Interview Paris Match : Stéphane Lissner, directeur de l'Opéra de Paris: "On ne peut pas tout accepter !"

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Interview Paris Match : Stéphane Lissner, directeur de l'Opéra de Paris: "On ne peut pas tout accepter !"

Message par David-Opera » 12 mai 2018, 11:41

En pleine tourmente après les révélations d’une enquête fustigeant l’archaïsme du Ballet, le directeur général de l’Opéra de Paris prend enfin la parole et dénonce une manipulation.

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Quant aux membres de la Commission d’expression artistique en charge de cette enquête explosive, tous danseurs, ils ont présenté leurs excuses et démissionné. En attendant d’autres sanctions plus lourdes ? Pour Lissner, Aurélie Dupont ne peut pas tout faire. Et s’il remet en question une partie de la teneur du document présenté comme une enquête, il sait qu’il ne doit pas fermer les portes et dire que tout va bien ! Stéphane Lissner aborde enfin les problèmes de cette maison au prestige – presque – intact.
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Stéphane Lissner. ...A son arrivée, Aurélie a d’abord articulé une programmation et ce dans des conditions compliquées. Elle n’a pas eu six mois ou un an pour le faire mais quelques semaines. Elle a, par exemple, dû faire face à une annulation, la création de Benjamin Millepied. Et a réussi à convaincre Jiri Kylian de venir. Elle a montré sa détermination en invitant un chorégraphe, Alexander Ekman, avec “Play”, pour une soirée entière. Cette pièce est, depuis, demandée dans le monde entier ! Le Ballet affiche 7 % de progression en termes de public et d’abonnements.
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Certains jugent la compagnie, autrefois présentée comme la meilleure du monde, sur le déclin ?
Je préside le concours et je discute avec pas mal de personnalités. Leur avis me rassure. Que des artistes comme William Forsythe ou Mats Ek chorégraphient est un signe de confiance.

Si le Ballet de l’Opéra est en si belle forme, d’où viennent ses problèmes ?
Comment répondre à la mutation de nos sociétés, faire avec un problème générationnel lorsque la moyenne d’âge du Ballet est de 25 ans ? Ces nouvelles générations ont été bousculées. Elles ont davantage de fragilité, évoluent dans un monde où les sollicitations jouent un rôle important, où les réseaux sociaux ont une part accrue. J’ai souvenir que, dans le temps, les jeunes danseurs se glissaient en coulisses pour voir leurs aînés sur scène. Je constate que c’est moins le cas aujourd’hui…

Vous parlez de nouvelles articulations possibles entre le Ballet et l’Ecole. Y a-t-il un manque de communication ?
Vous avez à l’Ecole de danse la responsabilité d’enfants qui ont 8 ou 9 ans et que l’on va accompagner jusqu’au bac puis à leur entrée dans la compagnie pour certains. Ils reçoivent donc une éducation scolaire et artistique, mais nous devons penser à un accompagnement pour leur entrée dans la vie professionnelle.

Quelles seraient les solutions les plus évidentes ?
J’entends réfléchir avec les élus de la prochaine Commission artistique [les actuels ont démissionné] qui représentent le Ballet et les délégués syndicaux. Il faut plus de fluidité. Depuis 1983, la journée de travail au Ballet n’a pas changé. Il y a matière à avancer. Si vous regardez le milieu de la danse, vous voyez qu’il y a des problèmes à Nice, à Londres, à Bordeaux ou à New York. Ce n’est pas un hasard. Les nouvelles générations acceptent sans doute moins facilement les contraintes qu’autrefois.

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Quels seront les grands chantiers à venir pour répondre à cette inquiétude des interprètes du Ballet ?
... Que ce soit à l’époque de Rudolf Noureev ou de Patrick Dupond, le Ballet a connu des crises. En 2012, alors que j’étais directeur délégué, un grand nombre de danseurs ont demandé par lettre à la ministre le départ immédiat de Brigitte Lefèvre. Cela m’avait beaucoup choqué à l’époque. Aujourd’hui la crise que nous traversons est sans doute plus grave car elle repose sur un contraste de générations. Il faut essayer de le comprendre et d’y répondre.

Que rétorquez-vous à ceux qui disent que le classique n’est plus la priorité au Ballet ?
Nous aurons au cours de la saison 2018-2019, 79 représentations de ballet classique pour 84 soirées non classiques, ce qui est dans la moyenne des chiffres constatés lors des dernières saisons. Par ailleurs, je vous confirme que ce n’est pas la volonté d’Aurélie Dupont d’abandonner le classique et il y en aura davantage les années suivantes. Nous avons ce legs Noureev, c’est important dans le répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris, mais il faut aussi envisager de nouveaux grands ballets.

L’enquête ne repose-t-elle que sur des rumeurs ?
Je vous avoue que je commence à avoir des doutes sur l’authenticité du document non transmis aux syndicats ni à la direction. Il faut mettre les choses au clair : ce qui a été envoyé à ce grand quotidien n’est pas l’original de cette enquête interne. Et, à ce jour, je ne suis pas certain que tout cela n’ait pas été manipulé. La personne qui a rendu ce texte public refuse de donner les codes d’accès au document d’origine et aux réponses des danseurs. On peut rédiger un rapport avec des vérités tout autant qu’avec des inexactitudes. Ce document source, personne ne l’a vu. Et surtout pas les danseurs.

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Pensez-vous qu’il y a une volonté de nuire à l’Opéra de Paris ? Ou que ce ressentiment de certains danseurs vient de circonstances particulières ?
Pourquoi pas. Il y a pour la direction de la danse des décisions à prendre qui peuvent créer de forts mécontentements. Par exemple les demandes de permission [pour danser à l’extérieur, notamment lors de galas lucratifs], de plus en plus fréquentes et peu compatibles en termes de distribution. Il y a également des remarques exigeantes des maîtres de ballet durant des répétitions, des questionnements sur la programmation, qui est de la seule responsabilité de la direction du Ballet.

Que voulez-vous dire aux danseurs, que l’on imagine particulièrement troublés ?
Je leur ai écrit une lettre. Il faut évoluer, créer un nouveau lien avec la direction du Ballet, de nouvelles méthodes de communication, plus d’explications, notamment sur le choix de programmation.

Travaillez-vous sur des pistes précises actuellement ?

La perception de l’autorité a changé, elle est moins bien acceptée de nos jours. Le contact entre la direction et la compagnie doit être plus simple, différent. Il faut trouver de nouveaux codes dans les relations. Mais tout ne peut pas être accepté, il n’est pas question que cela vire au participatif ! La direction artistique restera maître de la programmation. Il y a un appel, on doit l’entendre. Ce que je veux laisser, à mon départ, c’est une vraie stabilité dans cette maison.

Entendez-vous prolonger votre mandat au-delà de 2021 ?
La question n’est pas d’actualité !


http://www.parismatch.com/Culture/Spect ... er-1513193

Et aussi

https://www.sceneweb.fr/stephane-lissner-sort-silence/
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.

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Re: Interview Paris Match : Stéphane Lissner, directeur de l'Opéra de Paris: "On ne peut pas tout accepter !"

Message par David-Opera » 12 mai 2018, 17:08

En complément, Alexandra Bensaid reçoit Stéphane Lissner sur France Inter.
L'interview (vidéo) revient un peu sur la situation du ballet, mais se consacre principalement au rôle majeur du mécénat face au désengagement des états Européens envers la culture.

Il y est question du risque que fait peser l'augmentation de la part du mécénat en terme de pression sur la programmation. Lissner confirme qu'à la Scala, où le mécénat représente 40% du budget, il a senti cette pression, mais dit y avoir résisté.

https://www.franceinter.fr/emissions/on ... 2-mai-2018
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.

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