Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

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HELENE ADAM
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Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par HELENE ADAM » 15 sept. 2015, 14:57

"Nessun Dorma, the Puccini Album"

Jonas Kaufmann,
avec Antonio Pappano à la tête de l'Orchestre de l' Accademia nazionale di santa Cecilia

Sony Classical


Manon Lescaut, Atto I, « Donna non vidi mai »
Manon Lescaut, Atto II, « Oh, sarò la più bella!... Tu, tu, amore? Tu? »
Manon Lescaut, Atto II, « Ah! Manon mi tradisce »
Manon Lescaut, Atto III, « Presto! In fila!... Non v'avvicinate! No, pazzo son! »
Le Villi, Atto II, « Ei giunge!... Torna ai felici dì »
Edgar, Atto II, « Orgia, chimera dall'occhio vitreo »
La Bohème, Atto I, « O soave fanciulla »
Tosca, Atto I, « Recondita armonia »
Madama Butterfly, Atto III, « Addio, fiorito asil »
La Fanciulla del West, Atto II, « Una parola sola!... Or son sei mesi »
La Fanciulla del West, Atto III, « Risparmiate lo scherno... Ch'ella mi creda libero »
La Rondine, Atto I, « Parigi! È la città dei desideri »
Il Tabarro, « Hai ben ragione »
Gianni Schicchi, « Avete torto!... Firenze e come un albero fiorito »
Turandot, Atto I, « Non piangere, Liù! »
Turandot, Atto III, « Nessun dorma »

Avec la participation de
Kristine Opolais
Massimo Simeoli
Antonio Pirozzi

DVD Bonus avec
-The making off du Puccini Album
- des extraits de l'enregistrement de la Fanciulla del West, Vienne, septembre 2013, Nina Stemme et Jonas Kaufmann
- des extraits de l'enregistrement de Manon Lescaut au ROH, juillet 2014) avec Kristine Opolais, Jonas Kaufmann

Nous étions plusieurs à en être convaincus depuis la Tosca et la Bohême, mais répétons-le : la voix, le style, l'engagement, l'interprétation que Kaufmann donne des oeuvres de Puccini, sont exceptionnels.
Sans doute, en donne-t-il lui même une explication plausible quand il rappelle qu'il a abordé Puccini en ayant Mozart, Wagner, Strauss (et Weber pourrait-on rajouter) dans ses bagages. Et qu'il pouvait donner à l'opéra Italien qui exprime et extériorise ses sentiments, autre chose que du "sentimentalisme" (sirupeux...), du corps, de l'énergie, celle du désespoir des héros romantiques allemands. Un mélange détonnant qui fait mouche.
Ce CD est la synthèse de cet art Kaufmanien qui personnellement, me bouleverse à chaque nouvelle prise de rôle et que j'ai particulièrement apprécié dans les opéras de Puccini que Kaufmann avait déjà abordé avant ce CD : la Bohème bien sûr, Tosca, la Fanciulla, et Manon Lescaut.

Puccini lui va comme un gant. Il en rend toute la violence, la modernité, la tendresse, le désespoir avec une technique si précise qu'elle nous fait rééentendre des airs pourtant chantés par des centaines de ténors avant lui. Redécouvrir même. Son Des Grieux, entendu pour ma part, deux fois sur scène, à Munich et à Londres, est un must. Il ouvre le CD. Et vous scotche dès le début sur l'ensemble de l'enregistrement.
C'est le troisième opéra de Puccini, le seul à ne pas respecter l'ordre chronologique.

Car ensuite, nous parcourons avec le ténor, la route des créations de Puccini.

L'air du Villi est à se damner. Par sa beauté musicale, par son expression de désespoir, premier opéra du jeune Puccini, il chante le désespoir de Roberto qui a abandonné sa fiancée qui en est morte de chagrin. Puccini savait déjà donner aux ténors des airs magnifiques, de véritables "tubes" potentiels du classique, terriblement modernes. Les airs de Puccini, sa facture orchestrale, ont été largement pillés par la musique de cinéma, prouvant son immense potentialité.

Edgar est un "Carmen" à l'envers, un Don José qui épouserait Michaela. L'air est moins remarquable que celui du Villi (à mon sens) mais évoque largement musicalement les futurs thèmes de Manon Lescaut et de la Fanciulla. Beaucoup de douceurs dans la voix de Kaufmann, qui sait désormais alléger sa voix pour lui faire retrouver la jeunesse si nécessaire, puis la durcir et l'amplifier pour exprimer la colère ou le malheur.
Et c'est très étrange (ordre chronologique oblige) de retrouver soudain un Kaufmann familier, entendu des dizaines de fois (et beaucoup d'autres ténors aussi) dans les deux airs suivants la bohème et Tosca. (O soave Fanciulla et Recondita Armonia).

Le même Kaufmann et pas le même.

Celui d'aujourd'hui, qui a gagné encore en flexibilité de la voix, qui peut nuancer à l'infini sans détimbrer, qui donne une épaisseur encore plus grande à ces deux interprétations. (O soave fanciulla à Munich avec Netrebo en juin, avait déjà été un grand moment de douceur, de complicité, de beauté vocale).

Petit regret au passage : il manque "Lucevan le stelle", où Kaufmann m'a toujours bouleversée, bien davantage que dans Recondita Armonia. Car autant le premier air de la Tosca, reste "Italien" (et est bien interprété par beaucoup de ses contemporains), autant l'air de Cavaradossi qui va mourir, est littéralement déchirant avec la voix de JK, au point de trouver (pour moi) tous les autres Cavaradossi ridiculement lyriques dans un rôle tragique.

Je ferai la même remarque pour l'air de Pinkerton (un sale type...) dans Madame Butterfly, que Kaufmann a peu chanté sauf en duo avec Gheorghiu lors de la promotion de son enregistrement de l'intégrale chez EMI. Kaufmann lui donne une patine plus travaillée.

Les airs de la Fanciulla sont parmi les plus grands réussites de ce CD. Le souvenir de sa brillante interprétation avec Nina Stemme est encore magnifiée dans l'enregistrement. Puccini signe là des pages musicales résolument modernes, parfois troublantes sur le plan orchestral, grandiose quand elles sont interprétées par une voix de ce calibre et avec ce pouvoir d'émotion.

Il doit à la Rondine des débuts remarqués (notamment par Placido Domingo) au ROH où il remplaçait Alagna qui ne souhaitait pas chanter avec Gheorghiu cet hiver-là. L'air est moins intéressant, plus régulier, moins héroïque, moins réussi pour tout dire.

Je suis moins convaincue également par son Gianni Schicchi, qui ne convient pas tout à fait à sa voix. Intégrale oblige, il n'a pas reculé devant cet air fait pour des ténors plus légers. Le résultat est sérieux mais moins convainquant que le reste du CD. Il en a fait un air rempli d'humour, avec pas mal de virtuosité, autant que faire se peut.

Par contre son Il Tabarro est héroïque, fier, rempli de fièvre et tout simplement formidable. Pas sûr que ces airs soient si souvent chantés par des voix aussi "riches".

Le CD s'achève par deux airs de Turandot. Comme dans une sorte d'apothéose de perfection vocale. Et comme il a "testé" son Nessun Dorma un peu partout, on sait qu'il est en passe de devenir l'une des références dans l'interprétation de cet air pourtant souvent chanté...

Cette perfection, le CD la doit à l'interprétation exceptionnel de Kaufmann, mais aussi à l'art incroyable de Puccini auquel il rend un hommage fabuleux.
Et au talent de Maestro Pappano quand il est à la tête de l'orchestre de la Santa Cecilia et construit un travail avec son ténor de prédilection et son compositeur favori
Cette communion est tellement parfaite qu'on ne peut que regretter que la voix de Kristine Opolais n'ait pas la noblesse de l'ensemble de l'ouvrage.

A écouter en boucle.

PS : je n'ai pas mis de photo du CD parce que je n'aime pas ces photos photoshopées laides et stupides. Vous le trouverez sans difficulté... Prenez l'album, il comporte un beau livret avec les textes et de belles photos d'affiches de Turandot, Madame Butterfly, la Tosca etc...
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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paco
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Re: Nessun Dorma-Puccini Album-Kaufmann/Pappano- Sony-2015

Message par paco » 15 sept. 2015, 14:59

HELENE ADAM a écrit :Et au talent de Maestro Pappano quand il est à la tête de l'orchestre de la Santa Cecilia et construit un travail avec son ténor de prédilection et son compositeur favori
Cette communion est tellement parfaite qu'on ne peut que regretter que la voix de Kristine Opolais n'ait pas la noblesse de l'ensemble de l'ouvrage.
Et on ne peut aussi que regretter que l'excellent Pappano n'ait pas réussi à hisser l'Orchestre du ROH au niveau de celui de Santa Cecilia... (snif)

Stefano P

Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par Stefano P » 15 sept. 2015, 16:27

Hélène : "Petit regret au passage : il manque "Lucevan le stelle", où Kaufmann m'a toujours bouleversée, bien davantage que dans Recondita Armonia."

C'est quand même bizarre : un album Puccini privé de l'air pour ténor le plus célèbre de ce compositeur (avec "Nessun dorma"), et dans lequel Kaufmann est en général magnifique... S'agit-il d'une stratégie marketing où l'on garde sous le coude quelques bonus pour une édition spéciale "collector" (par exemple pour les fêtes de Noël) ?

Je partage ton enthousiasme pour ce très beau CD et aussi les quelques réserves (l'air extrait de "Gianni Schicchi" vraiment trop "dramatisé" et qui nécessiterait une voix plus légère et plus claire — Florez le chante très bien ; cela dit, on trouve sur YouTube une interprétation du même air (en anglais) par Jon Vickers !!!).

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Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par Polyeucte » 15 sept. 2015, 16:51

Stefano P a écrit :Hélène : "Petit regret au passage : il manque "Lucevan le stelle", où Kaufmann m'a toujours bouleversée, bien davantage que dans Recondita Armonia."

C'est quand même bizarre : un album Puccini privé de l'air pour ténor le plus célèbre de ce compositeur (avec "Nessun dorma"), et dans lequel Kaufmann est en général magnifique... S'agit-il d'une stratégie marketing où l'on garde sous le coude quelques bonus pour une édition spéciale "collector" (par exemple pour les fêtes de Noël) ?

Je partage ton enthousiasme pour ce très beau CD et aussi les quelques réserves (l'air extrait de "Gianni Schicchi" vraiment trop "dramatisé" et qui nécessiterait une voix plus légère et plus claire — Florez le chante très bien ; cela dit, on trouve sur YouTube une interprétation du même air (en anglais) par Jon Vickers !!!).
Il l'a tout simplement déjà enregistré dans son disque "Romantic Arias"...
http://erikcarnets.fr/
"Périsse mon œuvre, périsse mon Faust, mais que Polyeucte soit repris et vive " Charles GOUNOD

Stefano P

Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par Stefano P » 15 sept. 2015, 16:58

"Il l'a tout simplement déjà enregistré dans son disque "Romantic Arias"..."

Polyeucte m'a tuer...

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Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par jerome » 15 sept. 2015, 22:14

Entièrement d'accord avec Hélène! Je viens de terminer l'écoute de cet album et je suis totalement conquis! Peut-être le plus bel album puccinien de ténor qui m'ait été donné d'entendre.

paul
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Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par paul » 16 sept. 2015, 08:07

jerome a écrit :Entièrement d'accord avec Hélène! Je viens de terminer l'écoute de cet album et je suis totalement conquis! Peut-être le plus bel album puccinien de ténor qui m'ait été donné d'entendre.
pas tout à fait conquis (pas encore arrivé au bout du CD, donc loin de tourner en boucle)...
Je reste sur l'album de Cura y'a... quelques années!

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Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par jerome » 16 sept. 2015, 08:20

paul a écrit :Je reste sur l'album de Cura y'a... quelques années!
L'album Puccini de José Cura était et reste un très bel album. Toutefois, la comparaison tourne nettement à l'avantage de Kaufmann car elle met en lumière quelques défauts chez Cura: un chant plutôt engorgé, des coups de glotte et surtout des aigus très serrés et fermés quand ils devraient être nets, francs, arrogants, lumineux (ce qui est le cas chez Kaufmann). Par ailleurs le beau Jonas met dans son chant une plus grande intériorité, un sens de la nuance beaucoup plus poussé, une sensibilité plus fine que Cura qui est beaucoup plus sanguin, plus impulsif, plus "vériste". Or justement Puccini ce n'est pas du vérisme et on ne le chante pas comme du Mascagni ou du Leoncavallo.

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Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par paul » 16 sept. 2015, 08:41

jerome a écrit :
paul a écrit :Je reste sur l'album de Cura y'a... quelques années!
L'album Puccini de José Cura était et reste un très bel album. Toutefois, la comparaison tourne nettement à l'avantage de Kaufmann car elle met en lumière quelques défauts chez Cura: un chant plutôt engorgé, des coups de glotte et surtout des aigus très serrés et fermés quand ils devraient être nets, francs, arrogants, lumineux (ce qui est le cas chez Kaufmann). Par ailleurs le beau Jonas met dans son chant une plus grande intériorité, un sens de la nuance beaucoup plus poussé, une sensibilité plus fine que Cura qui est beaucoup plus sanguin, plus impulsif, plus "vériste". Or justement Puccini ce n'est pas du vérisme et on ne le chante pas comme du Mascagni ou du Leoncavallo.
différences de ressenti...
Cura, j'avais dévoré tant et plus avec, effectivement, quelques réserves stylistiques (pas les mêmes que toi, mais je sais depuis longtemps qu'on a pas la même oreille pour les ténors, mais Cura ça dépote quand même pas mal, direction de Domingo très plombante malheureusement), Kaufmann c'est bien voire beau (est-ce ce qu'on attend dans Il Tabarro....?) mais j'ai pas encore réussi à aller jusqu'au bout du CD. Pourquoi Giacomini il y a 30 ans ans n'a pas enregistré cet album, sniff!
Par contre, entièrement d'accord sur Puccini pas vériste (pour ça écouter l'album "vériste" de Berti, accompagné par un orchestre de fanfare municipale!!!!!!!), mais je ne trouve pas Cura trop vériste et son air de "Villi" est pour moi un must absolu beaucoup plus profond et poignant que celui de JK!

Stefano P

Re: Puccini Album - Kaufmann/Pappano - Sony - 2015

Message par Stefano P » 16 sept. 2015, 09:25

Jérôme : "Par ailleurs le beau Jonas met dans son chant une plus grande intériorité, un sens de la nuance beaucoup plus poussé, une sensibilité plus fine que Cura qui est beaucoup plus sanguin, plus impulsif, plus "vériste". Or justement Puccini ce n'est pas du vérisme et on ne le chante pas comme du Mascagni ou du Leoncavallo."

Entièrement d'accord avec cela : il suffit de comparer la fin de l'air des "Villi" ("Ed io non ho nel cuor / Che tristezza e terror"), très expressionniste et appuyée chez Cura, avec même les sanglots comme dans "Vesti la giubba", et la retenue de Kaufmann, le refus de tout effet vériste, la pureté de la ligne qui révèle toute la subtilité de cette musique et sa grande force émotionnelle.

C'est la même chose avec "Nessun dorma" qui, sorti de son contexte, est devenu (surtout avec Pavarotti, que j'aime beaucoup par ailleurs) le cheval de bataille des ténors, celui qui sert à soulever les foules à la fin des récitals, alors que Kaufmann lui rend sa vérité dramatique, cet aspect nocturne et lunaire qu'il a dans l'opéra et que l'on n'a peut-être jamais mieux entendu qu'ici.

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