Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

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Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par dge » 16 avr. 2013, 17:39

Jeune chanteur issu de l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris, lauréat de nombreux concours de chant, Stanislas de Barbeyrac débute une carrière prometteuse. Pendant les répétitions de La Traviata à Saint-Étienne où il a fait une prise de rôle importante dans Alfredo, il nous a accordé un entretien au cours duquel il évoque ses années de formation et ses projets.*

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Photo: Yann Priou


Stanislas de Barbeyrac, comment êtes vous devenu chanteur d’opéra ? Comment avez vous connu la musique?

J’ai connu la musique très tôt, j’avais huit ans. Ma famille s’est installée à Bordeaux. L’école où j’étais scolarisé disposait d’un chœur de garçons. J’ai donc intégré la maîtrise des petits chanteurs de Bordeaux. C’est là que j’ai fait mes premiers pas dans la musique. J’y suis resté une dizaine d’années, jusqu’à ma mue, assez tard, à dix sept ans. J’ai fait le tour de l’Europe avec cette maîtrise et j’y ai passé de belles années.


Votre approche de la musique ne s’est faite que par le chant choral ? Vous n’avez pas appris à jouer d’un instrument ?

Non, jamais.


Vos parents étaient ils musiciens ?

Je vais dire très mélomanes. Je suis d’origine polonaise par ma mère et j’avais un grand père musicien, organiste et pianiste qui a fait ses études au conservatoire de Lublin. Comme j’ai passé beaucoup de temps avec mes grands parents, je pense que j’ai pris goût à la musique grâce à lui.


Vous écoutiez de l’Opéra ?

Pas du tout ! Je ne m’y intéressais absolument pas. L’opéra a été une découverte totale. J’ai mué, je me suis mis au rugby et j’ai mis complètement la musique de côté. Mais le chant me manquait beaucoup et je suis allé voir une coach en technique vocale pour savoir où en était ma voix. Elle m’a conseillé, pour me remettre dans le bain, d’aller au conservatoire de Bordeaux pour ensuite éventuellement entrer en classe chant. J’ai passé le concours en 2004 et j’ai été reçu. J’ai eu comme professeur Lionel Sarrazin qui venait d’arriver et il m’a fait découvrir l’art lyrique, il m’a fait « sortir » ma voix et j’ai tout arrêté, je n’ai plus fait que çà.


Donc avant votre entrée au conservatoire, vous n’aviez jamais écouté d’opéra, vous n’étiez jamais allé à l’opéra…

Une seule fois parce que l’on avait proposé à la maîtrise de faire des chœurs à l’Opéra de Bordeaux. Je n’avais pas pu le faire mais j’avais assisté à des répétitions. Je n’avais jamais vraiment écouté de l’opéra. J’aimais chanter, être en public, faire des concerts mais c’est le jour où je suis entré en classe d’art lyrique pour mon premier cours de chant que je me suis dit que je voulais faire ce métier. J’avais vingt ans…


Comment ce coup de foudre vous est-il venu ? A un air que l’on vous a fait travailler ?

Oui. Comme je n’avais aucune notion de technique vocale lyrique, mon professeur m’a dit « vu ton personnage, vu ce que tu ressens là, va acheter un enregistrement d’Eugène Onéguine et écoute Lenski ». C’est ce que j’ai fait. Et en l’écoutant je me suis dit c’est moi, c’est ce que je veux faire. Le premier air que j’ai déchiffré a donc été celui de Lenski, en Russe parce que j’avais étudié le Russe à l’école et que j’étais en Fac de LEA.


Est ce que vous avez dès le départ été formé dans la tessiture de ténor ?

Oui, tout de suite. Il y a eu beaucoup d’étapes dans mon évolution technique. Il y a eu un gros travail pour comprendre le fonctionnement du corps parce que pour moi le chant c’était d’abord les cordes vocales. Il y a eu un an à un an et demi de travail sur le fait de chanter avec son corps, de faire du son, de se désinhiber qui m’a fait beaucoup de bien. Le travail du corps, comprendre que l’on est son propre instrument est passionnant. Une fois qu’on saisit comment tout cela marche, et je pense que je ne le saisis qu’à partir de maintenant (rires), c’est fascinant et c’est ce qui m’a plu.


Donc coup de foudre pour l’opéra. Comment a été la réaction familiale ?

J’ai eu beaucoup de chance. Mes parents ont senti vraiment que j’avais découvert un domaine qui me passionnait et ils m’ont encouragé. Au départ je voulais être journaliste, grand reporter. J’étais à la Faculté et en même temps je préparais le concours de l’école de journalisme de Bordeaux. En 2004 j’ai été reçu aux écrits et le matin même du jour où je passais l’oral j’ai appris que je rentrais au conservatoire en classe d’art lyrique dans la classe de Lionel Sarrazin. J’ai quand même passé mon oral. Il y avait un sujet libre consistant en un exposé de vingt minutes et évidemment j’ai parlé de musique. Le jury qui était en face moi a regardé mon CV et a vu que j’en faisais depuis longtemps. Il m’a alors demandé « pourquoi ne continuez pas à faire de la musique ? » Je leur ai dit « je pense que vous avez raison ». J’ai pris mes affaires et je suis parti ! C’est vraiment un hasard de la vie.
Pour en revenir à votre question, je me suis beaucoup investi à Bordeaux au conservatoire, on avait monté une troupe avec des amis, Opéra Bastide, on faisait des concerts, on collait les affiches…et mes parents ont senti mon investissement et ont bien vu qu’il y avait une part de progression. Ils ont été un soutien très important parce que le choix de vouloir faire ce métier est un coup de poker. Maintenant que j’y ai mis un pied, je me rends compte que c’est très difficile. Je ne les remercierai jamais assez.


Combien de temps êtes vous resté à Bordeaux ?

Je suis entré au conservatoire en 2004 et j’y suis resté deux ans. Ensuite j’ai passé un an hors institution, toujours à Bordeaux, à prendre des leçons et préparer des concours. Et je suis rentré à l’Atelier Lyrique.


Pourquoi ce choix ?

C’est une excellente école de formation. J’ai été admis la seconde fois où je l’ai présenté. Pour moi c’était la bonne solution. Je me rendais compte que je passais des concours, qu’il y avait des échos, des portes qui s’ouvraient mais pas autant que je pouvais l’espérer. Ce que m’a offert l’Opéra de Paris c’est une carte de visite internationale. On est visible chaque fois que l’on fait quelque chose. On dispose de locaux agréables, on a des pianistes, on travaille notre répertoire. J’ai eu des cours de théâtre passionnants alors que je n’avais aucune expérience de scène. On a beaucoup de travail, beaucoup de répétitions, beaucoup de mises en scène parce que parfois il nous est demandé de faire des petits rôles ou d’assurer des doublures. La programmation est assez dense. Cela a été un grand pas en avant pour moi. J’arrivais de province avec peu d’expérience. Là on apprend son métier, on apprend à gérer la fatigue. J’y ai passé deux ans et j’en suis sorti en 2010.


Avec le recul vous êtes donc très satisfait de cette formation.

Tout à fait. Je ne regrette pas mon choix. C’est un plus par rapport à ce que l’on peut recevoir du conservatoire. C’est vraiment une formation qui a pour but de former des professionnels et de nous permettre de nous confronter à des collègues étrangers qui bénéficient chez eux de formations très poussées.


Avez vous participé à des masterclass ?

Assez peu. J’en ai fait une avec Viorica Cortez mais j’ai assisté à beaucoup en tant que spectateur. Je ne suis pas très attiré par les masterclass. Je trouve que c’est toujours un peu délicat d’être un jeune chanteur. On peut avoir l’impression que celui qui enseigne a tendance à vouloir montrer que « grâce à moi en dix minutes regardez comme c’est beau ». Et le public applaudit. Dans la vraie vie çà ne marche pas comme çà ! (rires)


Quel a été votre premier rôle ?

En production professionnelle, Gastone de Traviata à Orange. Là j’ai « flippé ! » (rires). Auparavant j’avais interprété des rôles comme Tamino mais dans des petits festivals en province. Je venais d’entrer à l’Atelier Lyrique, je n’avais pas d’expérience scénique, je n’avais jamais travaillé avec un orchestre professionnel. J’ai bien appris mon métier (rires).


Vous avez participé à plusieurs concours. Vous avez remporté ceux de Béziers et de Marmande et vous avez été lauréat du concours Reine Elisabeth. Quelle était votre motivation pour vous y présenter ?

Cà dépend des concours. Quand je me suis présenté à ceux de Béziers et de Marmande je n’avais que trois ans de chant et c’était dans un but pédagogique sans vraiment me dire que je me présentais pour gagner ; ce n’était pas mon objectif. Mon professeur m’y a encouragé en me disant « tu sauras quel est ton niveau, le niveau des autres aussi, quel est le niveau d’exigence avec un jury qui va te dire qu’il y a encore tel ou tel point à travailler ». C’est un exercice différent d’une production. Il faut préparer des airs, il faut être à 100% pendant trois ou quatre minutes. C’était aussi le goût de la compétition. Mais c’est long, il faut attendre et il faut savoir gérer ce genre d’exercice.
Après j’ai fait Vinas à Barcelone. Je suis allé en finale et j’ai reçu un prix. Cette fois comme le jury est plus international, c’était plus dans l’espoir de trouver des engagements. Le concours Operalia aussi a été une bonne expérience mais ce n’était pas vraiment un concours pour moi. Il y a cinq airs, tout le monde chante du Puccini et du Verdi ; à 26 ans des ténors chantaient La Bohême sans problème avec des voix italiennes. Ce n’était pas mon format.
Le concours Reine Elisabeth a été une expérience superbe. Mon problème est que je n’ai pas un répertoire de concours grand public. Je ne chante pas Rodolfo, Cavaradossi, Nessun dorma… Je l’ai fait parce qu’il y a la possibilité de tout chanter. J’adore le lied, la mélodie, c’est un travail très complémentaire du travail opératique parce qu’il permet de retravailler la voix à la base. J’ai apprécié de pouvoir chanter Mahler, Schumann, Poulenc… Je ne pensais pas aller si loin…


Passer ces concours alors que vous étiez à l’Atelier Lyrique ne posait pas de difficultés ?

C’est possible de le négocier. Ce n’est pas facile parce que en début d’année on s’engage sur un programme. Mais on a été très sympathique avec moi. J’ai eu de la chance ; dans les plannings de la première année j’ai eu un peu de temps parce qu’il y avait pas mal de productions dans lesquelles je n’intervenais pas, je faisais plutôt des concerts.


Quand on regarde les rôles que vous avez tenus, on est frappé par leur éclectisme : on trouve du répertoire allemand (Jacquino de Fidelio, le pilote de Tristan, Die Ferne Klang…) mais aussi italien ( Nearco de Poliuto, Cassio d’Otello…) et français ( Le chevalier de la Force…) Est ce le fruit d’opportunités ou est-ce un choix ?

C’est d’abord le fruit d’opportunités. Je n’avais pas d’affinités particulières avec le répertoire italien, ce n’est pas ce qui m’allait le mieux ( mais c’est en train de changer) et tout le monde me disait qu’avec mon timbre il fallait que je chante du répertoire français et allemand. Et ce qui est étrange c’est que tout ce que l’on me proposait au départ était du répertoire italien (Gastone, Borsa, Nearco…). Mais cela m’a fait beaucoup progresser. Pour Alfredo de Traviata j’ai beaucoup réfléchi. Je me sens très bien dans Tamino, dans le répertoire allemand mais je n’ai pas d’instinct pour le style du répertoire italien et cela me demande beaucoup de travail. Bien sûr je choisis les rôles en fonction de mes capacités vocales du moment, mais je n’aime pas rentrer dans une case et que l’on dise que je suis fait pour tel ou tel répertoire. J’aime me donner la possibilité de tout explorer pour l’instant. Je me rend compte qu’en travaillant c’est possible d’y arriver.
De plus il n’y a pas vraiment un répertoire que je « préfère ». Il y a toujours le rêve des rôles qu’on va interpréter dans dix ou quinze ans mais je prends beaucoup de plaisir dans tous les répertoires. Il y a toujours quelque chose à trouver. Je n’ai jamais trouvé un ennui dans tous les personnages que j’ai interprétés quelle que soit la taille du rôle ou la langue.


Pour choisir parmi les rôles que l’on vous propose, est ce que vous vous entourez de conseils ?

J’ai la chance d’avoir un agent très bienveillant et qui travaille constamment en relation avec mon professeur qui est toujours Lionel Sarrazin. On travaille les rôles, on analyse le contexte, avec quel chef, la taille de la maison. Je ne prends jamais ma décision tout seul.


Alfredo de Traviata est une prise de rôle. Peut-on dire que dans votre jeune carrière c’est votre premier très grand rôle ? Comment cela s’est-il fait ?

Oui c’est mon premier grand rôle. On me l’a proposé il y a huit ou neuf mois. J’ai d’abord été surpris et j’ai longtemps réfléchi avec mon agent et mon professeur, j’ai pesé le pour et le contre et on s’est dit que le contexte était bon. Saint-Étienne est une maison idéale pour faire une prise de rôle comme celle là, le chef Laurent Campellone m’a rassuré, je savais que la mise en scène serait classique et soignée. Je travaille la partition depuis près de un an et je découvre encore des choses…C’est vraiment une étape pour moi.


Est-ce un rôle qui correspond tout à fait à votre voix telle qu’elle est aujourd’hui ?

Oui. Je pense qu’il faut une voix de ténor lyrique avec une italianità. C’est sur ce caractère vocal que j’ai dû travailler. Je dirais que aujourd’hui c’est le maximum de la « tessiture lyrique » que je peux faire.


Pour le préparer avez vous écouté des enregistrements des grands interprètes du rôle ?

Non, je n’aime pas le faire. Cà me déprime (rires). J’ai des idoles ténors, chacun a son style mais moi il faut que je fasse mon son, ma couleur. C’est dangereux de vouloir faire ce qu’ont fait les autres !


Justement quelles sont vos idoles ?

J’adore Corelli, sa pâte vocale incomparable, j’adore Giacomini. Mais celui que j’aime par dessus tout c’est Fritz Wunderlich. Quand je l’écoute et que j’entends sa sensibilité, ses couleurs vocales, je me dis que c’est comme cela que j’aimerais chanter…


Dans les rôles que l’on vous propose, qu’est ce qui vous attire le plus : le chant, le théâtre, les deux… ?

Pour être honnête c’est toujours le chant qui m’anime le plus. Avec mon professeur je fais un travail de laboratoire important avec beaucoup d’exercices, de morceaux qu’on laisse de côté et que l’on reprend après. C’est l’aspect technique d’un rôle qui m’attire et c’est d’abord le chant qui m’intéresse, chercher et trouver les couleurs qu’il faut. Mais c’est aussi du théâtre parce que les couleurs qu’il faut trouver doivent être en relation avec le texte. Il faut savoir aussi quelle est la bonne respiration. Ici j’ai beaucoup travaillé le rôle d’Alfredo avec un excellent coach italien qui m’a fait comprendre qu’il fallait faire ici une respiration, là une césure ou un legato…C’est cela que j’aime. Le théâtre est passionnant mais on ne peut bien se libérer en scène que si vraiment on a conscience techniquement et vocalement de ce qu’il faut faire.


Aucun des rôles que vous avez abordés n'appartient au répertoire baroque. Ce sont des rôles qui ne vous tentent pas ?

Absolument pas, mais on ne me les propose pas. Je ne suis pas du tout fermé à ce répertoire. Il faut bien sûr trouver les bons rôles parce que je n’ai pas une tessiture vocale propre à un ténor français ou à un contre-ténor. On m’en a bien proposé quelques uns mais çà ne s’est pas fait à cause de contraintes de planning. Je ne suis pas classé dans cette catégorie là apparemment…


Vous avez donné des récitals de lieder, participé à des concerts de musique sacrée (Elias avec Kurt Masur ). Dans le futur souhaitez vous mener de front opéras, récitals et concerts ?

J’adore donner des récitals et faire des concerts. Je peux ainsi me recentrer sur mon travail vocal. Par exemple après cette Traviata à Saint Etienne j’ai tenu à ne rien prendre pendant un mois pour pouvoir bien travailler un récital et un oratorio. Quand j’ai commencé ma carrière, j’ai tout de suite dit à mon agent « j’adore l’opéra mais je ne veux pas faire que de l’opéra ». Le récital est un exercice périlleux, mais j’en ai donné à Marseille, à Tours, à Bordeaux… et j’adore cette mise en danger où l’on est tout seul à côté d’un piano et devant un public. Elle m’aide à progresser, même si on n’est pas forcément content de tout ce que l’on a fait. C’est aussi un autre contact avec le public parce que, aussi bien pour un récital que pour un oratorio, les gens ne viennent pas pour la même chose que pour l’opéra et donc on ne leur propose pas la même chose. Dans une représentation d’opéra avec la mise en scène, les décors…on a d’autres artifices pour se rassurer. En récital il n’y a rien.


En récital la qualité du binôme avec le pianiste est importante. Vous travaillez toujours avec les mêmes pianistes ?

Je travaille le plus souvent avec la même pianiste, Françoise Larrat qui est professeur au conservatoire de Bordeaux et pianiste à l’ONBA.


Comment voyez vous le développement de votre carrière dans les trois à cinq ans à venir ?

A l’horizon des 3 ans il va y avoir des rôles très intéressants pour moi. Alfredo est déjà un immense défi. C’est vraiment le point fort de ma saison. J’ai envie aussi de ne pas faire n’importe quoi On me propose souvent des rôles qui arrivent trop tôt et je suis obligé de dire non, et c’est une chose très délicate à gérer.
J’ai une voix plutôt lyrique, je suis Français et on a tendance à me proposer des rôles qui ne sont pas encore pour moi. Je n’ai que 28 ans et sept ans de chant ! Ce que j’essaie de construire avec mes agents, c’est de viser chaque année deux ou trois premiers plans qui me conviennent et à côté de chanter des rôles moins exposés mais de qualité, dans de belles maisons, comme un Cassio, un Chevalier de la Force…pour être moins en stress sur un plan vocal et psychologique et pouvoir avoir du temps pour reposer ma voix, préparer des rôles, retravailler ma technique … et aussi m’occuper de ma famille.


Y a t-il déjà eu des collaborations musicales ou théâtrales qui vous ont plus particulièrement marqué ?

J’ai connu un très beau moment ce mois de janvier à Toulon dans Dialogues des Carmélites mis en scène par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil et dirigé par Serge Baudo. L’environnement artistique était très cohérent, l’ambiance de travail exceptionnelle. Il y avait un travail de réflexion commun où l’on échangeait nos idées. J’ai aussi beaucoup aimé le Tannhäuser de Carsen à l’Opéra Bastille en 2011. J’étais comme un gamin côtoyant Nina Stemme, Stéphane Degout… J’espère vraiment retravailler avec Robert Carsen.


Vous avez enregistré une œuvre très peu connue, Aucassin et Nicolette, œuvre contemporaine aux accents debussystes. Comment s’est fait ce projet ?

Le directeur du label Timpani m’a entendu à Paris et il a contacté mon agent pour me proposer le rôle d’Aucassin. J’ai regardé la partition et j’ai trouvé le rôle intéressant. C’était ma première expérience d’enregistrement. Tout s’est très bien passé, dans des conditions artistiques et musicales idéales. J’ai bon espoir qu’il y ait d’autres projets avec ce label.


Vous avez participé à la création parisienne du Faust de Philippe Fénelon. Etes vous tenté par la création contemporaine ?

Un peu moins. Mais cette expérience du Faust a été difficile pour moi, la partition est compliquée et c’est une époque où l’on était très sollicités à l’Atelier Lyrique, puisqu’il fallait en même temps préparer un récital de madrigaux a capella de Fénelon que l’on devait donner à Garnier. C’était un très gros travail. Tout cela fait que je n’ai pas un excellent souvenir de ma première création contemporaine, non pas à cause de la musique mais des conditions de travail. On était épuisés !
Musicalement ces partitions contemporaines sont souvent très difficiles à chanter. Mais il peut y avoir d’autres expériences. On ne sait jamais…


Quels sont les rôles que vous aimeriez aborder dans les années à venir ?

J’ai très envie de faire beaucoup de Tamino. Je sais que maintenant je peux le faire, que ce rôle fait du bien à la voix, que c’est un travail technique et vocal intéressant. Dans l’idéal, je sens que ma voix peut évoluer vers des rôles comme Werther, Don José, mais il faudra être patient… ! Dans le répertoire italien, je pense à Nemorino de L’élixir d’amour, et les quelques Verdi de jeunesse…


De quels engagements futurs peut-on parler ?

Je vais d’abord faire Tybalt de Romeo et Juliette à Avignon. Il y aura ensuite Evandre d’Alceste à Paris, à nouveau un Chevalier de la Force à Nantes, une Enfance du Christ aux Pays Bas, Arturo de Lucia à Marseille. Je resterai à Marseille pour une création, Colomba de Jean-Claude Petit avec Béatrice Uria Monzon. Je serai ensuite le marin et le berger dans la reprise de Tristan und Isolde à Paris et je ferai mon premier Tamino à Nantes.


Avez vous des rêves de collaboration, avec des chefs, des metteurs en scène ou des partenaires chanteurs ?

J’adorerais retravailler avec Serge Baudo, avec Robert Carsen. Je connais bien Béatrice Uria Monzon depuis mes tous débuts parce qu’elle était venue à Bordeaux en tant que marraine de notre compagnie et je suis ravie de travailler avec elle pour Colomba. Et puis j’aimerais bien être le Jacquino de Jonas Kaufmann…( rires). J’espère aussi faire des séances de répétition avec Roberto Alagna lors d’Alceste à Paris.


Est ce que vous pressentez déjà l’évolution de votre voix ?

Je pense être un ténor lyrique et je sens une évolution, c’est sûr. Il y a deux ans j’avais abordé Ferrando et je pense qu’avec beaucoup de travail je réussirais aujourd’hui mais je ne serais peu-être pas très à l’aise tandis que Tamino est vraiment un ténor lyrique. C’est vraiment ma voix parce que je peux avoir des moments lyriques comme dans le duo avec le Sprecher et aussi des moments où il faut techniquement gagner en souplesse pour trouver l’intonation mozartienne. C’est plutôt ce vers quoi je veux aller, c’est à dire garder mon côté lyrique mais en conservant ma souplesse vocale. Dans Alfredo c’est un peu compliqué. Le rôle est assez ingrat dans le sens où il est lyrique mais il faut aussi trouver dans les moments élégiaques les bonnes couleurs tout en tenant compte de l’orchestre. Je sens que ma voix gagne en harmoniques par rapport à mes débuts, en densité aussi. Je m’en suis rendu compte en chantant Narraboth à Bastille ; Strauss, 120 musiciens…j’avais peur de ne pas y arriver ! J’ai beaucoup travaillé avec mon professeur dans ce sens là pour gagner le plus possible en harmoniques tout en gardant la souplesse.


Chanter Strauss à Bastille, n’est ce pas un plus grand défi que Traviata à Orange ?

Ce n’était pas simple du tout (rires). C’était un gros défi pour moi. J’avais quitté l’Atelier Lyrique depuis un an. C’est toujours difficile de revenir dans une maison où on a l’étiquette d’étudiant de l’Atelier lyrique. C’était Pinchas Steinberg qui dirigeait et c’est un chef très exigeant. Psychologiquement il fallait tenir. Cette expérience m’a servi parce que avec le recul je suis conscient d’avoir beaucoup appris. J’ai dû travailler pour gagner en projection pour la salle. Auparavant mon professeur me disait souvent : « tu fais tel rôle, d’accord mais dans quelle salle ?» On a tendance à ne pas l’évoquer, mais on ne peut pas se permettre les mêmes couleurs dans une petite salle et une salle immense comme Bastille.


Pensez vous qu’une carrière nécessite de temps en temps une prise de risques ?

Oui. Je pense que c’est nécessaire pour l’artiste. Alfredo est pour moi une prise de risques, mesurée parce que le contexte est bon, mais c’est une prise de risques. Ce sera la première fois que j’aurai à gérer un rôle important sur six semaines. Je me suis dit qu’à 28 ans j’avais déjà chanté quelques rôles mais qu’il fallait prendre ce risque, m’exposer au le public dans ce type de rôle. Même si ce n’est pas parfait, il est important pour moi psychologiquement de me dire que je l’ai fait avec mes moyens du moment. Sinon il est très confortable d’enchaîner des Chevalier de la Force, des Cassio…c’est très beau à chanter. Mais le risque est de ne faire que cela et après il est trop tard…


En tant que jeune chanteur quelles exigences faut il s’imposer ?

C’est évident qu’il faut une bonne hygiène de vie. Le meilleur ami du chanteur c’est le sommeil. J’ai besoin de dormir, de me reposer. Quand je rentre, j’ai la chance d’habiter à la campagne, j’ai tout de suite un autre contexte de vie et de repos. Je ne fume pas, je ne bois jamais d’alcool pendant les productions. Ceci dit certains chanteurs fument et boivent un verre de vin tous les soirs et n’ont pas de problème…Moi çà ne me convient pas !


Lisez vous les critiques ?

Cà m’arrive. D’une part on m’en fait part et d’autre part pour me faire connaître en début de carrière mes agents ont besoin de lire la presse pour dire ce que l’on a écrit sur moi. Une mauvaise critique est toujours difficile parce qu’elle nous touche nous, c’est très intime. En tant qu’artiste on m’a fait confiance, je travaille et j’essaie de donner mon maximum mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Je ne réagis pas en disant « celui là m’en veut ». La critique fait partie du métier mais je fais la part des choses, je relativise.


La médiatisation vous fait elle peur ?

Je ne suis pas du tout « media » dans le sens show-biz. Je n’aime pas du tout le côté « il faut être là à tel moment parce que c’est bien ». Ce n’est pas du tout mon éducation. Lors du concours Reine Elisabeth j’ai eu un peu de mal avec toutes les sollicitations d’interviews télé, radio, papier. Il y a un effet starisation pendant quelques jours mais on redescend très vite après…


Avez vous des loisirs préférés ?

Bien sûr. Je suis marié, j’ai un petit garçon, une petite fille bientôt. Cà prend du temps (rires) mais çà me change. On a une grange dans les Pyrénées et dès que l’on peut on s’y réfugie pour faire des ballades en montagne. J’aime pêcher dans les lacs en altitude. Je m’entretiens en faisant du footing. Quand je rentre de production, pendant quatre ou cinq jours je ne chante pas, je n’ouvre pas une partition, je fais autre chose…



Entretien réalisé par Gérard Ferrand à Saint-Étienne le 27 février 2013.

Remerciements à Elodie Michaud de l'Opéra Théâtre de Saint-Étienne

*Cet entretien est publié dans le fil "artistes" en attendant d'être intégré dans la partie "dossiers" lorsque celle-ci aura été restaurée.

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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par JdeB » 04 févr. 2014, 09:10

Il a remporté hier soir la Victoire de la musique classique (Révélation lyrique)
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par jerome » 04 févr. 2014, 15:51

Ce qu'il dit est très pertinent et je salue l'humilité et l'intelligence de ses propos à défaut d'avoir été emballé par sa voix.
La photo ci-dessus le flatte considérablement (il y est carrément beau!) par rapport à ce qu'on a vu hier soir (tout comme le flattait d'ailleurs la photo furieusement photoshopée de présentation des nominés...)

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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par CharlieBrown » 04 févr. 2014, 16:02

La prise de son n'était pas très bonne et s'il n'a donné que le duo de Don Carlos, pas de panique ;)
Il était formidable dans Alceste à Garnier, une voix ample et un phrasé exemplaire, avec un beau volume malgré, comme l’attestent ses mots, une prudence de bon aloi.
Je pense que d'ici quelques années il pourra chanter très bien les ténors verdiens, mais il a beaucoup de répertoires à sa portée.
Le principe est simple : une vibration du tonnerre avec une résonance maximum...
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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par Bernard C » 04 févr. 2014, 16:09

à la télé je ne sais pas , mais au théatre , ce chanteur est magnifique de style et de beauté du timbre .

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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par jerome » 04 févr. 2014, 16:14

Moi j'ai trouvé le timbre très commun (en tout cas rien d'exceptionnel et certainement pas une signature vocale) et le chant tendu voire un peu forcé. Il n'est pas du tout doté pour chanter des rôles principaux de Verdi à part en effet Alfredo qui peut passer correctement. Il a bien raison de vouloir privilégier les répertoires allemand et français.

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Message par Oylandoy » 04 févr. 2014, 17:22

un très bon chevalier de la Force à Angers en novembre, bien meilleur que Lehtipuu au TCE en décembre
la mélodie est immorale
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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par bastiengerard11 » 04 févr. 2014, 20:16

Suis très heureux de sa Victoire en forme d'encouragement. C'est un bel espoir.
Don Carlos était un choix très malheureux pour les raisons exposées par Jérôme.
Son répertoire et il n'en manque pas est autre part.

paco
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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par paco » 05 févr. 2014, 00:41

J'abonde dans le sens des louanges prononcées par les uns et les autres, ce chanteur est très prometteur, j'ai un excellent souvenir de sa prestation à l'OC en juin dernier (concert avec Manfrino, Guèze, Deshayes Duhamel etc.) : beaucoup de poésie, un très beau phrasé, une projection saisissante, une diction très claire, beaucoup d'intelligence musicale, une présence assez magnétique sur scène.
Après, Don Carlos hier soir était effectivement un mauvais choix (sans compter les problèmes liés à la prise de son qui n'ont rien arrangé), ce n'est pas du tout son univers aujourd'hui (ni vocalement ni d'un point de vue de la personnalité). En revanche quantité d'autres répertoires s'offrent à lui et je retournerai bien volontiers l'écouter :D

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HELENE ADAM
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Re: Stanislas de Barbeyrac - Entretien accordé à ODB

Message par HELENE ADAM » 04 juin 2015, 11:35

Je reprends le fil sur Stanislas de Barbeyrac pour souligner qu'il est effectivement bien plus à son aise dans les rôles de Tamino, d'Admète, d'Arbace ou de Narraboth que dans Verdi auquel il semble avoir d'ailleurs (provisoirement?) renoncé.
Il parle plutôt d'orienter ses projets (à terme) de Mozart vers Wagner (Lohengrin) ce qui est logique, et d'approfondir le répertoire français (il est un bon Lyonnel).
A signaler : il fait la couverture d'Opéra Magasine (je n'ai pas encore lu l'entretien).

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Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

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