Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par MariaStuarda » 29 déc. 2016, 22:32

jeantoulouse a écrit :Aucun spectacle théâtral ne m'avait autant bouleversé depuis Les Pièces de Guerre d'Edward Bond, auquel je l'associerai au moins autant qu'à des œuvres de Shakespeare !
Tu as raison, la comparaison avec les pièces de Bond est tout à fait juste.

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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par JdeB » 30 déc. 2016, 11:56

moi Edward Bond, je ne peux pas...Oui, il y a une influence de ce Visconti là sur Bond
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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par JdeB » 30 déc. 2016, 12:00

MariaStuarda a écrit :
JdeB a écrit :oui, il y a aussi une tératologie viscontienne mais qui n'a pas la force de Shakespeare car elle est moins universelle.
Quoi que ... Macbeth me parait être une des oeuvres les moins universelles des pièces de Shakespeare (surement en grande partie à cause de la singularité du personnage de la Lady car Macbeth, lui, est L'ARCHETYPE du monstre avide de pouvoir (avec Richard III qui je crois, le surpasse encore))

C'est d'ailleurs drôle de réaliser qu'aucun compositeur ne s'est attaqué à Richard
Mais si Battistelli a composé un Richard III( Gand / Anvers 2006 et Strasbourg, etc msc Carsen)
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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par JdeB » 30 déc. 2016, 12:08

Adalbéron a écrit :Bien évidemment, les œuvres de Visconti, en particulier après Le Guépard, ont toujours été très théâtrales et "littéraires" (très peu d'actions, une certaine lenteur et grandeur). Dans Les Damnés, la violence est esthétisée et mise en scène ; Visconti ne cherche pas à faire croire qu'il filme la réalité ou la vérité, mais la montée du III. Reich lui sert de fond pour traiter des relations et des passions dans une famille.

@JdeB
Et donc certaines œuvres de Mann aussi et La Recherche de Proust surtout ne seraient pas universelles parce que trop marqué par une "gay culture" ? (si tant est, en fait, qu'une œuvre puisse être proprement universelle et même, qu'il existe effectivement une "gay culture" uniforme).
Non, bien sûr qu'il n'y a pas de gay culture monolithique et uniforme mais des "tribus" bien définies à l'intérieur de cette "sous-culture", des tribus fort homogènes. Visconti en étant une des icônes.

Je ne pense pas que Mann et Proust soient universels, en tout cas moins que Shakespeare, et ce n'est pas uniquement lié à l'ombre portée de la gay culture dans leur œuvre. Les difficultés de traduction pour Proust me paraissent un obstacle encore plus important, de même que le fort codage sociologique et historique. L'effet de microcosme, surtout. Et l'extrême sophistication "idiomatique" à notre époque d'anglais dominant.

oui, il existe des œuvres universelles, celles qui touchent au mythe.

Il y a aussi le cas fort intéressant que j'ai étudié dans le cadre de la fortune de la Jérusalem délivrée (qui a beaucoup influencé Macbeth) d'ouvrages-phares qui ont irrigué toute la civilisation occidentale pendant des siècles, qui étaient des piliers de la culture de tout "honnête homme", des rois, des génies, et des bergers et des gondoliers, et qui ont connu/connaissent un long purgatoire.
Bref des ouvrages unanimement considérés comme universels et qui sombrent, Dante éclipsant presque totalement le Tasse après 1860 par exemple.
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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par Adalbéron » 31 déc. 2016, 18:09

HELENE ADAM a écrit :
jeantoulouse a écrit :J'ai vu Les Damnés à la Comédie Française. Je partage tous les avis positifs que j'ai lus ici, je comprends peu les réticences, objections, et autres expressions de fine bouche qui parcourent le fil pour chercher à tempérer les ardeurs. Cette adaptation est la plus utile, forte, inventive que j'ai vue depuis fort longtemps. Aucun spectacle théâtral ne m'avait autant bouleversé depuis Les Pièces de Guerre d'Edward Bond, auquel je l'associerai au moins autant qu'à des œuvres de Shakespeare ! Et je suis particulièrement sensible à l'avis concernant la vérité matérielle, vivante, dégoulinante de ce théâtre : ici on paie cash, dans la durée, sans fragmentation, sans effet spécial, la sueur est de la sueur, ça colle aux corps, et le spectateur est le témoin parfois abasourdi de cette vérité qui ne triche pas.
C'est aussi ce qui m'a le plus bouleversée sans doute parce que je n'imaginais pas possible de rendre en spectacle vivant, en "vrai", sans tous les artifices que permet l'enregistrement en studio du cinéma ou de la télévision, l'entrée progressive en putréfaction morale de ce système sous l'impact de la fascination pour le pouvoir.
La nuit des longs couteaux et le final (à part la scène d'inceste insuffisamment "véritable" alors qu'elle est hyper-violente chez Visconti), atteignent un paroxysme d'émotions qui rend le public abasourdi et retenant son souffle. Ce "signal" pour moi d'une vraie communion avec ce qui se passe sur scène.
Oui, ces scènes étaient des moments d'une extrême intensité. J'ai aussi été surpris de ne pas retrouver l'inceste, alors que pratiquement tout le reste était là.
Et il faut dire que les scènes pédophiles acquièrent une toute autre dimension quand elles se déroulent sous nos yeux de témoins directs et qu'il n'y a pas de "trucage"...
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth

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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par sopranolove » 05 janv. 2017, 13:58

Je viens de voir ces Damnés sur Youtube. Un spectacle magnifique, pas dans le sens de joli bien sûr mais de poignant, de prenant. Bien sûr, j'ai vu le film de nombreuses fois mais je n'ai pas été déçue tant l'adaptation diffère de l'oeuvre de Visconti. Les acteurs ont volontairement fait abstraction de ceux du film, les oubliant même. J'ai été néanmoins gênée par les scènes entre la petite fille et Martin, et par la nuit des Longs Couteaux : pendant une grande partie, au moins les trois quarts de cette scène, j'ai un peu fait autre chose ! Mais à part cela, que de moments prenants, de grands moments d'interprêtation, mais qui s'intègraient très bien à la représentation, sans en faire de numéros d'acteurs. Et là, j'aimerais rendre hommage à ces acteurs souvent ignorés du grand public que sont ceux du Français ; en premier lieu Montenez et Podalydès (son talent a vraiment été mis à nu, à tout les sens du terme.... Lol ! ) et pour les femmes Lepoivre (que je retrouvais après une Phèdre remarquable) et cette merveilleuse jeune actrice, pleine de grâce et d'émotion, Adeline d'Hermy... Sa fragilité, son émotion, sa présence poétique, dignes de la Charlotte Rampling du film... Et Loic Corbery, aussi. J'ai un peu moins été convaincue par le Brückmann, tant Dirk Bogarde me hante, mais bon !
J'aimerais créer un nouveau topic consacré à la Comédie Française, et parler de tous les acteurs de cette maison, qui au fil du temps, m'ont enchantés et émus.... En attendant, bravo !

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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par JdeB » 05 janv. 2017, 16:11

Podalydès est loin d'être ignoré du grand public tout de même.
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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par paco » 04 mai 2017, 16:15

Dans la continuité de ces Damnés, Ivo van Hove vient de présenter le 2e volet de sa "trilogie", au Barbican de Londres : Obsession, d'après le film éponyme de Visconti (inspiré du "Facteur sonnera deux fois").
La réussite est moins évidente que pour les Damnés...

Côté positif :
- l'ensemble est de haute tenue, très bien travaillé. Notamment, comme pour les Damnés, le texte est découpé avec une précision d'orfèvre et la déclamation semble droit sortie d'un chef-d'oeuvre théâtral, alors qu'à l'origine il s'agit de dialogues d'un film ;
- les acteurs, tous remarquables ;
- des astuces scéniques bien foutues (la façon de symboliser les meurtres notamment)

Côté "mitigé", voire raté :
- le Barbican, autant adapté au théâtre que Bercy serait adaptée à un concert de musique de chambre...
- la sonorisation des voix : une bêtise, parfaitement inutile, d'autant que Jude Law a déjà démontré, à d'autres occasions théâtrales, la force, l'impact de sa voix qu'il sait moduler et colorer à l'infini au théâtre. Ici, tout est sur le même mode et le "forte" permanent de la sono finit par lasser ;
- le décor, beaucoup trop propre, glacé et aseptisé (des meubles de cuisine XXIe siècle parfaitement clean...) pour une oeuvre sensée évoquer sueur, poussière, chaleur suffocante... Dans ce contexte on n'adhère à aucun moment aux situations et à l'ambiance sensée se dégager de la pièce
- la mauvaise idée de faire jouer Jude Law le plus souvent torse nu : à son âge le corps est pas mal défraichi, au gré des tortures subies pour les besoins de films (notamment les +20 kg pour le tournage de Hemmingway). De fait on a du mal à comprendre comment la protagoniste principale peut tomber amoureuse de ce personnage... Dommage car, comme toujours, Law se confirme un acteur de théâtre bien plus exceptionnel qu'il ne l'est au cinéma (vivement qu'un metteur en scène accède à son souhait de lui faire jouer le Roi Lear !)
- Enfin, sans que je sache pourquoi, il y a à partir de la 2e moitié du spectacle une sorte de tunnel d'une bonne trentaine de minutes, au cours duquel on décroche et on s'ennuie. Je pense que c'est dû à la fois au décor qui ne permet pas d'entrer dedans, et aussi à un léger excès d'intercaler de longs silences entre les répliques des dialogues, au bout d'un moment le procédé lasse

Au global, si le spectacle passait à Paris ou près de chez vous, je dirais "pourquoi pas" (par exemple pour les Messins lorsqu'il passera à Luxembourg), sinon pas la peine de faire le voyage à Londres ou à Amsterdam pour la reprise, restez sur l'impression de la très belle réussite des Damnés.

Stefano P

Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par Stefano P » 04 mai 2017, 17:10

Ce serait pas plutôt le troisième volet de la trilogie viscontienne puisqu'il a déjà monté Ludwig il y a quelques années (il me semble d'ailleurs qu'il a aussi adapté Rocco et ses frères, ce qui nous ferait basculer du côté de la tétralogie...) ?

Franchement, je ne vois pas trop l'intérêt de monter au théâtre, avec une nette déperdition esthétique et dramatique, ces grands films de Visconti qui se suffisent largement à eux-mêmes, et dont les scénarios ont été conçus pour l'écran et pas pour le réalisme parfois grandiloquent d'une mise en scène de théâtre. Et puis faire jouer le rôle de Massimo Girotti par Jude Law, Mamma mia !, c'est comme si on servait de la Vache qui rit à la place du Parmigiano Reggiano... :P

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Re: Les Damnés de Visconti à la Comédie Française

Message par paco » 05 mai 2017, 00:38

Stefano P a écrit :
04 mai 2017, 17:10
Et puis faire jouer le rôle de Massimo Girotti par Jude Law, Mamma mia !,
Effectivement, Jude Law a 18 ans de plus que l'âge qu'avait Massimo Girotti lors du tournage d'Ossessione, et, pour ceux qui connaissent le film, ça passe difficilement, en tous cas on a du mal à y croire. Ce n'est pas le talent de l'acteur qui est en cause (au théâtre, Jude Law est exceptionnel, rien à voir avec les fadaises qu'on lui fait faire le plus souvent au cinéma, mis à part Ripley), ni même sa capacité à dégager de la testostérone et un certain mystère, c'est tout simplement l'absence de juvénilité, on n'arrive pas à adhérer à cette histoire d'amour.

Ceci étant, le problème principal de ce spectacle n'est pas Jude Law, loin de là (je continuerai de payer des fortunes pour écouter sa déclamation si shakespearienne et son art de chanter les diphtongues soooo British), c'est plutôt la production elle-même, qui est passée à côté de l'univers de cette oeuvre. Ce que la moquette épaisse de la salle du Barbican et ses balcons métalliques glacés n'arrangent pas...

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