Y a-t-il des opéras avec un très bon livret mais une musique médiocre ? Je ne trouve pas d'exemple mais c'est peut-être seulement parce qu'un opéra sans bonne musique est voué à l'échec et à l'oubli, tandis que l'inverse n'est pas gênant.
Cyrano de Bergerac (Alfano) a un livret qui me semble supérieur à sa partition (qui n'est pas mauvaise pour autant).
J'émets personnellement quelques doutes personnels sur Wozzeck (Berg) dont la musique certes savante et subtile me semble terriblement froide et dénuée d'émotion pour un sujet si misérabiliste. Cependant Wozzeck est un jalon absolu dans l'histoire de l'opéra, la matrice de tout ce qui se fait en la matière depuis donc je ne dirais pas que sa musique ne surpasse pas son sujet. Je trouve que la musique de Lulu colle bien davantage aux péripéties de l'héroïne.
J'ai l'impression qu'un bon livret inspire forcément un compositeur.
Bon livret, mauvaise musique ?
Re: Bon livret, mauvaise musique ?
l'inverse n'étant évidemment pas vrai tant on ne compte plus les ouvrages magnifiques qui étaient tombés dans l'oubli et que, fort heureusement la musicologie a permis de redécouvrir.
Ceci étant c'est pas facile de répondre à ta question.
La qualité d'un livret dépend en très grande partie de la qualité du matériau d'origine (souvent une oeuvre littéraire); Il faudrait peut-être prendre un exemple multi adapté à l'opéra, non ? Comme Falstaff par exemple ... et puis comparer ce que les différents compositeurs en ont fait ...
Re: Bon livret, mauvaise musique ?
Je ne qualifierais pas le sujet de Wozzeck de sujet misérabiliste, c'est un sujet tragique, avec tous le mystère de cette oeuvre romantique qui est devenue un des emblèmes de la représentation de l'horreur sociale du vingtième et vingt et unième siècle.tuano a écrit : ↑27 mai 2017, 08:53Y a-t-il des opéras avec un très bon livret mais une musique médiocre ? Je ne trouve pas d'exemple mais c'est peut-être seulement parce qu'un opéra sans bonne musique est voué à l'échec et à l'oubli, tandis que l'inverse n'est pas gênant.
Cyrano de Bergerac (Alfano) a un livret qui me semble supérieur à sa partition (qui n'est pas mauvaise pour autant).
J'émets personnellement quelques doutes personnels sur Wozzeck (Berg) dont la musique certes savante et subtile me semble terriblement froide et dénuée d'émotion pour un sujet si misérabiliste. Cependant Wozzeck est un jalon absolu dans l'histoire de l'opéra, la matrice de tout ce qui se fait en la matière depuis donc je ne dirais pas que sa musique ne surpasse pas son sujet. Je trouve que la musique de Lulu colle bien davantage aux péripéties de l'héroïne.
J'ai l'impression qu'un bon livret inspire forcément un compositeur.
En ce qui concerne Cyrano, le livret est tout de même bien appauvri par rapport à la pièce. On ne comprends rien au role de deGuiche, toute l'intrigue du mariage disparaît. Bien sûr l'absence de la "tirade des nez" sent le refus d'obstacle, mais se priver de la scène du voyage sur la lune est vraiment idiot. Cela aurait pu être une scène d'opéra incroyable. Du coup l'intrigue amoureuse devient pauvre, peu intéressante. Et comme de mon point de vue la musique est sans intérêt, je ne classerais pas l'œuvre dans cette catégorie (tout cela, AMHA)
Re: Bon livret, mauvaise musique ?
Le livret de Wozzeck est un chef d'œuvre, tant par son contenu que par sa structure. C'est d'autant méritoire que Berg l'a écrit à partir de fragments épars d'une pièce de Büchner. Ne pas oublier qu'il s'inspire d'une histoire vraie et que la conception de l'œuvre est indissociablement liée à la période de l'après-première guerre mondiale dans une Allemagne qui se sentait profondément humiliée.tuano a écrit : ↑27 mai 2017, 08:53
J'émets personnellement quelques doutes personnels sur Wozzeck (Berg) dont la musique certes savante et subtile me semble terriblement froide et dénuée d'émotion pour un sujet si misérabiliste. Cependant Wozzeck est un jalon absolu dans l'histoire de l'opéra, la matrice de tout ce qui se fait en la matière depuis donc je ne dirais pas que sa musique ne surpasse pas son sujet. Je trouve que la musique de Lulu colle bien davantage aux péripéties de l'héroïne.
Je ne trouve pas que la musique soit froide. Elle est d'une esthétique propre à Berg, atonale souvent mais pas sérielle et pour moi beaucoup plus accessible que celle de Lulu. Il y a de superbes passages lyriques comme la scène où Marie lit la Bible.
Boulez disait que Wozzeck était un exemple rare de coexistence de l'excellence littéraire et de l'excellence musicale. Il a raison même si on peut trouver d'autres exemples.
Re: Bon livret, mauvaise musique ?
Justement la scène de la Bible n'est pas du "vrai" Berg, je trouve : il y a un mélodrame (texte parlé, donc c'est du théâtre) puis une mélodie à l'ancienne, pas du tout atonale.
Re: Bon livret, mauvaise musique ?
Ce serait bien difficile de définir le "vrai Berg"
Et justement Berg a conçu Wozzeck comme un assemblage de formes musicales. Chaque scène en est une différente ( pavane, rhapsodie, rondo, passacaille....) et son génie est de les avoir traitées avec son style sans que le "coutures" soient visibles, avec une grande fluidité des enchainements.
Re: Bon livret, mauvaise musique ?
+ 1 et c'est ça qui est génial.dge a écrit : ↑27 mai 2017, 13:33Ce serait bien difficile de définir le "vrai Berg"
Et justement Berg a conçu Wozzeck comme un assemblage de formes musicales. Chaque scène en est une différente ( pavane, rhapsodie, rondo, passacaille....) et son génie est de les avoir traitées avec son style sans que le "coutures" soient visibles, avec une grande fluidité des enchainements.
J'ai du mal à comprendre comment on peut trouver la musique de l'acte III par exemple de Wozzeck "froide et dénuée d'émotion" .
Des crescendi orchestraux débouchant sur des tutti tonitruants avec force coups de timbale, s'enchaînant directement avec un rythme de danse de cabaret au piano, jai rarement entendu plus émouvant.
(D'ailleurs, j'avais déjà noté l'influence de Mahler dans l'interlude entre la quatrième et la cinquième scène de l'acte, mais je n'avais jamais fait le parallèle entre les crescendi aux percussions du dernier mouvement de la Deuxième de Mahler et ceux de l'interlude entre la deuxième et la troisième scène du III de Wozzeck, pourtant ça m'en semble directement inspiré).
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth
— Shakespeare, Macbeth