Michael Spyres

Les artistes
Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par HELENE ADAM » 05 oct. 2018, 10:55

En marge des discussions sur l'interprétation de Raoul par Kang, à propos duquel je partage intégralement l'opinion exprimée par Paradis-Ph sur le fil des Huguenots, Spyres réussit mieux encore que JDF ce difficile rôle de Raoul, à mon sens, du fait de ses caractéristiques très particulières de baryténor (voir plus haut sur le fil) à être à la fois dramatique notamment quand il rejoint les ensembles "guerrier" et lyrique avec des aigus phénoménaux (et quelques diminuendos fort élégants après le lancement de la note...), qui suivent des graves sonores.
La partition de Raoul est difficile et l'on sent la tensions extrême du ténor dans certains airs mais il garde la maitrise totale de son instrument et je crois que c'est vraiment le genre de rôle où il excelle. Son français s'est nettement amélioré depuis cet enregistrement live de 2009 mais il était déjà très correct au sens où les syllabes venaient bien au bon moment, rythme correct et prononciation aussi (léger accent américain qu'il a combattu depuis...).
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Avatar du membre
Lucas
Basse
Basse
Messages : 2584
Enregistré le : 07 janv. 2005, 00:00
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par Lucas » 05 oct. 2018, 11:14

srourours a écrit :
04 oct. 2018, 17:39
@Lucas: et Spyres tu le situes dans quelle filiation/lignée ? un répertoire aussi étonnant, ça n'a pas du etre si fréquent...
Difficile à classer le bonhomme tant son répertoire allie les contraires, de Ramiro (ténor léger d'agilité) à Enée (ténor dramatique) en passant par Pollione (baryténor) et Lensky (ténor lyrique). Pour faire court, il se considère comme un ténor assoluto, équivalent masculin de la soprano assoluta; ce qui lui permettrait de quasiment tout chanter comme l'atteste son intéressante interview. A-t-il raison? Sa voix ne va-t-elle pas lui imposer des choix? Seule la suite de sa carrière le dira.

En revanche, on remarque quand même qu'il tire Enée vers le ténor lyrique (à l'opposé d'un Vickers ou d'un Heppner). Idem pour Rossini en raison d'un timbre plus corsé et large que ce que l'on a l'habitude d'entendre (cf Florez). De surcroît, sa voix, à l'émission très haute et souple (quelle voix mixte!) le place dans la lignée des grands ténors d'Europe centrale et, de ce point de vue, la comparaison de son Stabat Mater de Dvorak sous la baguette de Belohlavek avec ceux de Žídek et Ochman, respectivement chez Smetacek et Kubelik, est assez fascinante.

Enfin, ceux qui l'on entendu en salle affirment souvent que sa projection serait très bonne mais pas énorme.

A partir de ces éléments, on pourrait peut-être en déduire qu'on est en présence d'un ténor lyrique à l'aigu insolent et aux vocalises faciles. Une chose est sûre, c'est que ses prestations mettent à mal les catégories vocales dans lesquelles on enferme souvent les chanteurs actuels contrairement à ceux de la première partie du XIXème siècle. Il ne dit d'ailleurs rien d'autre dans son interview en affirmant que ce sont les limites techniques qui enferment les chanteurs dans des cases. Sans oublier l'existence de mauvaises traditions : Pas sûr que Beethoven ou Berlioz aient pensé à un ténor dramatique type Vickers pour chanter dans Fidelio ou les Troyens tant cette catégorie n'existait pas à l'époque. Et même dans Wagner, l'usage des instruments modernes plus puissants que les instruments d'origine et la hausse du diapason ne sont-ils pas à l'origine de certaines dérives qui obligent les chanteurs à trop miser sur la puissance pour franchir le mur de l'orchestre? Vaste débat ...

Bref, quand on parle de Michael Spyres qui est une sorte d'OVNI dans le monde musical, il me semble qu'il faut davantage penser à la technique qu'aux catégories vocales. Or sa technique est tout à fait originale et rappelle certaines icônes du passé (Lemeshev par exemple) qui misaient sur la voix mixte parfaitement timbrée et intégrée au reste des registres (l'inverse de Kaufmann qui a deux voix en une) et sur la souplesse de l'émission qui est constamment très haute. Je suis d'ailleurs tombé, par hasard, sur un intéressant article de Pascal Brissaud, ancien critique de "Répertoire" dont je ne partage pas toujours les choix musicaux mais dont l'analyse technique, très intéressante, mérite d'être reproduite :

"Spyres a connu un itinéraire assez proche que celui de son modèle, Duprez. Parti d’une technique très personnelle et largement artisanale qui inspirait quelque inquiétude naguère à ses admirateurs, il l’a inlassablement perfectionnée, sécurisée (le pharynx est beaucoup moins contracté) et « professionnalisée » en Italie, variant son émission, qui n’est plus réalisée exclusivement en force, homogénéisant ses registres et son timbre, désormais parfaitement velouté sur plus de deux octaves et demie (sans le moindre problème de passage, avec un registre grave impressionnant, dès l’air d’Othello, qui le sollicite beaucoup), raffinant ses nuances, soignant son trille (impeccable), son cantabile et son legato et déployant, surtout, un style parfait, reposant sur une diction française (et italienne) aussi claire qu’intelligemment colorée, avec ce sens de l’expression éclose par la phrase et le mot mêmes au lieu d’être plaquée sur eux : exactement « l’union de la parole et de la mélodie » prônés par Duprez, particulièrement réussie dans les airs d’Halévy, de Verdi et de Donizetti, couronnés par un sublime et lunaire « Tomba degli avi miei » de Lucia.

Tout ceci est donc admirable de naturel, jusque dans les zones stratosphériques, traversées avec une confondante aisance, sans rien de forcé ou de poussé, ni le moindre sentiment de danger pour l’interprète ou de désagrément pour l’auditeur. L’ornementation, élégante et sobre, est réduite au plus juste, sans esbroufe, et l’émission, bien loin du style héroïque que les commentateurs ont décrit chez son illustre modèle, combine avec une complète maturité toute une gamme de modes (hauteurs d’émission différenciées, voix mixte, voix sombrée, passages plus soutenus, demi-teintes, messa di voce) qui démontrent l’ampleur du bagage technique désormais acquis."



Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par HELENE ADAM » 05 oct. 2018, 11:31

Lucas a écrit :
05 oct. 2018, 11:14
Enfin, ceux qui l'on entendu en salle affirment souvent que sa projection serait bonne mais pas énorme.
merci Lucas pour toutes ces analyses.
Je rebondis uniquement sur ta phrase concernant ceux qui l'ont entendu en salle, parce qu'il se trouve que je l'ai beaucoup entendu en salle :
dans les salles de taille moyenne (TCE, opéra comique), sa projection est parfaite, son timbre étant assez sonore et éclatant la plupart du temps (et splendide, j'insiste :wink: ). Rôles divers quand même mais qui faisaient appel à ses qualités de baryténor dans Mozart (splendide Mitridate) ou Rossini (Pirro dans Ermione au TCE ) et de virtuose des vocalises. Sans oublier ses magnifiques prestations dans la (petite) salle de l'Opéra comique : le Baron de Mergy du Pré-aux-clercs et surtout son magnifique et inoubliable Rodolphe de la Nonne Sanglante.
Au ROH, salle plus grande (en plus j'étais au fond de l'amphi), parfait Mitridate également mais avec l'orchestre baroque de Rousset... ce qui a toute son importance évidemment.
A l'inverse, toujours au TCE, j'ai trouvé son Don José à côté de la plaque et pour tout dire, raté : le medium "héroique" voire dramatique qu'exige ce rôle est ce qui lui manque le plus alors qu'il a des graves impressionnants et l'aigu brillant, facile de même d'ailleurs que la nuance et la vocalise.
Et son Hofmann à Munich m'a énormément déçue aussi, tant l'orchestre déployé de l'opéra le couvrait régulièrement une fois passée une toute première partie sympathique.
Enfin si son Titus dans la Clémence à Garnier, était à peu près dans ses "cordes", pour être honnête, il ne m'avait pas convaincue plus que ça, moins que Vargas avec qui il alternait, sans que je sache exactement si sa prestation un peu "éteinte" était due au rôle, à la salle ou à une méforme passagère.
Et on le sait, il a annulé son Barbier à Orange (pour des raisons parfaitement compréhensibles par ailleurs) mais cela n'a pas permis de savoir ce que cela aurait donné dans un tel cadre d'acoustique.
Bref, je ne crois pas du tout qu'il soit fait pour tous les rôles et encore moins pour toutes les salles (Bastille me semble hors de propos);
Pourvu qu'il garde ses incroyables et rares qualités dans ces rôles difficiles qu'il réussit à merveille plutot que de vouloir courir derrière une carrière qui ne lui apportera rien... AMHA.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Avatar du membre
Lucas
Basse
Basse
Messages : 2584
Enregistré le : 07 janv. 2005, 00:00
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par Lucas » 05 oct. 2018, 11:46

HELENE ADAM a écrit :
05 oct. 2018, 11:31
Bref, je ne crois pas du tout qu'il soit fait pour tous les rôles et encore moins pour toutes les salles (Bastille me semble hors de propos);
Pourvu qu'il garde ses incroyables et rares qualités dans ces rôles difficiles qu'il réussit à merveille plutot que de vouloir courir derrière une carrière qui ne lui apportera rien... AMHA.
Ton analyse tend à prouver, en effet, qu'on est davantage en présence d'un ténor lyrique à l'aigu insolent et à la vocalise facile.

Enfin le choix de ses rôles et un léger déficit de charisme le réservent au "Happy few". Pas sûr que le grand public y trouve son miel et le simple fait que son fil ne comprenne que trois pages va dans ce sens.

Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par HELENE ADAM » 05 oct. 2018, 11:56

Lucas a écrit :
05 oct. 2018, 11:46
HELENE ADAM a écrit :
05 oct. 2018, 11:31
Bref, je ne crois pas du tout qu'il soit fait pour tous les rôles et encore moins pour toutes les salles (Bastille me semble hors de propos);
Pourvu qu'il garde ses incroyables et rares qualités dans ces rôles difficiles qu'il réussit à merveille plutot que de vouloir courir derrière une carrière qui ne lui apportera rien... AMHA.
Ton analyse tend à prouver, en effet, qu'on est davantage en présence d'un ténor lyrique à l'aigu insolent et à la vocalise facile.

Enfin le choix de ses rôles et un léger déficit de charisme le réservent au "Happy few". Pas sûr que le grand public y trouve son miel et le simple fait que son fil ne comprenne que trois pages va dans ce sens.
Oui son profil est très atypique de toute évidence. je vais écouter son Florestan comme je suis allée écouter son Don José parce que l'artiste est un musicien intelligent même si je ne suis pas très convaincue a priori, donc on verra... Par contre Pirata, oui... :wink:
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12727
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Michael Spyres

Message par Bernard C » 05 oct. 2018, 12:08

Hélène le nombre de fois où tu te dis non convaincue par Spyres avant de l'avoir entendu est impressionnant....

Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

Avatar du membre
Lucas
Basse
Basse
Messages : 2584
Enregistré le : 07 janv. 2005, 00:00
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par Lucas » 05 oct. 2018, 12:17

Bernard C a écrit :
05 oct. 2018, 12:08
Hélène le nombre de fois où tu te dis non convaincue par Spyres avant de l'avoir entendu est impressionnant....
Bernard
Oui mais c'est pour compenser le nombre de fois où elle se dit convaincue par Kaufmann avant de l'avoir entendu (lol)

Efemere
Basse
Basse
Messages : 3727
Enregistré le : 11 mars 2014, 14:04
Localisation : Paris

Re: Michael Spyres

Message par Efemere » 06 oct. 2018, 17:47

HELENE ADAM a écrit :
04 oct. 2018, 19:53
Oui Genève (Il Pirata) c'est bien tentant (12 et 14 février, j'étudie la question...)
[...]
Au Grand Théâtre de Genève, les 22 et 24 février 2019.

Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12727
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Michael Spyres

Message par Bernard C » 06 oct. 2018, 21:57

Son Florestan ce soir au Théâtre des Champs Elysées est très beau , grand style , beethovenien comme il sait être berliozien quand il se doit.

Quel musicien authentique.

Dommage que les aigus ne s'épanouissent pas suffisamment !

Bernard


.
Florestan TCE061018.jpg
Florestan TCE061018.jpg (38.12 Kio) Vu 1601 fois
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Michael Spyres

Message par HELENE ADAM » 07 oct. 2018, 21:52

Bernard C a écrit :
05 oct. 2018, 12:08
Hélène le nombre de fois où tu te dis non convaincue par Spyres avant de l'avoir entendu est impressionnant....

Bernard
?
C'est le nombre de fois où j'ai entendu Spyres en salle qui devrait t'impressionner. Moi même en récapitulant, j'ai été surprise. Et je n'ai pas abordé les retransmissions (Damnation aux Proms ou Troyens). C'est vrai qu'il "essaye" des tas de rôles...Et désolée, mais je ne pense absolument pas qu'il deviendra un Florestan de référence comme il n'est pas devenu un Don José de référence malgré une soirée en VC au TCE il y a (deux ?) ans. :wink:

Je comprends mieux la conception qu'il a de sa carrière en lisant ce qu'il dit : "Florestan sera mon 77e rôle dans, au total, 70 opéras différents. Placido Domingo est le seul ténor contemporain ayant interprété plus de rôles que moi, et j’ai bon espoir de rattraper son total de 150 rôles ", le nombre de rôles OK, la comparaison avec Domingo n'a pas de sens (même sous la forme semi-humoristique où il le dit). Tout dépend quels rôles et avec quel succès. Spyres a 38 ans, à cet âge Domingo était déjà une référence dans un paquet de rôles-clé pour un ténor... :wink:
Il commence à le devenir sérieusement dans Berlioz par exemple, et peut sans doute l'être dans d'autres rôles. Mais il ne faut pas vendre la peau de l'ours etc etc...pour le moment tout cela est très confidentiel. :wink:
Il a chanté sur très peu de scènes internationales régulièrement...
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Répondre