Pour continuer et réduire l'effet HS en utilisant Alagna comme exemple principal et ce d'autant plus facilement que mon propos se rapporte à l'opéra et non à la mélodie où l'importance de la langue est différente (et où Alagna s'est peu produit)
Les voyelles transmettent l'émotion, les consonnes la compréhension. Un chanteur doit donc chercher le savant dosage entre les deux et ce dosage lui est propre Il est lié à son univers mental et émotionnel (Alagna jeune citait dans ses références Gigli et Gedda) et à sa propre définition du chant. La technique n'est pas quelque-chose d'artificiel que l'on plaque sur une voix. Pour que la greffe prenne, il faut qu'elle soit en osmose avec ce qu'est véritablement et personnellement le chanteur (Alagna boule vivante d'émotion choisit une technique de chant qui va transmettre cette émotion mais considère que l'élégance en est le véhicule d'où ce phrasé).
D'autres joueront la carte de l'émotion pure et notamment de l'émotion ressentie face à un timbre sublime et déplaceront le curseur vers des consonnes sacrifiées au bénéfice des voyelles (Caballé, Sutherland, Garanca).
Le risque des consonnes est de casser la ligne, le legato. Alagna peut parfois surarticuler et pourtant le phrasé est exemplaire. C'est aussi une raison technique, il ne déplace pas son émission quelque soit la lettre (Doria était aussi un exemple sur les consonnes). Enfin il y a ceux qui comme Bergonzi savent assurer une transition sans rupture . Ecoute "Cielo e mar": tu es 100% voyelle puis progressivement le taux de voyelle réduit dans le son pendant que celui de consonne augmente jusqu'à arriver à 100% et cela repart dans l'autre sens; ce n'est pas un choix émotionnel ou intellectuel d'interprétation, c'est une démonstration de technique inouïe
Cet équilibre peut bouger quand on change de tessiture ou de répertoire (exemple de Koch) ou quand on veut "amplifier" le volume sonore (BUM)
Je ne parle bien sur ici que des grands où cet équilibre résulte d'un choix et non des autres où il est subi par des limites techniques ou de ceux qui ont un respect très particulier du public (Opolais lors d'une interview avant la Juive de Munich précisant en substance que le peu de Francophones dans la salle la dispensait de faire des efforts)
Tout cela pour expliquer que quand votre technique de chant rend ce dernier clair et intelligible, il en sera ainsi quelle que soit la langue.
Ce qui va seulement changer quand vous maîtriser une langue étrangère "dans la vie privée", sera votre capacité à mémoriser un rôle (et on boucle la boucle sur Alagna)ou de gérer le stress du trou de mémoire (souvent en chantant et en cas de défaillance de mémoire votre cerveau vous envoie automatiquement un mot à la place de l'autre sans perturber le sens)