Alfredo Kraus

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Bernard C
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Message par Bernard C » 07 août 2011, 18:16

veniziano a écrit :(...)j'étais à Orange en 1980, et j'y ai vu le Duc de Mantoue idélal pour moi, la grande classe , j'y ai vu un grand seigneur, sur de lui et nottamment de sa technique. (...).
Dans ce que tu dis il y a l'essentiel à mon sens de ce qui fait la puissance de cette jouissance pleine que j'ai éprouvée en entendant A. Kraus dans le Duc , mais aussi dans les rôles ou les airs où je l'ai trouvé insurpassable .

Je me souviens notamment avoir entendu à Paris à quelques mois d'intervalle Pavarotti dans la romance de Nemorimo ( qu'il avait d'ailleurs bissée , ce qui ne se faisait plus du tout , en agitant son mouchoir ...ONP fev 87!) et Kraus donner cette même Una furtiva lagrima (en bis de son récital du TCE (juin 86) .

Grandioses étaient ces monstres mais à 6 mois d'intervalle , Kraus avec un piano était Nemorino , Pavarotti au théatre était Pavarotti !

Tu le dis : le personnage dans sa certitude , un grand seigneur , un romantique , un personnage de Caspar David Friedrich , ce mélange du latin et de l'Europe centrale . Et la technique , la technique chez Kraus , c'est vraiment la principale ( mais pas suffisante) force de son art . L'art , la maitrise de l'art qui lui permettait d'aller au bout des notes , les notes en tant qu'émanation de l'intention dans la phrase . Les notes hautes étaient chez Kraus ,non pas une décoration du texte mais une exaltation de la vérité du personnage .
Quand on a encore son "addio" du Duc , la note finale , je ne sais pas quel contre -quelque chose c'est ( je ne suis pas assez musicien pour connaitre les partitions ) , mais cette note n'est plus facultative quand Kraus la fait comme il la fait .
Son aigu comble l'harmonie de l'instant , clôt définitivement la scène qui se déroule , lui donne un sens plein (un "point de capiton" aurait dit mon maître Lacan)

Comme il n'y a pas de chose tirée ( jamais de stecca) produite dans la souffrance du doute , mais produite de l'art , du travail prêt au bon moment , on a là une chose aussi parfaite qu'il est possible ; comme lorsqu'on regarde avec une loupe la "finition absolue" des personnages microscopiques se promenant sur le pont lointain de "La Vierge du chancelier Rolin".

Donc oui , la technique est une valeur qui est écrite dans Verdi .
Ce que tu dis "de la grande classe" ,j'appellerais ça le "goût" qu'il met toujours dans chaque phrase , dans chaque nuance , dans une articulation incisive : Kraus chantait chaque note , mais il chantait aussi chaque mot placé dans une ligne . Son corps accompagnait sans composition un personnage devenu "naturel" avec peu de gestes et sans surjouer. Le personnage prenait la lumière , pas le chanteur .

Ce qui n'était pas le cas , jamais chez Pavarotti , mais ce qui n'est pas toujours le cas non plus chez Domingo .

Bernard
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Message par Bernard C » 07 août 2011, 19:33

veniziano a écrit :Tu as absolument raison, tu fais bien de me corriger, je devrais relire ma prose PLUS ATTENTIVEMENT.
bah , je ne voulais pas "corriger" l'évidence , je voulais juste faire un clin d'oeil .:D

:cheers:

Bernard
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Re: Alfredo Kraus

Message par PlacidoCarrerotti » 04 janv. 2017, 18:56

Une saison courte mais qui m'aurait plu ...


Image
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Alfredo Kraus

Message par altini » 04 janv. 2017, 19:43

Quelle année?

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Re: Alfredo Kraus

Message par PlacidoCarrerotti » 04 janv. 2017, 22:51

altini a écrit :Quelle année?
1967 !
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Alfredo Kraus

Message par altini » 04 janv. 2017, 22:58

:Jumpy: :Jumpy: :Jumpy:

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Re: Alfredo Kraus

Message par Adalbéron » 15 juin 2017, 00:32

Ah mes amis quel jour de fête !

Cet après-midi, abattu par la chaleur, prostré devant mon ventilateur préféré (Arnaldur pour les intimes), je me suis dit qu'un peu de Bellini pouvait m'apporter un vent de fraîcheur — la brise marine rafraichissant la peau sur le port de Catane en avril ou l'humidité glauque des forteresses anglaises ; simplement la ligne pure des mélodies de Bellini —, c'était I Puritati.
Je connais l'oeuvre par la version de Bonynge, et j'avais envie d'écouter la version de Muti (Caballé en studio... et Kraus..., il n'y avait rien pour me plaire a priori, mais il y avait Muti, et je suis prêt à tout pour lui).

J'étais déjà tout secoué quand le « A te o cara » est arrivé... Je grinçais déjà des dents en pensant à ce qu'allait faire Kraus... Mais soudain... —

J'ai enfin compris pourquoi certains étaient si fou de Kraus. La ligne musicale était d'une tenue, le souffle d'une maîtrise... un art de ciseleur et où l'émotion était puissamment présente. Enfin, son contre-ut m'a mis à genoux : je ne crois pas avoir entendu au disque de plus beau contre ut, et en fait si bien amené, sinon celui de Carreras dans « Che gelina manina » dans un live dont je n'ai plus les références. Évidemment, il a toujours son timbre nasillard et son vibrato caprin, mais cela ne m'a pas gêné au point où cela a pu ailleurs me gêner (dans la Manon de Plasson, Seigneur...) ; le studio le flatte un peu, sans doute.
Peut-être suis-je enfin mûr pour cela aussi, depuis que je me suis converti à Scotto et que je tombe à genoux chaque fois que le son de sa voix sort de mes microsillons, que je pleure et tressaille en implorant la Madonna dell'Opera de ne plus tourmenter ainsi mes sens, alors que je trouvais sa voix jusqu'il n'y a pas plus de quatre mois d'une laideur indicible (je me disais : « aïe aïe, c'est laid, elle est irrécupérable... », et puis j'ai entendu sa Lady Macbeth...).

Je ne suis pas près (prêt ?) de devenir Kraussophile, mais c'est un bon début je crois (j'ai réécouté quelques extraits de son Werther pour voir, et mes boutons sont revenus malheureusement...). Il faut que j'écoute la suite de l'enregistrement, puisque je me suis arrêté là après avoir exigé de Kraus au moins 10 bis ;).
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth

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Re: Alfredo Kraus

Message par altini » 15 juin 2017, 06:01

Dans Les Puritains c'est un ut dièse (ou un ré bémol, les spécialistes trancheront).
J'aimerais entendre aujourd'hui sur scène un" timbre nasillard et un vibrato caprin" semblables. Sans parler d'une classe et d'une présence qui font du duc de Mantoue un aristocrate et non un vulgaire loulou comme on peut le voir aujourd'hui.

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Re: Alfredo Kraus

Message par enrico75 » 15 juin 2017, 09:51

son" je crois entendre encore" des pécheurs de perles reste un modèle surtout qu'il le chantait quelquefois un demi ton au dessus!

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Re: Alfredo Kraus

Message par PlacidoCarrerotti » 15 juin 2017, 10:13

Et je trouve que la prise de son studio le dessert plutôt qu'elle ne le flatte : je n'ai pas un très bon souvenir de ces Puritains.
Les "live" rendent davantage justice à son squillo et le côté légèrement nasal (en fait, un excellent placement dans le masque) disparaît.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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