Franz Muzzano a écrit :Cette expérience n'est en rien "légitimée par le succès public", mais simplement valide parce que Fagioli s'approprie ces airs avec le style et la voix qui peuvent leur convenir. Je n'y vois aucune trahison et en effet, ces paléontologues me paraissent bien poussiéreux. À titre de comparaison, la Norma de Bartoli me paraît bien plus douteuse, et son succès public ne la rend pas "légitime".
En revanche, ce qui me gêne plus (en dehors de l'orchestre),
c'est l'uniformité de l'interprétation. Je n'entends pas
de caractérisation différente entre un empereur germanique et un amoureux transi. On a presque le sentiment que tous les airs appartiennent à une seule et même oeuvre. Mais il est possible que l'accompagnement y soit pour beaucoup
Mais justement, tu mets ici le doigt sur le problème essentiel : ce manque de caractérisation et cette uniformité dans l'interprétation que tu signales justement (et qui est à la base de l'impression de monotonie et pour tout dire d'ennui profond qui finit par s'installer progressivement à l'écoute du disque) ne viennent-ils pas du fait qu'une voix de contre-ténor (même brillant comme Fagioli et techniquement très fort) n'aura jamais la puissance corsée, le velouté et la ductilité d'une voix de contralto pour laquelle ces rôles ont été écrits ?
En l'occurrence, la régression et la paléontologie ne sont pas du côté que l'on croit : c'est lorsque l'on échafaude l'hypothèse d'un Rossini fasciné par la voix de castrat et pour qui le contralto n'était qu'un pis-aller, aujourd'hui corrigé par l'ascension des contre-ténors qui peuvent enfin se réapproprier ce répertoire dans lequel ils sont forcément légitimes puisque, dans l'intention rossinienne, il avait été pensé pour eux (on remarquera que dans la foulée et de façon nettement abusive, on considère qu'ils sont forcément les plus proches de cette voix idéale de castrat) ; le choix d'un accompagnement baroquisant complète d'ailleurs le côté justement paléotonlogique de l'entreprise, et tu dis toi-même que tu es gêné par l'orchestre : en fait, de tous les côtés, on est dans le contresens stylistique absolu, ce qui n'empêche nullement d'ailleurs le plaisir que certains peuvent prendre à l'entreprise, comme à celle de Bartoli sur Norma, finalement appuyée sur des présupposés philologiques guère mieux assurés.