
DVD Sony Classical, sortie Novembre 2015- Représentation enregistrée à l'Opéra de Vienne en Octobre 2013
La fanciulla del West
de
Puccini, Giacomo
Direction musicale : Franz Welser-Möst
Mise en scène : Marco Arturo Marelli
Costumes : Dagmar Niefind
Chef de chœur : Thomas Lang
Opéra en trois actes, livret de Guelfo Civinini et Carlo Zangarini (1910)
Avec :
Minnie : Nina Stemme
Dick Johnson: Jonas Kaufmann
Jack Rance :Tomasz Konieczny
Nick: Norbert Ernst
Ashby: Paolo Rumetz
Sonora: Boaz Daniel
Trin: Michael Roider
Sid: Hans Peter Kammerer
Bello: Tae-Joong Yang
Harry: Peter Jelosits
Joe: Carlos Osuna
Happy :Clemens Unterreiner
Larkens: Il Hong
Billy Jackrabbit: Jongmin Park
Wowkle: Juliette Mars
Jack Wallace / José Castro: Alessio Arduini
Le Postillon: Wolfram Igor Derntl
Orchestre et choeur du Wiener Staastoper
Une très belle version de la Fanciulla del West vient de sortir chez Sony Classical : celle que l'opéra de Vienne nous avait offert à l'automne 2013, qui m'avait beaucoup plu à l'époque et que j'ai pris beaucoup de plaisir à revoir grâce à cette captation de qualité.
La Fanciulla n'est pas l'opéra de Puccini le plus joué ni le plus connu et c'est bien dommage car, à mon sens, il a énormément de qualités.
Une très grande modernité musicale, une ouverture sur scène de foule en partculier (comme dans Manon Lescaut) avec thèmes récurrents qui deviennent vite obsessionnels, un orchestre aux tonalités jazz (et dont les musiques de films s’inspireront largement à l’ère du cinémascope) et une écriture qui laisse une grande place à l’action et à la mise en scène.
L’histoire est belle et émouvante, très western avant l’heure du cinéma d’ailleurs. Ces chercheurs d’or qui ont tout quitté pour migrer vers les terres désertes et sauvages de l’ouest pour chercher fortune, qui trompent leur ennui et leur nostalgie en écoutant de la musique, en jouant (et en trichant) aux cartes, en buvant de whisky, en écoutant Minnie leur lire des passages de la bible, sont admirablement campés et décrits par les scène de groupe fort nombreuses de cet opéra.
On a la tenancière de bar (la soprano) cultivée au grand coeur, le shériff méchant et autoritaire (le baryton) mais amoureux d’elle et bien sûr le bandit (le ténor) venu pour voler l’or des chercheurs qui manque de finir pendu mais sera sauvé par la belle folle amoureuse de lui.
La mise en scène de Marelli qui transpose un peu l’époque (western début 20ème, quand les mythes ont du plomb dans l’aile et que les chercheurs vivent dans des baraques en tôle ondulée, sinistres en plein hiver). Mais l’ambiance western est parfaite, les scènes de groupe admirablement joués par une pléthore de chanteurs, tous parfaitement bien dans leur rôle.
C’est même assez rare de voir sur scène une si parfaite homogénéité et une telle crédibilité dans tous les rôles.
Les entrées en scène de Minnie (explosant au milieu de la dispute des hommes tandis qu’ils se taisent tous respectueusement et instantanément) et de Dick Johnson ( réveillant le plateau un peu assoupi, sac au dos et lançant un vigoureux “Chi c’è, per farmi i ricci? “ pour s’annoncer).
L’ensemble est dominé par le duo magique, dont personnellement je ne me lasse pas, formé par Jonas Kaufmann et Nina Stemme.
Elle est une Minnie au chant superbe, aux infinies nuances, tour à tour bonne, généreuse, naïve, follement amoureuse, passionnée, en colère, toute douce, fondant devant le charme de ce bandit dont elle finira par admettre la duplicité sans lui retirer pour autant son amour.
Il est un malfaiteur à l’image des beaux garçons de l’ouest dans les westerns où le bandit était représenté par la star d’Hollywwod et qu’on finissait toutes amoureuses de lui (d’ailleurs il avait plein d’excuses à avoir mal tourné et c’est la même chose pour le Johnson de Kaufmann).
Son interprétation vocale est de haut vol, les nuances dans son chant, la beauté de sa voix à la fois sombre et éclatante dans les aigus, son jeu d’acteur est hors pair et jamais “faux”.
Du coup, ils peuvent esquisser une très belle valse ensemble ou rester assis l’un près de l’autre, à se guetter, à se chercher sans beaucoup bouger, assis sur la longue table du bar, gestes à l’économie mais chants superbes des deux artistes, regards furtifs, expressions des mains et des visages, c’est suffisant, c’est magique, c’est phénoménal.
La scène “je t’aime moi non plus” qui se passe dans la petite maison (dans la prairie) de Minnnie est tout simplement géniale : ah Minnie habillée d’une improbable “robe de soirée” pour plaire à ce bandit de Johnson, resté en tenue de cow boy et leurs regards échangés, il voudrait bien aller plus loin, elle est pure et se défend comme une jeune fille chaste, lui montre son album de photos, le mettant à la torture. Jamais rien vu d’aussi bien joué et chanté depuis très longtemps à l’opéra.Mais son “Un bacio, un bacio, un bacio solo! ” répété avec force et séduction aura raison de ses hésitations.
Et quelle énergie, quelle conviction quand Nina Stemme surmontant ses réticences, tombe dans les bras du beau Kaufmann.
Le summum est atteint quand elle prendra sa défense au dernier acte. Un rôle de femme amoureuse et courageuse, très beau, que la mise en scène et Nina Stemme valorisent comme l’un des plus beaux rôles féminins de Puccini.
Les seconds rôles sont tous d’un très haut niveau, comme boostés par la qualité générale du plateau et la beauté de la mise en scène. J’ai notamment remarqué une fois encore Boaz Daniel, parfaitement à l’aise dans son rôle de Sonora ou Alessio Arduini, très bon Wallace. Mais on pourrait tous les citer sans problème.
Exception faite finalement (et c’est dommage) de Tomasz Konieczny qui n’est pas parfaitement convaincant en shériff : la voix manque d’éclat et de nuances et est un peu engorgée. Excellent acteur malgré tout .
La direction de Welser-Möst est excellente : un Puccini plein de couleurs, d’accents, de douceur pour accompagner les scènes d’amour, de violence et d’élans pour accompagner les moments où l’action se tend, ou le drame se noue. Il accompagne de très près les chanteurs, les enveloppe des sonorités superbes de l’orchestre et valorise l’ensemble de ce très bel opéra.
A voir absolument !


