Mahler. Symphonie n°4. Chen, Concerto pour violon - Long Yu / ONCT. Toulouse – 16/06/2018

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jeantoulouse
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Mahler. Symphonie n°4. Chen, Concerto pour violon - Long Yu / ONCT. Toulouse – 16/06/2018

Message par jeantoulouse » 17 juin 2018, 14:45


CHEN
, La Joie de la souffrance, Concerto pour violon, création française.
MAHLER, Symphonie n° 4

Long YU
/ direction
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Chad HOOPES / violon
Yuanming SONG / soprano

Halle aux Grains, Toulouse.
16/06/2018


Pour capter d’emblée l’attention des amoureux du beau chant, évoquons la soprano chinoise Yuanming Song qui dans les dix dernières minutes du concert éblouit dans le finale de la Quatrième Symphonie de Mahler.
Vainqueur en 2010 du 48° concours de chant de la ville de Toulouse, elle se produit essentiellement en Chine, et singulièrement à Pékin, même si le programme précise qu’elle a chanté à Vienne, Salzbourg, Buenos Aires, Santiago du Chili… Belle voix longue, souple, elle rayonne dans l’évocation naïve d’un paradis plein de sève, de plaisirs et de joie. La fraicheur angélique du tableau final est idéale pour ce soprano fluide et léger, aérien, mais non gracile ou ténue. La difficulté technique de la partition est loin d’être insurmontable pour une bonne chanteuse ; mais, comme chez Mozart, il faut plus, quelque chose qui relève de la grâce (par exemple, Irmgard Seefried dans l’enregistrement historique de Bruno Walter avec le Philarmonique de Vienne) et Yuanming Song, sans afféterie, avec la simplicité qui sied, n’est pas écrasée par cette référence. La tenue du souffle, l’articulation du texte naïf, les irisations du timbre captent l’attention. L’irradiante évocation du regard de Saint Pierre affectueusement posé sur les anges avant l’agitation frémissante des grelots plonge chaque auditeur dans un univers de pure lumière. La Quatrième de Mahler n’est pas une symphonie en trois temps suivie d’un Lied. Le chef a l’intelligence musicale d’enchainer imperceptiblement le sublime troisième mouvement et le dernier. Un des grands mérites de la soprano chinoise est de ne pas avoir fait retomber la beauté de l’instant extatique qui conclut le mouvement noté « Tranquille » et d’avoir prolongé par son chant ce climat de paix large. Son apparition en robe de fée comme diraient les enfants au climax du III constitue même un instant dramatique d’une grande beauté, mystérieux, poétique.

L’interprétation de l’ensemble de la Symphonie mérite bien des éloges. Dans le premier mouvement, véritable humoresque, on a apprécié le jeu des couleurs, le mariage des timbres, le rythme somme toute enjoué, joyeux , qui doit tant à Haydn, la distribution à l’orchestre de ces détails savoureux, ludiques qui éclatent comme des bulles, fusent ou trompettent, s’épanouissent ou s’évanouissent pour réapparaitre, ces jeux sonores infinis qui font pénétrer dans un univers onirique de grande fête. Très conscient de ses effets, Mahler avait écrit celle lumineuse métaphore : « C’est comme si nous voyions un arc en ciel se dissoudre dans ses milliards de gouttelettes toujours dansantes et chantantes ». On ne saurait mieux dire. L’art de l’Orchestre du Capitole guidé par Long Yu est nous avoir fait vivre ce grand spectacle fluide et coloré.
Dans le bref deuxième mouvement, deux fois moins long que le premier, «Freund Hain, le violoneux, joue pour la danse; la mort gratte bizarrement son violon et nous mène là-haut vers le ciel» (Mahler). Les menaces, Mahler les fait entendre par le son d’un violon accordé un ton plus haut et qui dès lors détone et inquiète. Saluons la performance du violoniste soliste de l’ONCT, Eric Crambes, ses envolées grinçantes ou plutôt grimaçantes, le pincement des cordes, le grondement de l’orchestre, et comme souvent chez Mahler ses changements brusques de climats, de lumières. Mahler écrivait encore : « J'ai voulu rendre le bleu uniforme du ciel. Parfois cela s'assombrit, devient effrayant et fantastique sans que le ciel ne bouge, mais c'est cela même qui nous fait subitement peur, une terreur panique, nous saisit au milieu du plus beau. »
Le plus beau survient lors de l’adagio du 3° mouvement, un des sommets de toute l’œuvre de Mahler. Les contrebasses rythment l’épanouissement de la ligne mélodique, venue d’un monde si lointain et que seuls connaissent les saints. Mahler voulait intituler ce moment Le sourire de Sainte Ursule . Il faut pour traduire ce sourire une forme de transparence orchestrale qui s’opposera aux grands sanglots lyriques qui submergent par moments cette vision sereine et calme. Éclatent parfois, magnifiques, les cuivres, les percussions saisissants avant la coda qui portée par des cordes de rêve nous élève au plus haut avant que n’intervienne la soprano. On comprend qu’à l’issue du concert, le chef chinois tienne à aller personnellement saluer chaque pupitre et fasse applaudir les solistes et leurs collègues pour la qualité de leur interprétation. Chacun est digne d’éloges pour sa virtuosité, son aisance technique, mais surtout pour les couleurs et les rythmes qu’il dispense tant dans le Chant de Mahler que dans celui de Chen.

On connait la qualité de la musique de Qigang Chen, né en Chine en 1951, installé en France, sa fréquentation de compositeurs contemporains (Olivier Messiaen, Betsy Jollas, Claude Baïf…) et des interprètes qui ont créé ou joué ces œuvres (Lang Lang, Yo-Yo Ma, Gautier Capuçon), la diversité de ses activités, l’éclectisme de ses goûts artistiques. Beaucoup se souviennent d’un concert à la même Halle aux Grains en juin 2015 avec Gautier Capuçon interprétant avec concentration et passion Reflets d’un temps disparu de Chen, sous la direction du même Long Yu.
La Joie de la souffrance, concerto pour violon et orchestre (2017) a été créé par Maxim Vengerov et le China Philharmonic à Pékin. L’appariement de ce concerto pour violon et orchestre avec l’œuvre de Mahler n’est pas fortuite. C’est semble-t-il, le même poème « Adieu » de l’écrivain chinois Wang Wei qui a inspiré le dernier texte du Chant de la terre Der Abschied de Mahler et l’œuvre contemporaine. Elle est apparue plus facile d’accès, plus immédiatement mélodique que la pièce pour violoncelle. Grave et chantante à la fois, La Joie de la Souffrance ne voit nullement s’opposer l’orchestre et le soliste. Tantôt ce dernier lance, tantôt il complète et prolonge le chant, mais le compositeur semble chercher l’osmose plus que le différend, dans une quête constante de la fusion retardée , impossible, puis sereine, tendre. Le chant solitaire, plaintif mais noble, digne, s’épanche avec ses émois, ses crispations, ses pincements au cœur. Mais la certitude que « l’herbe sera verte au printemps chaque année » conduit l’homme amputé à vivre la souffrance dans la joie du retour assuré. Le recueillement qui est acceptation de la liberté de l’autre, de sa singularité sourit in fine à la perspective de pleines retrouvailles. Comme chez Mahler, frappent et séduisent l’auditeur la transparence orchestrale et son raffinement, la subtilité des couleurs offerte à chaque pupitre (flutes, clarinette, percussions, cordes, cuivres…), l’étagement, l’échelonnement des effets sonores, leur délicate acuité. Le tout jeune violoniste américain Chad Hoopes (24 ans) dont on peut découvrir le talent sur YT, un peu gauche d’allure, étonne par sa maturité et sa technique. Galvanisé par la présence du compositeur, vivement applaudi aux saluts, Il vainc les difficultés offertes par le partition pour traduire ce que l’on sent du combat intérieur de l’ami abandonné surmontant l’épreuve de la séparation pour retrouver, apaisé, non le pardon, mais la confiance. Une très belle performance que prolonge en bis une Partita de Bach, dont la noble gravité n’est pas éloignée des deux œuvres qui composent le programme. Une belle soirée, de paix et d’échanges.

Jean Jordy

jeantoulouse
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Re: Mahler. Symphonie n°4. Chen, Concerto pour violon - Long Yu / ONCT. Toulouse – 16/06/2018

Message par jeantoulouse » 18 juin 2018, 09:05

Errare humanum est. Le bis joué par le violoniste Chad Hoopes n'était pas de Bach (1685 - 1750), mais une Fantaisie de Telemann (1681 - 1767) . On s'y serait trompé . On s'y est trompé !

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