tuano a écrit :Pour le Trouvère, c'est dangereux car c'est une oeuvre qui fonctionne mieux musicalement que scéniquement.
C'est surtout une oeuvre dont la continuité de l'action est totalement explosée. Contrairement à ce qu'on dit beaucoup, ce qui se passe sur scène n'est pas très compliqué, au contraire c'est très simple. La complexité de l'intrigue réside dans ce qu'on ne voit pas : ce qui s'est passé 15 ans avant, ce qui se passe entre les scènes. Les personnages racontent l'histoire plus qu'ils ne la jouent. C'est un procédé similaire à la bataille remportée par Le Cid (
Nous partîmes cinq cent...).
A part à deux ou trois moments (les deux ou trois dernières minutes I, du II et du IV), il n'y a rien à voir sur scène que des personnages qui se dévoilent en racontant. En plus, chaque scène est sensée se passer le soir, la nuit, au point du jour ou dans un lieu sans lumière.
Cet opéra est ainsi la négation même du métier de décorateur tel qu'il est concu aujourd'hui. Le seul travail productif que peut faire un metteur en scène est d'appuyer la caractérisation des personnages en travaillant leur gestuelle et leurs attitudes les uns par rapport aux autres. Dans une salle comme Bastille et dans une optique de reprise, ça n'est pas évident.
En outre, j'ai tendance à penser que plus que pour tout autre, une transposition moderne est néfaste à l'ambiance. Cette histoire de sorcière, d'enfants échangés, d'honneur, de cruauté, de supertition, n'est viable que dans un monde a-rationnel comme celui d'un moyen-âge, même de fantaisie. Transposer ça au XIXième ou au XXième siècle ne fait qu'accentuer le caractère improbable de l'action selon nos critères rationnels modernes.
A mon avis, Le trouvère peut très bien fonctionner scéniquement si le metteur en scène ne transpose pas dans les années 30, si le décorateur se cantonne dans un jeux de formes sombres, imprecises et inquiétantes et si la direction d'acteur est subtile. Bref, cela demande une modestie et une économie de moyens à des années lumières des conceptions de mise en scène qui président à l'opéra actuel.
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