pourquoi les rôles de travestis ?

Vous êtes néophyte et vous n'osez pas poster sur les autres forums, ce forum est pour vous !

Avatar du membre
fitze
Messages : 49
Enregistré le : 20 mars 2005, 00:00
Localisation : villeurbanne

Message par fitze » 20 mai 2005, 17:21

tuano a écrit :
Il me semble que Beaumarchais désirait une jeune femme pour jouer Chérubin parce que ça "passe" tout à fait physiquement et qu'il était difficile de trouver un garçon de 13 ans suffisamment bon acteur pour tenir ce rôle-clé.
je confirme: Beaumarchais écrit dans les caractères et habillements de la pièce: "CHERUBIN: ce rôle ne peut être joué, comme il l'a été, que par une jeune et très jolie femme" . il poursuit en décrivant son caractère d'homme pas encore affirmé, d'enfant qui veut grandir sans trop savoir comment.


Fitze, fan des Figaro de Beaumarchais et Mozart :wink:

tuano
Basse
Basse
Messages : 9270
Enregistré le : 30 mars 2003, 23:00
Localisation : France
Contact :

Message par tuano » 20 mai 2005, 19:35

OK merci pour la citation.
perrine a écrit :ok ok ...

juste pour ma culture perso, avez vous un ou deux opéras à me citer où le role a été écrit pour castrat, et qui maintenant sont tradionnellement chantés par une femme ?
Est ce du à la pénurie de castrat, à une adéquation de tessitures, comme déjà évoqué ?
Qu'appelles-tu "castrat" ? 8O

Cela fait longtemps qu'on ne castre plus les chanteurs lyriques alors OUI il y a "pénurie de castrats" actuellement !

Pour ce qui est de la Clémence de Titus, il y a effectivement un mic-mac selon l'ouvrage de Brigitte et Jean Massin : Mozart aurait prévu deux ténors pour Annius et Sextus, puis on lui aurait imposé un castrat et une femme travesti et il parlerait effectivement de deux femmes au final.
J'ai parcouru rapidement l'Avant-Scène Opéra qui vient de sortir sur l'oeuvre et je n'ai pas trouvé mention de la version originale pour ténors. Je n'ai d'ailleurs jamais entendu parler de cette histoire de ténors autre part que dans l'ouvrage des Massin mais je n'ai pas lu grand chose sur le sujet.

En général, dans ce cas-là, il faut appuyer sur le bouton SOS EDEB.

Avatar du membre
EdeB
Dossiers ODB
Messages : 3253
Enregistré le : 08 mars 2003, 00:00
Localisation : Ubi est JdeB ...

Message par EdeB » 21 mai 2005, 13:38

tuano a écrit :Pour ce qui est de la Clémence de Titus, il y a effectivement un mic-mac selon l'ouvrage de Brigitte et Jean Massin : Mozart aurait prévu deux ténors pour Annius et Sextus, puis on lui aurait imposé un castrat et une femme travesti et il parlerait effectivement de deux femmes au final.
J'ai parcouru rapidement l'Avant-Scène Opéra qui vient de sortir sur l'oeuvre et je n'ai pas trouvé mention de la version originale pour ténors. Je n'ai d'ailleurs jamais entendu parler de cette histoire de ténors autre part que dans l'ouvrage des Massin mais je n'ai pas lu grand chose sur le sujet.

En général, dans ce cas-là, il faut appuyer sur le bouton SOS EDEB.
Cher Tuano,
1/ SE MEFIER DES MASSIN !!! L'ouvrage est "excellemment précis" pour l'époque de sa rédaction, mais il date quand même : depuis, des tas de documents ont été mis à jour... Ceci dit, sur coup-là, l'ouvrage n'est pas fautif...

2/ Il n'y a pas de "version pour ténor" en ce qui concerne le rôle de Sesto. Uniquement des esquisses préparatoires non finalisées.
Alan Tyson (chercheur qui a travaillé sur les manuscrits de Mozart et sur l'études des papiers et filigranes) a reconstitué la séquence probable de composition de l'oeuvre.
D'après lui (et plus exactement, d'après les chercheurs qui ont repris ses travaux, car mon exemplaire de Mozart: Studies of the Autograph Scores a disparu au cours d'un déménagement !! :cry: ), Mozart a composé cet opéra en plusieurs phases : la première, à Vienne, faite sans connaître la distribution (à part le Titus qui avait été son Ottavio de Prague) comporte des esquisses pour 3 ensembles (duo Sesto-Vittellia "Come ti piace imponi...", duo Servilia Annio "Ah perdonna il primo affetto..." et trio Vitellia Sesto et Publio "Vengo... aspettate... Sesto !" )ainsi que d'autres idées préliminaires.
Le contrat entre l'impresario et les commanditaires indiquait comme conditions l'engagement d'un primo musico (le contrat cite même comme ordre d'idée Marchesi, Rubinelli, Crescentini ou Violani !!!)
Mozart à ce moment, devait ignorer cette stipulation... et a commencé à écrire pour un ténor, comme il l'avait fait dans sa mouture viennoise d'Idamante....
Une partie de cette analyse a été également reprise dans la première mouture de l'Avant-Scène Opéra sur La Clemenza, dans un excellent article de Laurine Quetin : "Le mythe d'une composition en dix-huit jours", article non repris dans la récente édition de la revue. A lire impérativement !!
Fin de la parenthèse Clemenza di Tito !
Amicalement,
Emmanuelle

bajazet
Basse
Basse
Messages : 2413
Enregistré le : 12 juin 2004, 23:00
Contact :

Message par bajazet » 21 mai 2005, 13:46

J'ai été assez déçu en consultant cette nouvelle mouture de L'Avant-Scène Opéra. La première version comportait en effet des analyses très intéressantes, non reprises. Et les photos de l'ancien numéro nous offraient Varady, Ochman, etc. Il est vrai que la discographie n'était pas loin de l'indigence, et que la nouvelle est vraiment bienvenue. Mais quand même, je m'interroge.

Avatar du membre
Ruggero
Basse
Basse
Messages : 4620
Enregistré le : 02 sept. 2004, 23:00
Contact :

Message par Ruggero » 21 mai 2005, 14:48

aroldo a écrit : Dans les 3 soeurs de je-ne-sais-plus-qui les rôles titres ne sont pas joués par des contre-ténors ?
si, c'est d'ailleurs Eötvös.
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
(Bernard Shaw, 1898)

Avatar du membre
perrine
Ténor
Ténor
Messages : 883
Enregistré le : 03 août 2003, 23:00
Contact :

Message par perrine » 22 mai 2005, 18:38

Qu'appelles-tu "castrat" ?

Cela fait longtemps qu'on ne castre plus les chanteurs lyriques alors OUI il y a "pénurie de castrats" actuellement !
:)
j'entendais par castrat le type de voix, pas l'opération physiologique. J'aurais du dire 'haute contre' ou 'contre ténor'

en tout cas, merci pour tous ces éléments de fort bonne valeur !

Perrine

Avatar du membre
ElectroCampra
Mezzo Soprano
Mezzo Soprano
Messages : 241
Enregistré le : 24 mars 2005, 00:00
Localisation : Paris
Contact :

Message par ElectroCampra » 22 mai 2005, 19:00

perrine a écrit : j'entendais par castrat le type de voix, pas l'opération physiologique. J'aurais du dire 'haute contre' ou 'contre ténor'
Perrine
Ce n'est pas la même chose, je crois savoir.
Il me semble que la haute-contre est proche de la taille (j'emplois ce terme pour désigner le ténor français du 17e) et est un terme bien français.
Alors que le contre-ténor est pour moi la traduction de conter-tenor, cette tessiture de voix de tête typiquement anglaise (Purcell chantait dans cette tessiture).
Donc on avait les castrats en Italie, les haute-contre en France (où les castrats n'étaient pas les bien venus), les conter-tenors en Angleterre (à défaut de castrat).
Il existe aussi les sopranistes (un gros poil plus haut que les contre-ténors).

Pour moi tous utilisent la voix de tête, mais pour certains plus ou moins appuyés sur leur voix de poitrine d'où les différences. Les haute-contre l'utilisent moins que les autres en principe.

Il existe encore des castrés en Inde (les hijras) mais ceux-ci effectuent l'opération généralement au moment ou après la puberté: donc leur voix n'a rien à voir avec celle de l'époque baroque. Et puis bien qu'ils chantent, il ne cultive pas spécialement ce changement morphologique de leur voix.

Je ne suis ni un spécialiste de la voix, ni de l'Inde: donc je convie toute personne à contredire mes dires et à me remettre sur le droit chemin. :D
Pour le punir, laissez le vivre...

tuano
Basse
Basse
Messages : 9270
Enregistré le : 30 mars 2003, 23:00
Localisation : France
Contact :

Message par tuano » 22 mai 2005, 19:06

Merci EdeB pour ces précisions.

En ce qui concerne la nouvelle discographie, je ne la trouve pas parfaite. J'adore la Vitellia de Janet Baker mais elle n'a pas tout l'ambitus du rôle, contrairement à ce qui est écrit ! En studio, elle ne fait pas le contre-ré (écrit).
aroldo a écrit :L'impact scènique est évident pour les rôles d'Octavian et de Chérubin puisqu'ils passent une partie de l'opéra habillés en femme.
Le plus étonnant est que le public rit toujours lorsqu'il voit apparaître la chanteuse "déguisée" en femme !

Avatar du membre
Clement
Alto
Alto
Messages : 447
Enregistré le : 12 août 2004, 23:00
Localisation : PARIS

Message par Clement » 25 mai 2005, 22:00

ce jeu des travestissement et ce non réalisme dans les répartitions sexuelles des voix font partie de l'intérêt et de l'essence même du répertoire belcantiste. par la suite, une certaine rationalisation (qui a empêché les Français si carrés de sucomber aux castrats et à l'opéra seria) a figé les tessitures soprano/ténor enquiquinés par un baryton...

Bajazet a déjà donné l'essentiel, mais on peut donner d'autres exemples de "bizarreries" qui faisaient le délice des spectateurs de l'époque (et le nôtre si on n'est pas attaché à un "réalisme" dans la représentation des sexes et des rôles), en restant dans les tessitures aiguës :
- les jeunes et jolis castrats débutaient souvent dans des rôles féminins, même dans l'opéra bouffe (plus réaliste pourtant - c'est le cas de Marchesi), et interprétait TOUS les rôles féminins dans les états pontificaux au 18ème, puisque les femmes étaient interdites sur scène ! ainsi un certain castrat Fontana, surnommé Farfallino, a eu sa période de gloire à Rome dans les années 1720, spécialisé dans les rôles féminins (Griselda de Scarlatti par exemple, et aussi, je crois, Giustino de Vivaldi...). Ces pratiques et l'ambiguité de ces interprètes sont le sujet de la nouvelle "Sarrasine" de Balzac.
de nos jours, ces rôles féminins sont quasiment toujours chantés par des femmes, comme la Cleopatra évoquée, créée par Farinelli, et chantée par Bayrakdarian ou Aikin dans des reprises récentes (et, pour info, son Marc Antonio était la célébrissime Vittoria Tesi)
- les premiers rôles masculins de soprano ou contralto étaient interprétés par des castrats soprano ou contralto, ou des contraltos féminin (plus rarement soprano sauf à la fin du 18eme avec l'élévation générale des tessitures). Certaines cantatrices à la voix et au physique particulièrement adapté s'en faisaient même une spécialité : le Tesi dont nous parlions, mais aussi la Merighi, par exemple, ou Diana Vico, etc... pour compliquer les choses, il faut signaler que bien souvent (surtout au 17eme), les personnages se présentent travestis sur scène, jeu que l'on retrouve avec Cherubin : femme qui joue un garçon qui se déguise en femme. Ainsi, c'est le cas des guerrières à la Bradamante (Orlando, Alcina et compagnie), ou d'Amastre (Serse). dans l'Orlando finto pazzo (Vivaldi), Grifone, rôle masculin créé par un castrat, se fait passer pour une femme, et sa maîtresse Origille, créé par une femme, pour un guerrier. on suit ? de même dans la Statira de Cavalli, avec son Usimano (castrat soprano) déguisé en dame de compagnie avant de reprendre ses atours de guerrier. Le Jupiter de Calisto du même Cavalli passe de basse à alto (Diane...) pour séduire la nymphe, suscitant le trouble du berger Endymion (alto...) !
Bref l'ambiguité sexuelle et les jeux de travestissement font partie intégrante de ce répertoire.

POURQUOI ?
d'abord, la prédominance des registres aigus pour la représentations des personnages masculins (soprano et alto) peut de nos jours étonner dans des parties de héros comme Alexandre le grand, Hercule, Jupiter, Jules César... mais ces héros apparaissaient de manière idéalisée, armés d'une voix surhumaine (tessiture et technique échappant aux possibilités masculines et humaines communes), une fraîcheur et un parfum de jeunesse éternelle qui leur conférait un statut de demi-dieu, qui se situait d'emblée dans l'abstraction légendaire. Qu'importe alors si, scéniquement, Cesar est un homme ou une femme, ce n'est qu'un détail prosaïque.
les prime donne ne sont d'ailleurs pas systématiquement sopranos, notamment dans l'opera Vivaldien, qui foisonnent de contralti...

Maintenant, pour répondre à Perrine concernant les rôles créés par des castrats : au répertoire on compte principalement les operas de Haendel. les rôles principaux masculins sont surtout des contraltos créés par le castrat Senesino (voire Nicolini dans Rinaldo, Amadigi). contre-ténors et contraltos féminins sont distribués au cas par cas dans ces rôles. les rôles créés par le castrat Carestini sont de tessiture plus longue et aiguë et échoient donc à des femmes (Ariodante, Ruggiero dans Alcina...), bien que Jaroussky se lance l'an prochain dasn un hommage à ce célèbre castrat.
même des rôles créés à l'origine par des femmes en travestis sont maintenant plus traditionnellement confiés à des falsettistes, comme Arsamene dans Serse, ou Ottone dans Agrippiina.
parler de castrat à propos des contre-ténors (=falsettistes) est une arnaque courante. rien à voir ! l'intervention des contre-ténors dans ce répertoire est sujette à de nombreux débats, où resurgit souvnet le réalisme en scène (ce qui est déjà méconnaître l'essence même de ce répertoire). disons qu'historiquement et si on veut faire "authentique", ils n'ont rien à y faire, et qu'un contralto est souvent plus à sa place dans ces rôles, ne serait que du point de vue de la tessiture et d'un certain héroïsme. maintenant, un bon contre-ténor vaut mieux qu'une mauvaise contralto...
Bezzina a joué cette carte baroque à fond dans le délirant "incoronazione di Dario" (Vivaldi, 1716), confiant les deux rôles de princesses (contraltos féminins à l'origine) aux falsettistes Ledroit et Lesne, et les princes (castrats soprano) à des femmes. la nourrice, alto est tenue par Visse, qui est décidément habitué aux nourrices !

Enfin, les représentations de personnages jeunes par des femmes (généralisé à défaut de castrats) a perduré tant bien que mal jusqu'à nos jours. Des contraltos de l'époque de Rossini, encore auréolés de l'héroïsme des castrats suivis de Romeo, Smeton, Orsini. Chez Verdi Oscar, Tebaldo ne sont plus que des jeunes espiègles, à la tessiture de soprano, tout comme les sopranos ou mezzos sopranisant Jemmy, Urbain (à part le rondo d'Alboni) , Isolier, Siebel, Nicklausse... de l'opéra français. il y a aussi Ratmir, Vania, chez les Russes (je ne connais pas), Oktavian ou le compositeur chez Strauss. il y a quelques années, un Rimbaud contralto a été écrit. de même, le jeune Berlioz selon Condé a pris la voix d'un soprano.
et pour définir un personnage hors du monde humain commun, étrange, qui échappe aux catégories sexuelles, Petigirard a confié Elephant Man à un contralto.
la transposition est rarement une bonne solution, Jacobs a bien raison d'évoquer les frottements sensuels des voix des héros à la tierce dans Cleopatra & Cesare de Graun (on pourrait citer mille opera, du couronnement de Poppée à Lucio Silla, Tancredi...)
Voilà toute la richesse du travesti !! et BRavo à ceux qui auront tenu jusqu'au bout de mon message.

Avatar du membre
aroldo
Basse
Basse
Messages : 2253
Enregistré le : 29 nov. 2004, 00:00

Message par aroldo » 25 mai 2005, 22:08

Ecoute : bravo à toi. J'ai tout compris en plus ! :worthy:
l'enlevement de Clarissa a été un des évènements de ma jeunesse.

Répondre