Soir (Berceuses (mais pas que...) - E. Warnier / M. Thoreau La Salle / Heures du Jour - CD Muso 2018

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EdeB
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Soir (Berceuses (mais pas que...) - E. Warnier / M. Thoreau La Salle / Heures du Jour - CD Muso 2018

Message par EdeB » 22 janv. 2019, 22:23

Soir
Berceuses (mais pas que...)


Gabriel Fauré – Soir
Xavier Montsalvatge – Canciòn de cuno para dormir a un negrito (Cinco canciones negras, n° 4)
Johannes Brahms – Wiegenlied
Franz Schubert – Wiegenlied
Charles Gounod – Nuit resplendissante (Cinq-Mars)
Francis Poulenc – Tu vois le feu du soir (Miroirs brûlants, n° 1)
Reynaldo Hahn – L’Heure exquise (Chansons grises, n° 5)
Manuel de Falla – Nana (Canciones populares españolas, n° 5)
Francis Poulenc – Le Sommeil (La Courte Paille, n° 1)
Joseph Canteloube – Brezairola (Chants d’Auvergne III, n° 4)
Ernest Chausson – Apaisement
Georges Bizet – Berceuse (sur un vieil air)
Bernhard Flies – Wiegenlied
Benjamin Britten – The Nurse’s Song (A Charm of Lullabies, n° 5)
Benjamin Godard – Non, ne t’éveille pas encore (Jocelyn)
Richard Strauss – Wiegenlied (Fünf Lieder n° 1)
Déodat de Séverac – Ma poupée chérie
Traditionnel japonais – Berceuse
Gabriel Fauré – La Lune blanche (La Bonne Chanson, n° 3)

Eugénie Warnier – soprano
Marine Thoreau La Salle – piano

Les Heures du jour
Gilone Gaubert-Jacques, violon
David Chivers, violon
Sophie Cerf, alto
Emmanuel Jacques, violoncelle

CD Muso, 2018


Image

Les programmes rendant hommage à cette heure entre chien et loup qui mène à celles où le corps s’apaise dans le sommeil ou se cabre d’incertitudes abondent. Mais celui-ci, sous-titré « berceuses (mais pas que…) », tranche par le mariage des arts d’un projet né d’un élan aussi ancien que le chant conduit au repos. Les chansons du soir, berceuses apaisantes, miroirs de ces heures fragiles, ont traditionnellement été dévolues aux mères, mais ces chants s’adressent en réalité aux enfants de tous les âges. Quand la « remueuse » allie talent de diseuse à la beauté et au soyeux du timbre, et saupoudre ces refrains éternels de curiosité musicale et de générosité, cette heure s’emplit de (re)découvertes et de rêveries éveillées.

C’est à la soprano Eugénie Warnier, dont la carrière se partage entre répertoire baroque (on avait été enchantés par l’une de ses premières apparitions dans un spectacle Charpentier monté en 2004 par l’Académie baroque européenne d’Ambronay ) et des contrées musicales plus récentes, que l’on doit cette heure souvent exquise, conçue en pensant à ses enfants.

Passée une certaine roideur du discours dans un Soir de Fauré un rien étriqué et une Canciòn de Montsalvatge empesée, la cantilène de Gounod séduit par la lente décrispation des affects culminant en un engageant abandon, alors que c’est justement l’angoisse nichée dans la berceuse de Jocelyn qui en fait le prix. Contrastant les évocations vespérales, ce beau programme nous emporte vers diverses contrées : Alors que The Nurse’s Song tintinnabule comme une affirmation de vie, veinée par les fulgurances pianistiques, une berceuse japonaise raffinée verse de douces bénédictions sur un enfant endormi, et Nana se détrempe d’ambiguïtés mauresques en ses arabesques. Appels au sommeil qui fuit, c’est d’amertume dont se teinte un sommeil de Poulenc et la plus colorée Brezairola. Le choix de plusieurs Wiegenlieder permet d’en varier finement les charmes : les célébrissimes berceuses de Brahms et Schubert font osciller les berceaux en distillant de « pures notes d’amour », qui répondent aux perles de lune scintillant sous les doigts de Marine Thoreau La Salle (dans un superbe Bernard Flies) et à la timidité vaincue d’un Strauss dont un ruissellement ouvre la corole. Autres variations savoureuses, les rayons mélodiques brodés par Hahn, Chausson et Fauré d’une « lune blanche [qui] luit dans les bois » permet au chant de laisser couler des rayons dont l’argenté se moire dans un refus des effets faciles. Au charme délicatement archaïque de la berceuse de Bizet, ronronnant au coin du feu, répond le crépitement d’une chaleureuse flambée avec Poulenc.

Marine Thoreau La Salle participe de ces miniatures sensibles, onctueuses ou mélancoliques, par son parfait accord avec la soprano, ainsi que Les Heures du jour au nom prédestiné dont la palette irise ces nuits en marche dans des arrangements garancés d’Emmanuel Hieaux.

Si les couleurs tranchées de Paul Cox conservent un esprit d’enfance au diapason de ce recueil, ses brisures de soirs insérées dans le livret du CD incitent à de bien mystérieuses échappées au creux de leur simplicité apparente. Et le beau texte de Yasmina Khadra où nuits, humanité en devenir, musiques et interrogations s’entremêlent parachève ce disque, qui pour être crépusculaire n’en est pas moins débordant d’une pulsation soutenue.

Emmanuelle Pesqué
Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. - M. Leiris
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