu l'exprimes! :fleur:

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Message par EdeB » 30 juil. 2005, 22:47

Merci. :oops:

PS : j'ai révisé mon post du dessus en rajoutant quelques détails, je crois que j'ai été trop éliptique.

Emmanuelle, atteinte de "loghorrée constipatoire".(C'est grave, docteur ?)

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